Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

L’art amarnien et ses prolongements (env. 1370-1314 av. J.-C.)

Le pharaon Aménophis IV est à l’origine d’une crise religieuse unique dans l’histoire égyptienne. « Ivre de dieu », qu’il sentait présent sous la forme d’Aton, le disque solaire, il tente de transformer toutes les structures de la religion égyptienne : révolution théologique qui ne manque pas d’incidences politiques, par la disgrâce du clergé d’Amon.

Remarquons d’emblée que l’art amarnien (v. Amarna) est principalement un art de cour, dû à la volonté d’un seul homme qui, non content de délaisser le panthéon égyptien pour un dieu unique, abandonna Thèbes et fonda, en Moyenne-Égypte, la nouvelle capitale d’Akhetaton, sur l’actuel site de Tell al-Amarna. Le grand temple qu’Akhenaton dédia au disque solaire, presque entièrement à ciel ouvert, se compose dune succession de cours séparées par des pylônes et pourvues d’autels que venaient baigner les rayons d’Aton. Les fondations des palais royaux ont été mises en évidence ; Tell al-Amarna est aussi l’un des rares sites où l’on a pu étudier la maison égyptienne.

À Thèbes même, où le roi continue à construire au début de l’hérésie amarnienne, les innombrables petits blocs de grès sculptés des sanctuaires solaires ont été ensuite démontés et réutilisés, en particulier dans les pylônes de Karnak : les archéologues peuvent s’adonner au puzzle gigantesque de ces « talatates », dont la décoration a été de la sorte miraculeusement sauvegardée.

Les premières réalisations de la ronde-bosse amarnienne constituent une réaction brutale contre l’idéalisme de l’art d’Aménophis III : ainsi dans les piliers statuaires du temple construit par Akhenaton à l’est de Karnak. Le roi resurgit avec toutes ses tares physiques ; la déformation crânienne, le visage émacié, le menton prognathe, la poitrine étriquée, les hanches féminines sont accentués impitoyablement. Cet « académisme de cauchemar » se tempéra : sur le magnifique buste du roi coiffé du casque bleu (musée du Louvre) s’esquisse un léger sourire. Le visage d’une intelligence pénétrante de la reine Nefertiti a inspiré les sculpteurs, qui ont laissé d’elle des portraits d’une beauté et d’une pureté exceptionnelles.

Le relief amarnien n’hésite pas à nous faire pénétrer jusque dans l’intimité de la famille royale : le roi joue avec ses filles ou embrasse la reine, ce qui est unique dans l’histoire de l’art égyptien. Plus encore que dans le relief, c’est dans la peinture que s’est déployé l’amour de la nature, si caractéristique de l’art amarnien. Illustrant les grands hymnes naturistes d’Akhenaton, papillons et oiseaux aux éclatantes couleurs prennent leur envol. Le délicieux groupe des petites princesses enlacées offre une extraordinaire gamme de jaunes et d’oranges.

Si la révolution religieuse introduite par Akhenaton fut sans lendemain, l’influence amarnienne demeura décisive sur l’art égyptien. Elle marque les statues de Toutankhamon* et d’Horemheb. Elle est sensible dans les pièces du matériel funéraire de Toutankhamon, souverain mineur qui serait demeuré obscur sans la découverte, en 1922, de sa tombe aux trésors précieux, dont l’élégance verse parfois dans le maniérisme.


L’art de la fin du Nouvel Empire (1314-1085 av. J.-C.)

Lorsque s’éteignit la XVIIIe dynastie, ce fut Ramsès Ier, chef des archers de Horemheb, qui monta sur le trône. La XIXe dynastie revient aux canons traditionnels. En architecture prédomine le goût du colossal et de la puissance. Seti Ier et Ramsès II édifièrent à Karnak l’extraordinaire salle hypostyle dont la couverture est supportée par 134 colonnes ; les plus hautes, dans l’allée centrale, atteignent 21 m de hauteur et 4 m de diamètre. Le temple de Seti Ier en Abydos, site présumé du tombeau d’Osiris, est l’un des plus parfaits et des plus classiques de toute l’architecture égyptienne. C’est de nouveau le colossal qui prime avec le Ramesseum, temple funéraire thébain de Ramsès II, entouré d’un énorme complexe de magasins et de dépendances. En Nubie*, le grand conquérant développe une série de temples rupestres, en bordure immédiate du Nil ; destinés à affirmer la gloire de l’Égypte dans ces régions soumises, sans doute étaient-ils aussi plus directement liés aux forces telluriques et mis en rapport avec la vigueur du fleuve. Les plus célèbres sont les deux temples rupestres d’Abou-Simbel, qu’un effort gigantesque de toutes les nations, sous l’égide de l’Unesco, a remontés au sommet de la falaise désertique, à l’abri des flots du lac Nasser. Il est peu de monuments égyptiens auxquels Ramsès II n’apporta pas des modifications ou quelque adjonction : ainsi l’énorme pylône et la grande cour à portiques que le roi fit construire à l’avant de la colonnade du temple de Louqsor ; devant le pylône étaient dressés des statues colossales et deux obélisques ; l’un d’eux orne aujourd’hui la place de la Concorde à Paris. La XXe dynastie, qui clôt le Nouvel Empire, est dominée par la personnalité de Ramsès III, dont le plan du temple funéraire, élevé à Médinet Habou, rappelle celui du Ramesseum. Le village de Deir el-Medineh, où vivaient les ouvriers de la nécropole thébaine, permet d’étudier l’habitat privé de la fin du Nouvel Empire.

Ramsès II est le souverain le plus fréquemment représenté de la statuaire égyptienne. Sans doute a-t-il d’ailleurs usurpé nombre de monuments de ses prédécesseurs. La belle statue du musée de Turin a une élégance indiscutable ; mais elle manque peut-être de chaleur humaine. Quant aux nombreux colosses de Ramsès II, ils attestent le goût du souverain pour le gigantesque. En fait, dès le règne de Ramsès III, la statuaire accuse une certaine décadence, qui ira s’accentuant sous les derniers Ramessides.

L’art du bas-relief de la seconde partie du Nouvel Empire est incontestablement plus riche. Les sculptures qui ornent le temple votif construit par Seti Ier en Abydos comptent parmi les plus belles de l’Égypte ancienne, par leur exécution parfaite, leur finesse et leur sensibilité. Si les scènes culturelles qui décorent les sanctuaires des temples de Ramsès II et de Ramsès III sont assez stéréotypées, certains bas-reliefs des pylônes et des murs extérieurs ne manquent ni de grandeur ni de mouvement (grandes compositions de la bataille de Kadesh, sur le pylône de Louqsor ; représentation d’un combat naval à Médinet Habou).