Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

désarmement (suite)

Après cette série d’insuccès, la peur que fera naître dans le monde la crise de Cuba (1961-62) favorisera sans doute les tentatives encore discrètes de tête-à-tête soviéto-américain. C’est dans cette ambiance qu’interviendra, le 5 août 1963, la signature du traité de Moscou, par lequel les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’U. R. S. S. (mais non la France) s’interdisent les essais nucléaires aériens ou maritimes. Le 24 août 1967, les États-Unis et l’U. R. S. S. déposent un projet de traité de non-prolifération destiné à interdire la fabrication d’armes nucléaires par les puissances qui n’en disposent pas encore et qui, moyennant cet engagement, reçoivent des garanties de la part des puissances nucléaires. Ce traité, refusé par la France et la Chine populaire, a été signé le 1er juillet 1968 et est entré en vigueur après sa ratification par 50 États en 1970. Pour souligner sa concordance avec les préoccupations de l’Église (encyclique de Jean XXIII Pacem in terris, 1963) et la recherche d’un désarmement général, le pape Paul VI s’y associe (25 févr. 1971).

Des accords plus limités que les précédents ont été adoptés. Le 1er décembre 1959, les États intéressés signent à Washington un traité démilitarisant le continent antarctique au sud du 60e parallèle. En 1964, les chefs d’État de l’Organisation de l’unité africaine s’engagent à ne pas fabriquer ni recevoir d’armes nucléaires. En 1967, c’est le tour de 21 États d’Amérique latine (sauf Cuba) qui, par le traité de Tlatelolco, adoptent la même attitude. La même année est signé un traité pour l’utilisation pacifique de l’espace et, en 1971, un autre sur la dénucléarisation des fonds marins au-delà d’une zone uniforme de 12 milles des côtes. Mais l’aspect le plus important de cette politique réside, depuis 1969, dans les contacts directs entrepris par les États-Unis et l’U. R. S. S. à Helsinki. Connus sous le nom de « négociations SALT » (Strategic Arms Limitation Talks), ces contacts, amplifiés par l’ouverture, en 1973, à Helsinki et à Vienne, de conférences sur la « sécurité européenne » et sur la « réduction mutuelle et équilibrée des forces en Europe », se sont poursuivis de 1970 à 1975. Dans ce cadre, Nixon et Brejnev signaient à Moscou, les 26 mai 1972 et 3 juillet 1974, des accords limitant leur défense antimissile, le nombre de leurs missiles stratégiques et, à partir du 31 mars 1976, la puissance des explosions nucléaires souterraines (150 kt). Enfin, le 1er août 1975, à Helsinki, tous les États de l’Europe (sauf l’Albanie), les États-Unis et le Canada signaient l’acte final de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

Mais l’attention n’a pas cessé de se porter sur les armes classiques et, notamment, sur le commerce international de ces armes, qui a favorisé les mouvements d’opinions en faveur du désarmement : mouvements « pour la paix » dans les milieux proches des pays socialistes et « Pax Christi » de l’Église catholique, initiatives menées parfois de façon spectaculaire par des mouvements pacifistes ou non violents.

M. D.

➙ Armée / Armement / Coexistence pacifique / Défense / Stratégie.

 J. Moch, la Folie des hommes (Laffont, 1955) ; Destin de la paix (Mercure de France, 1969). / A. Servais, le Désarmement (Inst. royal des relations internat., Bruxelles, 1960). / J. Klein, l’Entreprise du désarmement 1945-1964 (Éd. Cujas, 1964). / D. Colard, le Désarmement (A. Colin, coll. « U 2 », 1972).

Descartes (René)

Philosophe et mathématicien français (La Haye [auj. Descartes], Touraine, 1596 - Stockholm 1650).



La vie

René Descartes est le troisième enfant de Joachim Descartes, conseiller au parlement de Rennes, et de Jeanne Brochard. Sa mère, morte un an après sa naissance, lui a légué « une toux sèche et une couleur pâle » qu’il gardera jusqu’à plus de vingt ans et qui semble le condamner à mourir jeune. En 1600, son père se remarie et le jeune garçon est élevé par sa grand-mère maternelle.

De ses premières années, nous ne savons que peu de chose : lorsque Descartes en rappelle quelques circonstances, c’est moins pour se raconter que pour retracer l’histoire de son esprit.

À l’âge de dix ans, il entre au collège royal de La Flèche, où enseignent les jésuites. Si Descartes se félicitera toujours du talent et du dévouement de ses maîtres, notamment de celui qui sera le P. Marin Mersenne (1588-1648), il jugera sévèrement le programme des études, sans unité et ne donnant aucune « assurance » dans les fins à poursuivre. La morale, enseignée de façon littéraire, revient à prêcher la vertu sans aucune démonstration. L’enseignement de la philosophie est consciemment orienté vers la théologie, dont la philosophie est la servante. Seules les mathématiques trouvent grâce devant le jugement de Descartes ; mais leur enseignement est orienté vers les applications pratiques et sert à l’art militaire, essentiel pour les jeunes nobles élevés au collège. Ainsi Descartes se plaint qu’on n’ait « rien bâti dessus de plus relevé ». Au sortir du collège, Descartes complète son éducation en apprenant la danse, l’équitation et l’escrime. La philosophie et les plaisirs du monde se disputent quelque temps la personnalité du jeune noble, destiné par son père au service du roi. À Paris, en même temps qu’il s’adonne aux jeux, surtout à ceux où l’intelligence a plus de part que le hasard, il connaît Claude Mydorge (1585-1647), premier mathématicien de France, et revoit Mersenne en 1611. En 1615 et 1616, il se libère de tous ses anciens amis afin d’étudier les mathématiques. En 1616, à quelques heures d’intervalle, il passe devant la faculté de Poitiers son baccalauréat et sa licence en droit.

Il s’engage en 1617 sous les ordres du prince Maurice de Nassau, en Hollande. Errant dans les quartiers de Breda, il voit une foule massée devant une affiche écrite en hollandais. Il demande à un passant de lui traduire le texte : c’est un problème de mathématiques porté « au défi » du public. Descartes se vante si résolument d’en découvrir la solution que son traducteur lui donne son nom et son adresse. Il s’agit d’Isaac Beeckman (1588-1639), principal du collège de Dordrecht. Le lendemain, Descartes lui apporte la réponse. Ainsi commence une amitié intellectuelle entre les deux hommes.