Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

digestion (suite)

Les protides sont déjà attaqués lors de leur passage dans l’estomac par la pepsine. Celle-ci détermine la scission en polypeptides. Quelques rares acides aminés placés en bout de chaîne sont libérés. Par contre, certains protides soufrés sont réfractaires, notamment la kératine, qui n’est pas entamée. La digestion des protides, très incomplète au sortir de l’estomac, se poursuit ensuite dans l’intestin grêle grâce à une puissante enzyme protéolytique, la trypsine pancréatique, qui est produite sous forme de trypsinogène inactif activé dans la lumière du jéjunum sous l’action d’une entérokinase intestinale. Elle dégrade des polypeptides complexes en polypeptides simples ne dépassant pas quatre acides aminés. Les enzymes intestinales achèveront la séparation des peptides en acides aminés simples directement assimilables.

Les lipides ne sont pas attaqués au niveau de l’estomac. La richesse du repas en lipides agit sur la rapidité d’évacuation de l’estomac. L’entérogastrone inhibe la contraction gastrique. Dans l’intestin, les graisses, émulsionnées par les sels biliaires, pourront subir l’attaque de la lipase pancréatique, complétée, au moment même de l’absorption, par les enzymes intracellulaires des villosités. L’absorption des lipides est quasi complète chez l’homme. Quelle que soit la quantité ingérée par jour, les selles de vingt-quatre heures ne contiennent pas plus de 5 g de lipides.

Les glucides sont digérés sur une plus grande étendue du tube digestif. Les amidons sont déjà transformés, on l’a vu, par l’amylase salivaire, qui poursuit son action un certain temps dans le bol alimentaire avant que l’acidité gastrique vienne l’entraver. La digestion glucidique reprend en fait dans l’intestin grêle sous l’influence de l’amylase pancréatique, qui complète l’amylolyse, avec formation de dextrines et de maltose. Le complément d’hydrolyse se fait par l’intestin grêle, qui sécrète une maltase et quelques enzymes spécifiques de certains diholosides, comme le saccharose et le lactose. Les sucres simples sont ensuite absorbés par un phénomène de phosphorylation. Mais certains glucides arrivent à la fin de l’intestin grêle sans avoir été digérés. Ce sont des grains d’amidon volumineux et la cellulose. Une partie de celle-ci est indigestible et sera expulsée par les fèces. Mais les autres constituants glucidiques bénéficient d’un complément de digestion très particulier. En effet, c’est la flore microbienne, qui pullule à l’état saprophyte dans le cæcum, qui a pour rôle d’attaquer ces résidus avec formation de sucres simples qui sont absorbés et de divers acides organiques issus de la fermentation. Une grande quantité d’eau est enfin réabsorbée par le côlon. En effet, l’eau des aliments et des boissons atteint plusieurs litres par vingt-quatre heures. Dans le tube digestif s’y ajoute l’eau des sécrétions glandulaires. Les sécrétions gastrique, biliaire, pancréatique et intestinale représentent également plusieurs litres. Une partie de cette eau est déjà réabsorbée entre l’estomac et la fin de l’iléon. Néanmoins, la valvule iléo-cæcale livre chaque jour passage à 800 cm3 environ de chyme fluide. Or, le poids quotidien de selles varie de 150 à 300 g, dont seulement 78 p. 100 d’eau : 600 cm3 sont donc réabsorbés par le côlon, avec du sodium et un peu de potassium.

Pathologie de la digestion chez l’homme

Il est bien évident que des lésions de chaque organe contribuant à la digestion peuvent perturber celle-ci. Mais aussi, en l’absence même d’altérations bien individualisées, il y a souvent des anomalies de fonctionnement, responsables de troubles digestifs, ces troubles fonctionnels impliquant souvent plusieurs organes.

L’insuffisance salivaire est rare ; elle survient surtout chez des sujets atteints de lithiase salivaire ou opérés de la parotide*. Une denture insuffisante est une éventualité beaucoup plus fréquente. Trop de personnes sont encore plus attachées au côté esthétique qu’au côté fonctionnel des dents*. Beaucoup considèrent que l’âge est une excuse au manque de dents sans y porter remède. Cette façon de penser explique les mauvaises conditions de nutrition souvent rencontrées chez les personnes âgées. Il est tout spécialement indiqué de reconstituer une excellente denture aux sujets qui doivent être ou viennent d’être opérés de l’estomac. Au niveau de la cavité gastrique, le manque de pepsine est rare. L’achlorhydrie, par contre, se rencontre beaucoup plus souvent. Elle s’accompagne d’un pH gastrique trop élevé pour obtenir une activation correcte des enzymes protéolytiques. Enfin, les troubles moteurs sont fréquents : hyperkinésie avec crampes douloureuses ; hypotonie avec pesanteurs et flatulences ; renvois fréquents avec impression de distension abdominale ; éructations, souvent attribuées à l’aérophagie ; reflux duodéno-gastrique avec vives brûlures et parfois nausées ou aigreurs.

La vésicule biliaire est souvent responsable de troubles digestifs en l’absence de lithiase ou de lésion visible. Une vésicule tendue trop tonique peut entraîner des douleurs après les repas, voire des coliques hépatiques ; une vésicule atonique, ne se contractant pas au moment des repas, entraîne des pesanteurs postprandiales. L’insuffisance d’apport biliaire ne favorise pas le péristaltisme intestinal et ne permet pas l’émulsion des graisses. Celles-ci seront mal hydrolysées par les lipases pancréatique et intestinale. Enfin, les troubles moteurs de la vésicule biliaire sont souvent associés aux migraines*, qu’un vomissement peut soulager.

Les altérations du pancréas* telles qu’en réalisent les pancréatites chroniques s’accompagnent de troubles majeurs de la digestion avec élimination accrue dans les selles de graisses et de produits azotés qui ne peuvent être absorbés faute d’avoir été dédoublés par les enzymes appropriées.

Nous venons d’énumérer ci-dessus quelques causes de maldigestion qui font qu’une ou plusieurs glandes digestives ne remplissent pas le travail de dégradation des aliments qui leur est dévolu. Dans la chaîne de la digestion, il manquera un chaînon, et la dégradation ne pourra plus se poursuivre. L’intestin, se trouvant en présence de produits non dégradés, inabsorbables tels quels, les laissera fuir dans les selles : c’est une diarrhée* avec dénutrition. Mais, ailleurs, les glandes digestives ont un fonctionnement normal. La dégradation s’effectue correctement et l’intestin grêle a devant ses villosités des produits dégradés théoriquement assimilables. Mais, cette fois, c’est lui qui ne saura plus les absorber. Il y a donc une fuite de nutriments dans les selles avec dénutrition. Il s’agit cette fois d’une malabsorption, véritable maladie de la muqueuse même de l’intestin* grêle. Elle a souvent une physiopathologie enzymatique (exemple : diarrhée au lait par déficit en lactase).