Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Le maïs tient la quatrième place dans la production. Ancienne culture nīlī par arrosage des hautes terres pendant la crue, il a tendance à devenir une culture séfi (d’été). En effet, les superficies de maïs séfi n’ont cessé de croître (de 8 000 ha en 1952 à 430 000 ha actuellement), tandis que le maïs nīlī accuse pour la même période un fort recul de 700 000 à 200 000 ha.

Les légumes cultivés en toutes saisons tiennent une plus grande place que le blé, culture d’hiver.

Dans l’ensemble, on constate une certaine stabilité des surfaces cultivées en chétoui, anciennes cultures traditionnelles de décrue. Elles occupent environ 2 millions d’hectares (trèfle, blé, fèves, légumes). Les cultures séfi (d’été) progressent à la mesure de l’extension des périmètres irrigués. Elles occupaient 1,2 million d’hectares en 1952, environ 1,7 million d’hectares vers 1970 et s’étendent rapidement (coton, maïs, millet, légumes, canne). En revanche, les cultures nīlī ne cessent de reculer, tandis que les vergers ont progressé de 40 000 ha en 1952 à 75 000 actuellement (les orangers représentent la moitié des superficies).

Le régime du Nil

Sous tous les régimes qui se sont succédé dans ce pays essentiellement agricole, l’impôt a consisté en prélèvements sur les produits du sol. Pour que cet impôt soit levé avec un maximum de justice, il fallait tenir compte de l’apport bénéfique de la crue du Nil pour les récoltes. La mesure de cette crue constituait la règle à partir de laquelle les déclarations de bonne ou de mauvaise récolte étaient appréciées. Les nilomètres ont donc été des appareils fiscaux. Les plus anciens consistaient en puits de pierre maçonnés et mis en communication avec le fleuve. Une échelle graduée intérieure accessible par un escalier permettait de noter la hauteur de la crue. Actuellement, 140 nilomètres constitués d’une échelle gravée dans une plaque de marbre fixée dans un pilier de béton permettent de noter les niveaux tout au long du fleuve. De même, les hydrologues procèdent à des mesures de débit, nécessaires au service des irrigations.

Grâce à ces mesures, les niveaux de crue et les débits du fleuve à Assouan sont bien connus. Le débit minimal se situe dans la dernière décade du mois de mai, avec seulement 45,2 millions de mètres cubes par jour (523 m3/s). Il croît rapidement pour atteindre 56,9 millions de mètres cubes par jour (658 m3/s) en juin, 139 millions de mètres cubes par jour (1 608 m3/s) en juillet. Les débits les plus importants sont généralement ceux de la troisième décade d’août et des deux premières décades de septembre, avec plus de 700 millions de mètres cubes par jour (maximum : 8 945 m3/s). La décrue se fait plus lentement et s’étale sur neuf mois pour atteindre les plus basses eaux, mais de façon irrégulière, rapide d’abord : en octobre et en novembre, 476 et 260 millions de mètres cubes par jour, soit 5 509 et 3 009 m3/s. En février, le débit est déjà à peine deux fois celui des plus basses eaux (1 024 m3/s). En fait, les mois d’août, septembre et octobre apportent les deux tiers du volume moyen annuel des eaux du Nil.


La réforme agraire

C’est donc depuis le milieu du xixe s. que l’agriculture égyptienne a procédé à une série de perfectionnements techniques assurant une haute rentabilisation par l’intensification des cultures (plusieurs récoltes par an grâce à l’irrigation pérenne) et par l’introduction de cultures commerciales permettant d’assurer un revenu monétaire aux paysans. Jusqu’à cette époque, la terre était demeurée propriété des souverains, c’est-à-dire propriété de l’État, qui en confiait l’usufruit à des collectivités locales ou à des dignitaires. La seconde moitié du xixe s. voit une mutation brusque du régime foncier avec l’apparition du principe de la propriété individuelle du sol (1858). D’autre part, la croissance rapide de la population rurale entraîne un abaissement sensible du niveau rural, favorisant à la fois l’émiettement de la petite propriété et la concentration de grands domaines par rachats usuraires.

À la veille de la révolution de 1952, la propriété agricole était caractérisée par la multitude des micropropriétés : plus de 2 millions d’agriculteurs possédant moins de 0,4 ha représentaient 72 p. 100 des propriétaires et seulement 13 p. 100 des terres. La catégorie des petits propriétaires (0,4 à 2,1 ha) comptait plus de la moitié de ses membres possédant moins de 1 ha ; elle représentait 22,2 p. 100 des propriétaires et 22,5 p. 100 des terres. Le groupe des propriétaires moyens (2,1 à 8,4 ha) comprenait les paysans, notables de villages, exploitant eux-mêmes leurs terres avec l’aide d’un salariat local. C’est à partir de ce groupe que jouait, sous la pression démographique, la tendance à l’émiettement et à l’accaparement des terres par les plus gros propriétaires ; 1,1 p. 100 de ceux-ci possédaient de 8,4 à 84 ha, soit 25,2 p. 100 des terres, tandis que 0,1 p. 100 possesseurs (2 100 propriétaires) de plus de 84 ha accaparaient 19,8 p. 100 des terres.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette situation, combinée avec le mouvement nationaliste, était devenue explosive. Pour enrayer la montée révolutionnaire dans les campagnes, où les jacqueries se multipliaient, plusieurs théoriciens locaux préconisèrent une réforme agraire qui, tout en maintenant intact le principe de la propriété privée de la terre, réduirait les écarts sociaux et, en décourageant l’accumulation des richesses foncières, encouragerait les investissements dans l’industrie.

En s’attaquant en priorité au problème agraire, l’équipe des militaires auteurs du coup d’État de juillet 1952 s’est inspirée de ces principes.

• La loi de 1952. Elle limitait la propriété agraire à 84 ha (en fait, à 126 ha, les deux premiers enfants donnant droit chacun à 21 ha supplémentaires). Les propriétaires touchés par la loi étaient indemnisés par des titres gouvernementaux négociables (le prix de l’hectare étant fixé à 10 fois sa valeur locative) et étaient autorisés à vendre leurs surplus réquisitionnables au prix fixé par le gouvernement (70 fois l’impôt foncier), par lots de 0,84 ha à 2,1 ha, le fellah bénéficiaire devant s’acquitter en trente ans du prix de la terre avec un taux d’intérêt annuel de 3 %. Les terres de la famille royale (75 600 ha) étaient confisquées. Un Comité de la réforme agraire était chargé de gérer la totalité des terres réquisitionnées. Plus importante encore, peut-être parce que touchant la masse des locataires, fut la baisse autoritaire du taux de loyer des terres, dont le plafond fut fixé à 7 fois le montant de l’impôt foncier. Au terme de cette loi, les grands propriétaires restaient très largement nantis et indemnisés et, d’autre part, seuls quelques rares petits propriétaires pouvaient faire face aux dépenses qu’impliquait l’acquisition de nouvelles terres. On assistait donc à un renforcement de la petite propriété, mais non à une distribution de la terre aux paysans démunis.