Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dominicaine (république) (suite)

De 1916 à 1924, les Américains mènent une politique de mise en ordre à tous les niveaux et entreprennent, comme à Haïti à la même époque, la modernisation et la rentabilité de l’économie ; en même temps, ils mettent sur pied une milice, la garde nationale, dont le commandement est confié à un jeune officier, Rafael Leonidas Trujillo. En 1924, les « marines » commencent à partir, mais ce n’est que par l’accord Trujillo-Cordell Hull du 24 septembre 1940 que les douanes et l’administration dominicaines échappent au contrôle des États-Unis. Entre-temps, Trujillo a écarté du pouvoir le président Horacio Vázquez (1860-1936).

Tyran absolu, rapidement devenu le propriétaire de l’île et de ses habitants, Trujillo, homme d’affaires avisé, sait mettre en valeur son domaine et organise un extraordinaire culte de la personnalité. Parti unique, armée moderne, polices secrètes, répression, contrôle absolu, élimination physique lui permettent de garder la réalité du pouvoir de 1930 à sa mort. Un de ses crimes les plus spectaculaires, dans une certaine logique nationale, est l’assassinat en masse de tous les Haïtiens travaillant dans la zone frontalière (1937) : 20 000 d’entre eux périssent pour que Saint-Domingue soit blanchie.

Condamné par l’Église catholique en 1960, abandonné par les États américains et les États-Unis en 1961, après qu’il eut essayé de faire assassiner le président Rómulo Betancourt du Venezuela, Trujillo est abattu en 1961 par un groupe d’hommes d’affaires, d’avocats et de médecins.


Une transition qui dure (depuis 1961)

La mort de Trujillo prend tout le monde au dépourvu, et les États-Unis, désireux d’assurer le passage à une démocratie qui ne risque pas de tourner au castrisme, semblent tout d’abord pouvoir contrôler l’évolution : les fils de Trujillo sont éliminés, l’armée est un temps mise au pas et un semblant de légitimité républicaine est instauré.

Mais, en 1963, le gouvernement de Juan Bosch, le vieux leader de l’opposition revenu de vingt-cinq ans d’exil, tombe pour laisser la place à un exécutif provisoire. Le 24 avril 1965, un coup d’État de militaires libéraux prévient celui des généraux réactionnaires ; le 25, les rebelles arment les civils de la capitale, qui se soulèvent comme un seul homme ; le 28, les blindés du général Elias Wessin y Wessin sont battus par la milice populaire du colonel Francisco Caamaño, tandis que les marines et les parachutistes américains débarquent.

Une explosion révolutionnaire qui a surpris tout le monde se transforme en crise internationale ; jusqu’en septembre, Caamaño peut résister avec ses miliciens dans la capitale ; à cette date, le compromis imposé par les Américains intervient, sous la forme d’un gouvernement provisoire qui laisse la place, après les élections discutables de 1966, à Joaquín Balaguer, ancien ministre de Trujillo et favori des Américains, qui sera réélu en 1970 et en 1974 dans le même climat de fraude électorale. Juan Bosch, le vaincu de cette consultation, refuse de participer à un gouvernement d’union nationale.

Depuis 1966, il s’est retiré de la scène politique et parvient à s’enfuir lorsque, en 1973, Balaguer ordonne son arrestation. Le colonel Caamaño a disparu, ses « constitutionnalistes » sont tombés sous les balles des militaires, qui manifestent de plus en plus haut leur indépendance vis-à-vis du président Balaguer, lequel s’efforce de rester au-dessus de la mêlée et de sauver les apparences. Les succès relatifs de l’économie, dans un pays où l’inégalité socio-économique, engendrée par la dictature trujilliste, reste fondamentale, n’ont rien enlevé de sa violence et de son incertitude à la vie politique dominicaine.

J. M.


La mise en valeur

Jusqu’à l’aube du xxe s., l’histoire de la mise en valeur de la colonie espagnole de Santo Domingo, puis de la république Dominicaine, qui lui succède, est celle d’une longue misère. À la fin du xve s. et au début du xvie, l’ensemble de l’île est exploité comme un fief par C. Colomb et ses descendants. Les Amérindiens (0,5 million) sont vite décimés, et la traite des Noirs, organisée à partir de 1517, fournit la main-d’œuvre nécessaire. L’île n’a que quelques placers d’or, d’ailleurs rapidement épuisés, et peu de produits de cueillette. Saint-Domingue est détrônée comme place forte navale au profit de La Havane et de San Juan (de Porto Rico), mieux situées sur la route du Mexique et de l’Amérique centrale. Après avoir vu affluer colons espagnols et esclaves, la colonie entre en décadence à partir de 1550.

En 1560, on ne compte dans toute l’île que 2 000 Espagnols et 30 000 esclaves. L’élevage extensif des bovins et des chevaux, des cultures de plantation peu étendues (canne à sucre, indigo autour de petits centres de colonisation, Saint-Domingue et Santiago) formeront l’essentiel de l’activité pour une longue période. Mais, à partir du milieu du xviie s., la partie occidentale de l’île va subir un destin différent. Des colons français pénètrent et s’installent dans cette région dépeuplée. Ils deviendront si nombreux qu’au traité de Ryswick, en 1697, l’Espagne reconnaît à la France la possession de cette partie de l’île.

Alors que la colonie française jouit d’une très grande prospérité et d’un essor continu jusqu’à la Révolution française, la partie orientale de l’île reste au xviiie s. l’une des plus pauvres des colonies espagnoles, sous-peuplée et sous-exploitée. Vers 1790, la population de la colonie espagnole est cinq fois moins nombreuse que celle de la colonie française.

Avec la Révolution française s’ouvre une ère de troubles politiques, dont les séquelles se feront sentir jusqu’au xxe s. Santo Domingo (nom de l’ensemble de la colonie espagnole) subit les contrecoups des luttes terribles qui opposent maîtres et esclaves dans la colonie française voisine. En 1795, au traité de Bâle, la colonie espagnole est annexée par la France, si bien qu’elle se trouve plongée dans la révolte de Toussaint Louverture et qu’elle est elle aussi mise à feu et à sang. La population diminue et, en 1819, elle s’abaissera à 63 000 habitants. Redevenue espagnole de 1809 à 1821, après une éphémère indépendance, cette colonie est annexée par la république d’Haïti de 1822 à 1844. Des Haïtiens s’installent dans le pays et l’exploitent durement, ce qui laissera de vifs ressentiments chez les Dominicains contre leurs voisins occidentaux. En 1844, la population ne s’élève qu’à 126 000 habitants. La république et l’indépendance, de nouveau proclamées en 1844, ne durent que jusqu’en 1861, tant les difficultés sont grandes : anarchie, manque de ressources. De 1861 à 1865, l’Espagne réoccupe le pays, qui devient définitivement indépendant en 1865. Mais, jusque vers 1930, la république Dominicaine, qui doit emprunter à l’étranger pour subsister, en particulier aux États-Unis, connaît une profonde détresse financière et une grande instabilité politique.