Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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démographie (suite)

 A. Sauvy, la Population (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 11e éd., 1973) ; Théorie générale de la population (P. U. F., 1956-1959, 2 vol. ; 3e éd., 1963). / P. M. Hauser et O. D. Duncan (sous la dir. de), The Study of Population (Chicago et Londres, 1959). / R. Pressat, l’Analyse démographique (P. U. F., 1961 ; 2e éd., 1969) ; Pratique de la démographie (Dunod, 1967) ; Démographie sociale (P. U. F., 1971) ; Démographie statistique (P. U. F., 1972). / L. Tabah et J. Viet, Démographie, tendances actuelles et organisation de la recherche (Mouton, 1966). / J. Bourgeois-Pichat, la Démographie (Gallimard, 1971). / L. Henry, Démographie, analyse et modèles (Larousse, 1972). / L. Buquet, Démographie (Masson, 1974).

Démosthène

En gr. Dêmosthenês, orateur et homme d’État athénien (Athènes 384 - Calaurie 322 av. J.-C.).



Introduction

Fils d’un riche fabricant d’armes, il perd très jeune son père. Devenu majeur, il intente un procès à ses trois tuteurs, coupables d’une mauvaise gestion de son héritage, et le gagne (363), mais sans recouvrer sa fortune. Élève d’Isée, il étudie alors les écrivains et les orateurs, et entre dans la vie publique comme logographe, c’est-à-dire qu’il écrit des plaidoyers pour les particuliers. Après ces années d’apprentissage, il aborde dès 354 les affaires politiques, préconisant la fermeté à l’extérieur, un renforcement naval et une saine gestion financière. De 351 à 340 s’écoule l’époque la plus féconde de son activité. Orateur d’opposition dont l’influence grandit de jour en jour, Démosthène se dresse contre Philippe de Macédoine, dont il dénonce les projets et l’ambition (Première Philippique, 351) et tente de sauver Olynthe (Olynthiennes, 349). Après la prise de cette ville, il fait partie de l’ambassade qui conclut la paix dite « de Philocratès » (346), puis (Sur la paix, 346) persuade ses concitoyens de poursuivre les négociations. De nouveau il attaque Philippe (Deuxième Philippique, 344-343) et les mauvais conseillers qui ont berné le peuple, notamment Eschine (Sur l’ambassade, 343).

Chef du parti au pouvoir (340-338), il dirige la politique athénienne comme orateur ou comme intendant de la marine. Il négocie une alliance avec Thèbes contre Philippe, mais ce dernier est vainqueur à Chéronée (338). Désormais, le parti des patriotes est abattu, et Démosthène se mêle alors surtout à des débats où son honneur de serviteur de l’État est en jeu. En 337, Ctésiphon, un de ses amis, propose qu’on lui décerne une couronne d’or pour récompenser son zèle civique. Eschine attaque le décret comme illégal. L’affaire traîne jusqu’en 330, date à laquelle Démosthène, par son discours Sur la couronne, justifie les actes et les principes de sa politique. Six ans plus tard, en 324, il est exilé, après l’affaire d’Harpale : cet intendant d’Alexandre, le successeur de Philippe, avait pillé le trésor royal et était venu offrir ses services à Athènes ; emprisonné, il s’était évadé, mais, des 700 talents qu’il avait déclarés, on n’en trouva que la moitié : accusé d’avoir dérobé une partie du trésor, Démosthène, condamné à payer 50 talents, se réfugie à Égine, puis à Trézène. Mais, l’année suivante, à la mort d’Alexandre, l’orateur rentre en triomphe dans Athènes. Les cités grecques relèvent la tête et envoient des troupes contre Antipatros, le lieutenant d’Alexandre. Le désastre de Crannon (322) ruine leurs espoirs. Pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur, Démosthène s’enfuit dans l’île de Calaurie. Caché dans le temple de Poséidon, il s’empoisonne.


L’homme

Démosthène est avant tout homme d’action. Plus encore, il est la conscience de l’État athénien, vibrant et passionné. Du chef d’État, il a les qualités les plus hautes : énergie incomparable, volonté tenace, vision élevée de l’événement, bon sens à toute épreuve, clairvoyance toujours en éveil. Si Eschine et Plutarque ont mis en doute son honnêteté, son désintéressement, il n’a jamais transigé avec le devoir patriotique.

À plusieurs reprises, Démosthène a donné lui-même sa conception du rôle de l’orateur politique. Celui-ci est le conseiller du peuple ; il doit le guider et l’instruire, et non se plier à ses caprices : « J’estime, dit-il, que le devoir d’un bon citoyen est de préférer le salut de l’État à la faveur qu’on peut gagner en vous flattant » (Olynth., III, 21), et encore : « L’orateur qui, sans souci de l’intérêt public, met les riches en jugement, confisque leurs biens, en fait des largesses, accuse à tort et à travers, celui-là n’a pas besoin de courage pour agir ainsi [...]. Mais celui qui cherche votre bien même malgré vous, celui dont toutes les paroles visent non pas à la faveur, mais au bien public, celui dont la politique laisse à la fortune plus de prise encore qu’à la prévoyance, et qui pourtant prend sur lui-même toute la responsabilité, voilà un homme courageux et un bon citoyen [...]. Ce qu’il faut conseiller, ce n’est pas le plus facile, c’est le meilleur ; le plus facile, la nature y court d’elle-même ; au lieu que le bien, c’est l’office du bon citoyen de l’enseigner par ses discours et d’y conduire ses auditeurs » (Cherson., 69-72).

Selon Démosthène, l’homme d’État est le serviteur de la patrie. « Je me suis donné à vous tout entier, sans réserve », proclame-t-il (Couronne, 179). Le conducteur d’un peuple a le devoir de pratiquer une politique intelligente (Ambassade, 100) et conforme à la justice : « Il faut que les principes d’une politique, ses données fondamentales, soient faits de justice et de vérité » (Olynth., II, 10). À cette fin, il faut vouloir, puis agir (prattein to deon : faire ce qu’on doit). Le bon sens et le réalisme positif seront le contrepoids nécessaire de son idéalisme. De là une pénétration très vive des hommes : ainsi, quand il juge Philippe, Démosthène parle de son « besoin d’action, cette passion qui est toute sa vie et qui lui interdit de se contenter jamais de ce qu’il a réalisé » (Olynth., I, 14) ; Philippe est rusé (Olynth., II, 6), son ambition est inlassable (Philipp., I, 5-6). Avec la même vigueur, Démosthène apprécie le caractère essentiel de Sparte ou de Thèbes (Leptine, 106-109), s’élève aux idées générales, découvrant la loi derrière le fait particulier (Cherson., 11).