Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Eckart (Johann, dit Maître) (suite)

L’œuvre

L’œuvre d’Eckart est en partie latine, en partie allemande. Les sermons et les commentaires (de la Bible et du Livre des Sentences) ainsi que les fragments d’un Opus tripartitum systématique, en langue latine, sont nés dans un contexte académique ; d’inspiration scolastique, ils révèlent moins d’originalité que l’œuvre allemande. Cette dernière se compose de quatre traités et d’un nombre encore incertain de copies de sermons faites par les moniales. Ces sermons frappent par la hardiesse de leurs formules et de leur doctrine ; ce sont eux qui ont valu à Eckart le titre de « novateur de la langue allemande » (il parlait le moyen haut allemand) et de « père de la spéculation germanique » (J. Bach, 1864).


La doctrine

Eckart n’enseigne rien d’extraordinaire : dans sa vie dispersée parmi les charges administratives, scolaires et pastorales, une pensée simple s’est formée. Elle concerne ce qu’il y a de plus ordinaire dans une existence : « Qu’en est-il de ma liberté originaire, et comment la revêtirai-je à nouveau ? Comment reviendrai-je à moi-même, et qui suis-je au fond de mon âme ? » L’enseignement d’Eckart fait parcourir quatre étapes. Au départ, Dieu est tout, la créature est néant. À l’arrivée, « l’âme est au-dessus de Dieu ». La dynamique de ce parcours est le détachement.

• Dissemblance. « Toutes les créatures sont un pur néant. Je ne dis pas qu’elles sont petites ou n’importe quoi : elles sont un pur néant. » La dissemblance totale entre l’homme et Dieu est que ce dernier possède l’être, tandis que le créé ne possède pas l’être : il le reçoit d’ailleurs. En dehors de Dieu, il n’y a rien, sinon le seul néant. « L’être est Dieu », dit Eckart. Revenir à Dieu, ce sera se mouvoir parmi les choses, sachant qu’elles ne sont rien en elles-mêmes, ce sera ne plus ressembler à rien ni à personne.

• Similitude. L’homme qui se détache ainsi du singulier et s’attache à l’universel se découvre image de Dieu. La ressemblance divine naît en lui. Dans le passage de la dissemblance à la similitude, le Fils, image du Père, s’engendre dans l’homme détaché.

• Identité. Les formules d’identité entre l’homme et Dieu, nombreuses chez Maître Eckart, peuvent facilement être mal comprises. Il ne s’agit pas d’une identité substantielle : antérieurement à la distinction en substance, l’agir de Dieu et le devenir de l’homme réunissent Dieu et l’homme dans un identique événement. Dieu n’est plus un vis-à-vis ; il est parfaitement intériorisé. De là, des formules étonnantes : « L’être et la nature de Dieu sont miens » ; « Jésus entre dans le château de l’âme » ; « L’étincelle dans l’âme est au-dessus du temps et de l’espace » ; « La lumière incréée et incréable dans l’âme s’empare de Dieu sans médiation » ; « Le fond de l’âme et le fond de Dieu sont identiques. »

• Déité. L’identité avec Dieu est encore insuffisante : abandonner toutes choses mais non pas Dieu, c’est n’abandonner rien encore. L’homme doit « vivre sans pourquoi », ne rien chercher, même pas Dieu. Une telle pensée conduit au désert : antérieurement à Dieu, il y a le désert. Pour Eckart, Dieu existe seulement comme « Dieu » quand la créature l’invoque ; mais, puisque le créé a été confondu d’« être-néant », toute relation s’estompe. Eckart appelle l’origine au-delà de « Dieu » en tant que créateur la Déité. « Dieu et la Déité sont distincts autant que la terre et le ciel. » Le détachement s’achève ainsi dans la « percée » au-delà de Dieu. Cette pensée correctement comprise est authentiquement chrétienne, car elle retrace pour le croyant le chemin de la croix du Christ.


Prolongements

La doctrine d’Eckart a été féconde. Heinrich Suso, Jean Tauler, Jan Van Ruusbroec, Nicolas de Cusa se réclament directement d’elle. Au xviie s., Angelus Silesius (1624) est en quelque sorte le versificateur d’Eckart. Le protestantisme, le romantisme, l’idéalisme allemands en sont tous tributaires. L’accusation de panthéisme et le rapprochement avec Spinoza ne résistent pas à la critique, pas plus que le jugement sommaire de J. Denifle (1876), qui ne voyait en Eckart qu’un scolastique médiocre et confus. Après les abus irresponsables faits sous le national-socialisme notamment par A. Rosenberg, M. Heidegger s’inspire, lui aussi, de certains éléments philosophiques empruntés à Maître Eckart.

R. S.

 M. Eckhart, Die deutschen und lateinischen Werke (Stuttgart, 1936 et suiv.). / H. Ebeling, Meister Eckharts Mystik (Stuttgart, 1941). / H. Hof, Scintilla animae (Lund et Bonn, 1952) ; Zur Analogielehre Meister Eckharts (Toronto, 1960). / J. Ancelet-Hustache, Maître Eckart et la mystique rhénane (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1956). / A. Dempf, Meister Eckhart (Fribourg et Bâle, 1960). / J. Koch, Kritische Studien zum Leben Meister Eckhart (Rome, 1960). / V. Lossky, Théologie négative et connaissance de Dieu chez Maître Eckhart (Vrin, 1960). / U. M. Nix et R. Öchslin (sous la dir. de), Meister Eckhart der Prediger (Fribourg-en-Brisgau, 1960). / La Mystique rhénane (P. U. F., 1963). / I. Degenhardt, Studien zum Wandel des Eckhartbildes (Leyde, 1967). / F. Brunner, Maître Eckhart (Seghers, 1970).

éclairage

Action d’éclairer un lieu, c’est-à-dire d’y répandre la lumière de manière convenable.


L’éclairagisme est la technique de l’éclairage rationnel, mais le rôle de l’éclairagiste est associé à la fois à une technique et à un art, car l’éclairage doit s’adapter à l’homme.


Historique

L’un des premiers progrès de l’humanité fut la découverte du feu. Puis l’homme trouva le moyen de transporter ce feu au moyen de la torche et ainsi d’éclairer le fond des grottes où il se réfugiait, puis de stabiliser cette source de lumière et de la rendre portative et commode. Un récipient contenant de l’huile et une mèche, d’abord simple coupelle de pierre ou coquillage, puis objet façonné et souvent décoré, constitua la lampe. Longtemps, l’homme s’éclaira ainsi avec la lampe à huile. Il conçut ensuite la chandelle, où l’huile était remplacée par du suif solide, qui laissa la place à la cire, forme de luxe, ou à la stéarine, constituant la bougie. Entre-temps, on réalisa des lanternes pour abriter et contrôler la flamme. En 1787, Aimé Argand (1755-1803) imagina la lampe à double courant d’air. Mais ce fut Antoine Quinquet (1745-1803) qui l’exploita et lui donna son nom. En 1786, Philippe Lebon (1769-1804) avait découvert le gaz de ville, qui devint un moyen d’éclairage et qui, après des débuts difficiles, se développa rapidement à partir de 1805. En 1813, sir Humphry Davy (1778-1829), faisant éclater un arc électrique dans une enceinte fermée, trouvait un premier moyen d’éclairage électrique. Mais ce fut Thomas Edison* (1847-1931) qui, en 1879, réalisa la première lampe électrique d’usage commode en utilisant le phénomène de l’incandescence. Par la suite, lampes à décharge et lampes fluorescentes apportèrent leur contribution aux techniques de l’éclairage qui, comme toutes les autres techniques, ont subi des évolutions marquées.