Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

dépression ou état dépressif (suite)

Les causes des dépressions

Dans toute dépression s’imbriquent des facteurs génétiques, biologiques ou biochimiques encore mal précisés et des facteurs psychologiques. La psychanalyse permet de comprendre les mécanismes psychologiques des dépressions réactionnelles et des dépressions névrotiques.

Ce sont des dépressions psychogènes névrotiques qui constituent le terrain privilégié des investigations psychodynamiques. Il y a chez tout déprimé une perte d’amour et une chute de la propre estime de soi. En même temps, on observe souvent une agressivité inconsciente tournée contre le sujet lui-même. On peut même dire qu’il existe chez le déprimé une mise en minorité des pulsions d’amour au profit des pulsions agressives autodestructrices. Le déprimé est un être déçu dans ses besoins d’amour passif.

Comme facteurs prédisposants à la dépression, il faut noter l’hypersensibilité aux frustrations (toute blessure d’amour-propre entraîne alors une perte de l’estime de soi), des besoins massifs d’amour (le névrosé a sans cesse besoin de preuves d’amour ; ses désirs ne sont jamais satisfaits totalement et celui qu’il aime est l’objet d’un amour possessif et exclusif), des besoins affectifs archaïques infantiles qui s’expliquent par des expériences affectives douloureuses ou insatisfaisantes pendant l’enfance.

Retenons surtout l’importance du sentiment de perte d’amour dans la dépression, sentiment qui renvoie à une perturbation précoce de la « relation d’objet » pendant l’enfance.

Néanmoins, dans tout état dépressif, on se heurte toujours, peu ou prou, au mur du biologique bien souligné par Freud lui-même. Malheureusement, les perturbations biochimiques cérébrales qui sous-tendent la dépression demeurent inconnues. L’action si spectaculaire des antidépresseurs dans la majorité des états dépressifs, donc de la chimiothérapie, reste mystérieuse. Les hypothèses ne manquent pas dans ce domaine, mais aucune n’emporte encore la conviction dans l’état des connaissances actuelles.


Le traitement des dépressions

Les thérapeutiques des états dépressifs comprennent essentiellement les chimiothérapies et les méthodes de choc. Il faut y ajouter un abord psychothérapique dont il convient de ne pas négliger l’importance. Tout déprimé doit être d’abord rassuré, pris en charge fermement par le médecin dans un climat de confiance et de compréhension. La bonne relation médecin-malade ne doit jamais perdre ses droits. Enfin, l’entourage du déprimé a un rôle essentiel à jouer.

Le choix du traitement et de ses modalités dépend de la variété de dépression.

Dans les dépressions organiques, la suppression de la cause est l’élément essentiel, mais elle ne suffit pas toujours à obtenir la guérison du malade. Le problème est ici de faire un bilan neurosomatique complet, en milieu hospitalier de préférence, afin d’établir d’abord un diagnostic correct.

Parmi les dépressions psychotiques, la schizophrénie mérite un traitement spécial avec hospitalisation, isolement, utilisations des neuroleptiques essentiellement et, éventuellement, secondairement, des antidépresseurs. Les délires chroniques sont toujours justiciables d’une hospitalisation avec traitement neuroleptique intensif. La mélancolie comporte un danger majeur de suicide ; d’où la nécessité d’admettre le malade en milieu hospitalier pour une thérapeutique correcte. On a le choix pour l’accès mélancolique entre les électrochocs, qui sont remarquablement efficaces, et les médicaments antidépresseurs. Parmi ces derniers, les plus utilisés sont l’imipramine, la clomipramine, l’amitriptyline ou bien, moins souvent, les inhibiteurs de la monoamine-oxydase. On associe à ces drogues des tranquillisants, des neuroleptiques doux, des somnifères. La guérison complète est obtenue dans la plupart des cas en quelques semaines ou parfois en quelques mois. Le grand danger est en fait la récidive de l’accès, qui est imprévisible. Certains malades n’ont qu’une dépression mélancolique au cours de leur existence. D’autres présentent au contraire de nombreux accès, parfois aussi des états d’excitation de type maniaque. Mais, en dehors des accès, les malades mènent une vie normale. Au cours de la dépression mélancolique, le patient n’est pas conscient de son trouble. Ce n’est qu’après la guérison que le sujet critique ses idées dépressives et retrouve toute sa lucidité en même temps qu’une humeur normale.

Dans les dépressions névrotiques, qu’elles soient réactionnelles ou névrotiques pures, tout dépend de l’intensité de l’état dépressif et du risque suicidaire. La qualité de l’entourage est ici fondamentale ; on pourra ne pas hospitaliser un malade déprimé de manière modérée avec un entourage vigilant, solide et compréhensif. En revanche, une dépression névrotique sévère, très anxieuse notamment, peut nécessiter, surtout si l’entourage est défaillant, une mise en observation de quelques jours ou de quelques semaines.

Le traitement proprement dit fait d’abord appel aux médicaments antidépresseurs, dont le choix dépend du médecin, du terrain et de la nature des symptômes. On associe là encore ces médicaments à des tranquillisants, qui neutralisent l’angoisse, et à des somnifères. La thérapeutique doit toujours être très prolongée. Il est fréquent que les malades soient traités pendant des mois et, pour certains d’entre eux, pendant des années. Au début du traitement, les médicaments entraînent des effets secondaires désagréables fréquents, que les malades doivent surmonter avec l’aide du médecin. L’action n’apparaît nettement qu’au bout de quinze à vingt jours en moyenne. Il faut donc s’armer de patience et attendre l’heure des effets bénéfiques au prix de quelques sensations désagréables au début, vite oubliées du reste (sécheresse de la bouche, vertiges, malaises légers, etc.). Les effets gênants ne sont d’ailleurs pas obligatoires.

Mais les médicaments, pour spectaculaires qu’ils soient dans leur efficacité, ne doivent pas faire oublier les bienfaits d’une psychothérapie. Il peut s’agir d’une psychothérapie de soutien ou d’une psychothérapie plus profonde, de type psychanalytique. Cette dernière sera mise en œuvre chez certains malades seulement après amélioration de l’état dépressif par les antidépresseurs. Elle permet au patient de résoudre progressivement ses problèmes affectifs inconscients et conscients. Dans les dépressions réactionnelles, le médecin tentera de résoudre le conflit générateur ou de conseiller des solutions existentielles. Les dépressions de surmenage, notamment, exigent une réorganisation de la vie du patient. Des mesures d’éloignement du milieu habituel seront parfois indispensables pour que le patient prenne une certaine distance avec ses problèmes extérieurs quotidiens. La solution d’une maison de repos est parfois utile. Bref, des mesures d’hygiène mentale, des entretiens avec la famille sont souvent nécessaires.

Dans le cas d’une névrose caractérisée, il faut, après la cure de l’état dépressif, conseiller une psychanalyse si celle-ci est possible.

En résumé, chimiothérapie et psychothérapie (quelle que soit sa forme) sont associées dans la cure des états dépressifs névrotiques.