Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

ecclésiologie (suite)

Quant aux dénominations chrétiennes de tendance « pentecôtiste », elles insistent surtout sur le rassemblement spontané des croyants dans la prière et dans le témoignage réciproque. Il faut distinguer nettement ces groupes pentecôtistes, qui en appellent à l’Écriture sainte et à l’inspiration du Saint-Esprit, des sectes anciennes ou modernes qui n’ont de chrétien que le nom et se fondent sur de prétendues révélations étrangères à l’Écriture.


L’ecclésiologie anglicane

L’anglicanisme se considère, depuis le règne (1558-1603) d’Elisabeth Ire, comme une via media entre le catholicisme et le protestantisme, ou plus exactement entre la tendance novatrice mais traditionnelle anglaise des « henriciens » (Stephen Gardiner, Cuthbert Tunstall) et la tendance réformatrice (Thomas Cranmer). Il est fondé sur une réforme liturgique (Book of Common Prayer) et sur les « trente-neuf articles de religion ». La doctrine classique est exposée dans Of the Laws of Ecclesiastical Polity (publié en 1593) de Richard Hooker, qui fonde la doctrine de l’Église sur celle de l’Incarnation en s’appuyant sur les Pères de l’Église.

Le principe d’unité de l’Église professé par l’anglicanisme est exprimé dans la formule dite « Quadrilatère de Lambeth » (1888), selon lequel la communion anglicane est fondée sur : 1o l’Écriture sainte, comme contenant tout ce qui est nécessaire au salut ; 2o les sacrements du baptême et de l’eucharistie ; 3o les deux symboles de la foi des Apôtres et de Nicée-Constantinople ; 4o l’épiscopat historique. Cette formule demeure en vigueur bien que des hésitations se soient manifestées à plusieurs reprises sur le contenu précis du quatrième point.


L’ecclésiologie catholique

On remarque souvent que l’ecclésiologie protestante s’attache de préférence à l’Église comme peuple de Dieu, l’ecclésiologie orthodoxe à l’Église comme communion dans le Saint-Esprit, et l’ecclésiologie catholique à l’Église comme corps du Christ. Si l’on veut bien ne pas considérer ces insistances comme des oppositions — le concile Vatican II a repris ces trois aspects (cf. constitution Lumen gentium, nos 1 à 9) —, il est vrai que le catholicisme fonde le plus souvent son ecclésiologie sur le dernier terme. Il tient que le Christ est présent dans l’Église, « sacrement originel » ou « grand sacrement » du salut, et que celle-ci est de quelque façon théandrique, humaine et divine à la fois.

L’Église catholique insiste sur la succession apostolique depuis les douze apôtres, non seulement dans la doctrine mais aussi dans les sacrements et dans les ministères. Elle regarde cette continuité de l’Église comme une promesse qui a été faite par le Christ à son Église et comme un don de grâce, et c’est pourquoi elle requiert la consécration épiscopale et l’ordination des ministres par l’évêque comme condition de la vraie Église. Les évêques forment un collège successeur du collège des apôtres, et l’évêque de Rome tient la tête de ce collège à l’image de Pierre parmi les douze apôtres. La succession apostolique est aussi, dans l’Église catholique, une succession dans des charges qui remontent aux apôtres plutôt qu’une succession dans les sièges comme dans les Églises orthodoxes. Cela a conduit l’Église catholique à insister sur les titres de l’évêque de Rome, qui est dit non seulement « successeur de Pierre » mais aussi « vicaire du Christ », sans que pour autant la papauté constitue un sacrement distinct de l’épiscopat.

L’Église catholique a traditionnellement une structure collégiale, sur la base des conciles provinciaux dans l’Antiquité, des conférences épiscopales nationales ou régionales depuis Vatican II. Le « synode des évêques » n’est pas une structure proprement collégiale, mais un conseil du souverain pontife. Quant au cardinalat, il joue un rôle de sénat de l’Église, appelé en particulier à élire le pape, mais il ne constitue pas une structure apostolique, donc collégiale.

Cette structure vigoureuse ne doit pas faire oublier que les ministres de l’Église sont au service des laïcs, et que tous les membres de l’Église constituent le peuple de Dieu sacerdotal. Chaque laïc est le prêtre du monde. Le rôle du laïcat est donc capital. Aussi ce dernier tend-il à retrouver la place qu’il avait perdue dans le conflit médiéval entre le Saint-Siège et les princes. C’est aussi surtout grâce à l’effort des laïcs que l’œcuménisme progresse et que les chrétiens séparés reprennent conscience de leur unité.

B.-D. D.

➙ Église catholique / Églises orientales / Églises protestantes.

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