Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

démographie (suite)

La démographie, science sociale

Si dans l’étude des populations, ainsi entendue, le point de vue numérique domine, il ne saurait être exclusif et constituer une fin en soi. La recherche d’explications aux états et aux changements constatés conduit à replacer les faits de population dans le contexte extrêmement large qui est le leur ; de ce fait, les branches du savoir qui concourent à une pleine compréhension des états et des faits démographiques sont extrêmement nombreuses : biologie, génétique, psychologie, sociologie, histoire... En ce sens, la démographie est une science pluridisciplinaire. Toutefois, ce qui la caractérise par rapport aux autres sciences sociales, c’est la spécificité de ses méthodes quantitatives d’analyse, qui constituent ce qu’il est convenu d’appeler l’analyse démographique. Les méthodes de l’analyse démographique ont d’ailleurs un champ d’application qui dépasse la démographie elle-même, tous les faits qui s’inscrivent dans la biographie des individus étant susceptibles d’être analysés à l’aide des concepts, des indices et des modèles de la démographie quantitative. C’est ainsi que l’étude de la situation sanitaire d’une population, selon les conceptions modernes de l’épidémiologie, offre le meilleur exemple de l’extension des méthodes démographiques à des centres d’intérêt non démographiques.


Méthodes de la démographie

Pour étudier statistiquement les diverses catégories d’événements (mariages, naissances, décès, divorces...), caractéristiques des principaux phénomènes démographiques (nuptialité, natalité-fécondité, mortalité, divortialité...), le démographe calcule divers indices, dont les plus fréquents sont les taux : un taux est une fréquence d’événements annuels dans une population ; les taux peuvent être calculés sur l’ensemble de la population (taux bruts) ou sur des fractions plus ou moins petites de celle-ci ; le plus souvent, ces fractions sont constituées par des groupes d’un plus ou moins grand nombre d’années d’âge, car l’âge est généralement un facteur de différenciation des phénomènes démographiques.

Mais, le plus souvent, les taux démographiques calculés sur des intervalles d’âges ne sont que des intermédiaires qui permettent de construire des tables, dont le type le plus ancien est la table de mortalité. De même que la table de mortalité décrit la disparition progressive des êtres humains d’une génération avec l’avancement en âge, de même la table de nuptialité décrit la sortie progressive du célibat (du fait exclusif des mariages) des personnes d’une génération (les remariages font l’objet de tables spéciales) ; la table de fécondité, quant à elle, décrit la venue progressive des enfants dans une génération de femmes qui ne serait pas soumise à la mortalité. On arrive par exemple à des résultats synthétiques concernant les femmes françaises nées vers 1900.

Ce qui différencie fondamentalement la mortalité des autres phénomènes, c’est qu’elle met en jeu un événement inévitable : la mort ; le phénomène a une intensité égale à l’unité. Au contraire, la nuptialité, bien qu’elle concerne la majorité des célibataires d’une génération, n’a pas ce caractère fatal et, par conséquent, a une intensité inférieure à 1 ; indépendamment de son intensité, elle peut encore se caractériser par la répartition des âges au moment du mariage, qui se résume par un âge moyen au premier mariage plus ou moins précoce. Alors que la mortalité ne saurait varier que selon une dimension, c’est-à-dire selon la répartition des âges des individus au moment du décès, la nuptialité des célibataires peut, elle, varier selon deux dimensions : la fréquence des premiers mariages et la répartition des âges au moment de ce premier mariage. La fécondité générale (fécondité des femmes sans distinction d’état matrimonial) varie, quant à elle, selon deux dimensions, mais, cette fois, le nombre moyen d’événements par personne (qu’on appelle descendance finale) peut dépasser l’unité, car il s’agit pour chaque femme d’un événement (une naissance vivante) qui peut se renouveler.


Dimensions de la démographie

Le tableau synthétique des « données démographiques sur les femmes françaises nées vers 1900 » résume bien les conceptions descriptives qui dominent la démographie moderne ; pour chaque phénomène, le démographe s’interroge sur son intensité et sur son calendrier, c’est-à-dire sur la fréquence des événements et sur la façon dont ils se répartissent dans le temps, au sein d’un même groupe d’individus nommé du terme générique de cohorte. (On appelle génération une cohorte de nouveau-nés, c’est-à-dire l’ensemble des nouveau-nés d’une même année civile sur un territoire ou dans une catégorie de population donnée.)

Ainsi, les descriptions en démographie prennent la forme d’histoires statistiques, concernant des groupes d’individus suivis dans le temps. En d’autres termes, ce sont les descriptions longitudinales (ou par cohorte) qui dominent la démographie moderne ; on qualifie pareillement de longitudinales les analyses effectuées à partir de telles descriptions.

Toutefois, les phénomènes démographiques s’offrent le plus souvent à l’observateur sous la forme transversale, c’est-à-dire en tant que collections de données intéressant une année ou un groupe d’années civiles et se rapportant à un nombre variable, mais toujours assez élevé, de cohortes ; ainsi, les décès d’une année sont le fait d’une centaine de générations, les naissances proviennent d’une trentaine de générations féminines, les naissances légitimes de quelque vingt-cinq cohortes de mariages. Les analyses et les synthèses conduites exclusivement à partir de données transversales sont elles-mêmes qualifiées de transversales ; l’exemple le plus typique est la table de mortalité attachée à une année civile : on parle encore de table de mortalité du moment (de même que l’on parle d’analyse du moment), et c’est la table de mortalité du moment qui permet de définir une espérance de vie à la naissance, ou vie moyenne, pour une année civile donnée.

L’analyse transversale, qui répond au désir de suivre les derniers développements de la conjoncture démographique, est des plus délicates et est souvent à l’origine de graves mécomptes, en raison de la non-indépendance des événements d’une année donnée par rapport aux événements des années antérieures.

Le démographe a aussi à connaître et à analyser les états de population. Le plus souvent, dans une population classée par sexe et par âge, on distinguera une autre caractéristique, démographique ou non, tels l’état matrimonial, l’activité économique, l’appartenance à un type de population (urbaine ou rurale, agricole ou non agricole), le degré d’instruction.