Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Avant d’examiner les différentes formes de coopératives, il est utile de souligner leurs caractères généraux : participation obligatoire à ces coopératives ; activités des coopératives de la réforme agraire dépassant le cadre traditionnel des autres coopératives ; institutions dirigées dont la gestion est effectuée sous contrôle très sévère de l’administration. Il s’ensuit que ces coopératives, à l’encontre des coopératives traditionnelles, sont un moyen d’intervention gouvernementale dans la production agricole.

Formes d’intervention coopérative. Le projet d’unification de la rotation agricole consiste à grouper les petites exploitations en un seul domaine d’une superficie assez importante (env. 600 ha) et à leur appliquer une seule rotation. L’exploitation reste individuelle mais ne dispose plus du choix des récoltes.

En novembre 1963, un nouvel essai de réorganisation de la production agricole a été introduit dans deux gouvernorats : Béni-Souef, en Moyenne-Égypte, et Kafr el-Cheikh, au nord-ouest du Delta.

Ce projet va plus loin que la simple unification de la rotation agricole, car l’organisation collective de la production agricole est appliquée à l’échelle de tout le gouvernorat, la rotation des cultures est entièrement dirigée, les moyens mécaniques sont mis collectivement à la disposition des paysans, les techniques scientifiques modernes sont appliquées. Enfin, la commercialisation des récoltes est totalement assurée par les soins de l’État égyptien.

En conclusion, le fellah reste, dans ce système, toujours propriétaire de sa terre, mais il n’est plus maître de l’exploitation ni de la commercialisation. Il en résulte que le principe même de la propriété a subi un changement de contenu. En effet, la propriété privée s’est aujourd’hui intégrée dans un système d’exploitation de plus en plus collectif où les droits du propriétaire sont de plus en plus réduits.

Le Nil asservi

De l’utilisation traditionnelle de la crue du Nil, il ne reste plus trace que dans la Haute-Égypte. La pratique de l’inondation de bassins aménagés à partir de canaux de prise au niveau des hautes eaux a représenté un modèle d’organisation collective que les pouvoirs successifs ont suscité et contrôlé depuis la plus haute antiquité.

Des hods (ḥawḍ), ou casiers de cultures de 400 à 1 700 ha regroupés à cinq ou six en bassins, étaient aménagés pour présenter un niveau du sol aussi horizontal que possible. Les hautes eaux limoneuses étaient dirigées vers ces bassins, qui n’étaient mis en culture qu’après évaporation. Les semis et repiquages étaient faits dans la boue lorsque la décrue rendait toute nouvelle inondation impossible. La récolte avait lieu au printemps. Cette culture d’hiver, ou chétoui (chitwī), demeure, mais elle dépend désormais d’une irrigation contrôlée. Sur les terres épargnées par l’inondation (bourrelets de berge et marges proches des hods), les cultures nīlī (d’automne) restent possibles à partir d’une irrigation systématique à main d’homme par puits à balancier (chadouf), simple seau de cuir ou métallique (nataleh) ou vis d’Archimède, ou par noria à traction animale (sakieh [sāqiyya] ou, plus récemment, tabout [tabūt]).

La régularisation du débit du fleuve par la construction de barrages d’élévation a permis d’organiser une irrigation pérenne à partir de canaux à niveau constant. La répartition de l’eau dans les champs se fait toujours par gravité à partir de canaux qui dominent les cultures mais dont l’alimentation est permanente grâce à la maîtrise générale des eaux. Deux types de barrages permettent ce contrôle : les barrages d’élévation et les barrages de retenue. Les premiers sont destinés à conserver un niveau suffisant à la tète des canaux d’irrigation : Esnèh contrôle à l’est le canal Kelabia, qui irrigue 66 000 ha, à l’ouest le canal Romadi (25 000 ha) et le canal Asfoun (75 000 ha) ; Nag-Hamadi contrôle à l’est les canaux Tarif (16 000 ha) et Faroukièh (48 000 ha), à l’ouest le canal Fouadièh (60 000 ha) ; Assiout contrôle à l’ouest tout le système du canal Ibrahimiyèh et du Bahr Youssef vers le Fayoum (550 000 ha) ; Méhémet-Ali, ou barrage du Delta, commande à l’ouest le canal Béhéra (270 000 ha), à l’est le canal Toufikièh (235 000 ha), au centre le canal Ménoufièh (400 000 ha) ; enfin, le barrage Zifta, sur la branche de Damiette, contrôle 330 000 ha.

La pente générale du fleuve n’est que de 8 à 10 cm par kilomètre ; en outre, des ouvrages régulateurs permettent de maintenir l’eau de ces canaux au niveau le plus élevé. Des canaux secondaires s’alimentent juste à l’amont de ces ouvrages. Ils alimentent à leur tour, grâce à des régulateurs plus petits, les canaux distributeurs. Chaque distributeur permet d’irriguer de 400 à 4 000 ha. L’ensemble de ces trois types de canaux hiérarchisés constitue un réseau public de 25 000 km, entretenu par l’État. Un contrôle sévère des débits et un système de rotation des arrosages assurent une répartition équitable, surtout en période d’alimentation insuffisante du fleuve. De même, un système rotatif de nettoyage des canaux permet de les curer régulièrement.

Au réseau public se juxtaposent des canaux particuliers, ou miska (misqā), qui permettent d’irriguer de 10 à 12 ha. Propriétés collectives ou individuelles, les miska sont entretenus par les agriculteurs eux-mêmes. Ils assurent l’irrigation des carrés de culture de 30 à 40 m2 soit par submersion sous une lame d’eau de 5 à 10 cm pour le blé ou le trèfle, soit dans des sillons profonds entre les lignes de plants de coton. La permanence de l’irrigation pose le problème de la nécessité du drainage des apports excédentaires en eau. Pour les terres les plus hautes, l’eau en excès s’écoule par gravité et rejoint les canaux inférieurs ou le fleuve en basses eaux. Dans les terres basses, tout un réseau public de drainage (masraf) a dû être organisé (13 000 km). Parfois insuffisant, il rend un pompage nécessaire (Moyenne-Égypte et bas Delta).