Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Cette paix va être compromise, d’une part par l’élan assyrien vers l’Euphrate (qui va ébranler le Hatti et secouer les peuples d’Asie Mineure), d’autre part par l’invasion des « peuples de la mer » : à ce moment, en effet, les Achéens*, qui visaient également à l’hégémonie en Méditerranée orientale, menés par Agamemnon, s’emparent de Troie. Le Hatti et les peuples de la côte sont donc doublement menacés, de l’est et de l’ouest. Le péril s’accroît encore du fait que des Doriens (venus d’Illyrie) envahissent alors la Grèce, puis passent en Crète, enfin en Asie Mineure, où ils semblent avoir été précédés par d’autres bandes indo-européennes venues du nord-est par la voie de terre. Pressées de toutes parts, les populations côtières (de Phrygie, de Lydie, de Carie, de Mysie...) fuient et se dirigent soit vers la côte d’Afrique à l’ouest de l’Égypte (les Libous vers la Libye), soit vers la Sicile et l’Italie (Sicules et Étrusques ?), ou bien vers les rivages au nord-est de l’Égypte (les Philistins fonderont la Palestine), ou enfin vers l’Égypte même : en l’an 5 du règne de Mineptah (1230), la tourmente se déchaîne, le roi repousse l’invasion, celle qui venait de Libye, celle qui venait du nord-est. Calme temporaire. Nouvel assaut sous Ramsès III (XXe dynastie), qui remporte une grande victoire navale dans les bouches du Nil et défait l’armée des envahisseurs qui s’en venaient par la route de Syrie ; le roi, vainqueur vaillant, remonte jusqu’en Phénicie. L’Égypte, seule, sort intacte de la tempête.

Mais des successeurs trop faibles, l’emprise grandissante du clergé amonien sur la monarchie, une lente infiltration étrangère auront finalement raison de l’empire thébain.


La Basse Époque

La Basse Époque consacre l’affaiblissement du royaume et la mainmise étrangère sur l’Égypte (de 1085 à 332) : avènement de rois-prêtres (XXIe dynastie) ; venue au pouvoir d’envahisseurs libyens (XXIIe dynastie) ; installation d’un dynaste nubien, Piankhi, en Haute-Égypte, puis dans le Delta. Tefnakht (XXIVe dynastie) sait reprendre la Basse-Égypte, et, comme son successeur Bocchoris, résister à l’emprise assyrienne. Mais la XXVe dynastie est éthiopienne : le frère de Piankhi, Chabaka, s’installe à Thèbes, dont les Assyriens auront finalement raison et qu’ils mettront à sac. Psammétique Ier (XXVIe dynastie) rejette le protectorat assyrien et chasse les Éthiopiens de Haute-Égypte ; de sa capitale, Saïs (dans le Delta), il remet en ordre administration et économie ; c’est une période de renaissance et de prospérité nationale, mais éphémère. En 525 av. J.-C., Cambyse II, roi de Perse, envahit l’Égypte et annexe le pays à l’empire achéménide (XXVIIe dynastie). En 401, nouvelle et courte indépendance d’une soixantaine d’années (XXVIIIe-XXXe dynastie). En 343, les Iraniens reprennent le pays, menés par Artaxerxès III.

C. L.

➙ Ancien Empire / Moyen Empire / Nouvel Empire.

 A. Erman, Aegypten und aegyptisches Leben im Altertum (Tübingen, 1885 ; nouv. éd. rev. par H. Ranke, 1923 ; trad. fr. la Civilisation égyptienne, Payot, 1952). / A. Moret, le Nil et la civilisation égyptienne (Renaissance du livre, coll. « Évolution de l’humanité », 1926 ; nouv. éd., A. Michel, 1937). / E. Drioton et J. Vandier, l’Égypte (P. U. F., coll. « Clio », 1938 ; 4e éd., 1962). / J. Vercoutter, l’Égypte ancienne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 6e éd., 1968). / J. Yoyotte, « l’Égypte » dans Histoire universelle, t. I (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1956). / G. Posener (sous la dir. de), Dictionnaire de la civilisation égyptienne (F. Hazan, 1959). / E. Drioton, l’Égypte pharaonique (A. Colin, 1960 ; 2e éd., coll. « U 2 », 1969). / C. Aldred, The Egyptians (Londres, 1961). / A. H. Gardiner, Egypt of Pharaohs (Londres, 1961). / J. Pirenne, Histoire de la civilisation de l’Égypte ancienne (la Baconnière, Neuchâtel, 1961-1963 ; 3 vol.). / F. Daumas, la Civilisation de l’Égypte pharaonique (Arthaud, 1965) ; la Vie dans l’Égypte antique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / « Die altorientalistischen Reiche », dans Fischerweltgeschichte, t. III (Francfort, 1966). / S. Sauneron, l’Égyptologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / J. Vercoutter et coll., Études sur l’Égypte et le Soudan anciens (Éd. universitaires, 1973).


L’Égypte hellénistique

Soumise à l’empire achéménide, l’Égypte tomba avec celui-ci sous la domination d’Alexandre* le Grand, qui affecta, contrairement aux Perses, une grande bienveillance à l’égard des hommes et des institutions du pays. Le clergé égyptien lui en sut gré et le gratifia d’une réponse flatteuse quand il consulta l’oracle d’Amon, à l’oasis de Siouah. Sans s’attarder en Égypte, le conquérant fonda Alexandrie*, dont le destin devait être prodigieux et qui devait marquer fortement, par sa civilisation originale, toute l’époque hellénistique, mais beaucoup moins l’Égypte, car, bien qu’édifiée aux confins du delta du Nil, Alexandrie fut toujours considérée comme une cité voisine de l’Égypte mais non comme en faisant partie. À la suite des armées d’Alexandre, Grecs et Macédoniens s’installèrent en maîtres, exploitant les Égyptiens, mais ils restèrent séparés d’eux.

Un des généraux d’Alexandre, Ptolémée, fils de Lagos, hérita du pays à la mort du conquérant et fonda la dynastie des Lagides*, qui devait gouverner l’Égypte conformément à la tradition locale (pouvoir et cérémonial analogues à ceux des pharaons, même rôle religieux, même tendance à l’hostilité permanente à l’égard des maîtres de la Mésopotamie et aux prétentions sur la Syrie), mais aussi avec un sens renouvelé de l’organisation et de l’administration (multiples dignités de cour et fonctions administratives aux titres grecs, hiérarchie complexe tant dans le clergé que dans l’armée).

Bénéficiaires de l’héritage pharaonique qui faisait d’eux les propriétaires de toutes choses, les souverains mirent au point un système étatique d’exploitation économique. Les paysans égyptiens étaient attachés à leur village comme des serfs à la glèbe, surtout ceux des terres royales, exploitées directement. Ne pouvant s’en aller, ils étaient cependant susceptibles d’être expulsés. Ils étaient corvéables à merci et astreints à remettre aux fonctionnaires royaux le plus gros de leur récolte de blé. Les autres terres étaient concédées ou affermées par le roi. L’huile, le papyrus, la banque étaient des monopoles royaux ; et il ne s’agit là que d’exemples. Du même fait, la terre était cadastrée, la population recensée, les fonctionnaires très contrôlés les uns par les autres.

Ce système enrichit la dynastie, non la population. Celle-ci n’avait d’autre solution que la grève, qui se produisait même chez les fonctionnaires : on rossait le directeur, on déguerpissait ou l’on s’enfermait dans un temple ayant droit d’asile jusqu’à ce que quelque concession fût obtenue.