Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

démocratie (suite)

Pour les critiques de « droite », la démocratie apparaît d’abord comme le régime des intérêts privés, c’est-à-dire, d’une part, le règne de l’argent et, d’autre part, le triomphe des égoïsmes sur l’intérêt général. À droite autant qu’à gauche, en effet, on dénonce l’oligarchisme démocratique, et même plus précisément encore ce que certains appelaient la ploutocratie : dans un régime où les problèmes politiques sont pour l’ensemble des problèmes d’intérêts, il est évident que tout risque de pouvoir s’acheter, ce qui consacre la puissance des financiers et de tous ceux qui disposent de capitaux importants. La droite s’en prend ainsi avec vigueur à la corruption démocratique, responsable de la négligence de l’intérêt général du pays, de tout ce qui ne concernant personne en particulier concerne tout le monde. La démocratie apparaît ainsi comme un régime qui se nie lui-même à long terme, sinon à court terme — ce qui se manifeste dans l’impossibilité de formuler une volonté nationale qui soit réellement unie et forte. La démocratie n’est que « la domination des intérêts, passions et volontés d’un parti sur l’intérêt majeur du peuple », que le champ clos où s’opposent sans fin les antagonismes, sans qu’aucune coopération réelle jamais n’intervienne. La République est une « machine à mal faire ».

La droite voit, sans étonnement, se dessiner les traits de la démocratie totalitaire, car la démocratie comporte à ses yeux l’asservissement de l’individu à l’État. La démocratie est le régime de l’individualisme, c’est-à-dire de l’homme seul, sans racine, sans appartenance naturelle, sans autre lien que celui qu’il veut bien se donner : la médaille a son revers, car l’individu à lui seul n’est plus rien que ce que des associations artificielles, comme l’État, le feront être. Le totalitarisme apparaît alors immanent au démocratisme.

Dès lors se différencient profondément les critiques de droite et de gauche, car la droite passe condamnation sur l’idée démocratique même. La critique porte au principe même.

Quoi qu’il en soit de ces critiques, il est certain que nulle part n’est encore réalisé le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple : seules des fictions en tiennent lieu. Ce qui pose l’ultime question : faut-il voir là un simple fait contingent ou le signe d’une difficulté logique inhérente à la notion même de démocratie ?

C. P.

➙ Élection / Parlement / Parti politique.

 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique (Gosselin, 1835-1840, 4 vol. ; nouv. éd., Gallimard, 1951, 2 vol.) ; l’Ancien Régime et la Révolution (Lévy, 1856 ; Gallimard, 1952). / M. Adler, Politische oder soziale Demokratie (Berlin, 1926 ; trad. fr. Démocratie politique et démocratie sociale, l’Eglantine, Bruxelles, 1930 ; rééd., Anthropos, 1970). / S. M. Lipset, The Political Man (New York, 1960 ; trad. fr. l’Homme et la politique, Éd. du Seuil, 1963). / M. Duverger, Introduction à la politique (Gallimard, 1964). / R. Aron, Démocratie et totalitarisme (Gallimard, 1965). / D. Easton, System Analysis of Political Life (New York, 1965). / G. Burdeau, la Démocratie (Éd. du Seuil, 1966). / J. Y. Calvez, Introduction à la vie politique (Aubier-Montaigne, 1967). / A. J. Tudesq, la Démocratie en France depuis 1815 (P. U. F., 1971). / G. Sartori, Théorie de la démocratie (trad. de l’italien, A. Colin, 1974).


Les mécanismes politiques des régimes démocratiques

Les mécanismes dont dépend un régime démocratique sont multiples et peuvent s’imbriquer suivant différentes combinaisons.

Les régimes démocratiques sont donc divers ; le classement même selon lequel on essaye de les ordonner peut être varié : d’où le très grand nombre des typologies auxquelles on aboutit.

Mais, quelle que soit celle que l’on adopte, il y a toujours un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte ou qui doivent s’insérer logiquement dans la classification adoptée, facteurs d’ordre institutionnel ou tout simplement termes de la vie politique quotidienne, dont l’importance est plus ou moins grande et les conséquences, suivant les cas, décisives ou mineures.


Premiers facteurs : les rouages d’expression de la base ou le peuple gouvernant

1o Les élections. C’est le premier stade de participation du peuple et celui dont devrait émaner à l’état pur la volonté populaire.

• Qui vote ? Pas de démocratie moderne sans suffrage universel. La démocratie grecque ne pouvait fonctionner directement que parce que le nombre des citoyens était extrêmement restreint par rapport à la population (v. Athènes).

Le vote peut être obligatoire ou simplement conseillé.

• Comment vote-t-on ? Le découpage électoral et les modes de scrutin employés accusent ou non les différences d’opinion, accélèrent ou freinent les changements politiques.
— Le scrutin à représentation proportionnelle exprime la diversité des opinions plus qu’il ne réprime les minorités au profit de l’opinion majoritaire ; c’est finalement un scrutin passif ; mais il est rarement employé à l’état pur.
— Le scrutin majoritaire à un tour effectue un choix très sévère, et deux ou trois tendances seulement peuvent s’y exprimer.
— Le scrutin majoritaire à deux tours favorise davantage le pluralisme et coïncide avec l’existence d’un « centrisme » politique.

• Pour qui et pour quoi vote-t-on ?
— Il y a de nombreux types d’élections, depuis celles qui désignent le gestionnaire communal (en France : élections municipales) jusqu’à celles du chef de l’État, en passant par les référendums et l’élection des représentants de la nation.
— Ces dernières soulèvent le problème du mandat : l’électeur peut voter pour quelqu’un en lui donnant un mandat impératif dont l’élu ne doit pas s’écarter ou, au contraire, lui accorder un mandat de confiance, soit qu’il pense que cette personne défendra le bien général, soit qu’il espère la voir défendre son intérêt particulier.

2o Les partis politiques, syndicats ou groupes de pression. Le régime démocratique peut admettre la pluralité, la dualité ou l’unicité des partis politiques, laisser ou non se développer les groupes de pression, admettre une opposition au régime lui-même ou définir comme traîtres ceux qui ne rentrent pas dans le moule de l’idéologie officielle.