Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Delta (plan) (suite)

Les moyens

Il s’agissait de fermer tous les bras de mer entre l’Escaut occidental (Westerschelde, Honte) et la « Nouvelle Voie maritime » (Nieuwe Waterweg), ceux-ci étant exclus du projet en raison de l’accès qu’ils ouvrent respectivement aux ports d’Anvers et de Rotterdam (leurs digues devront être renforcées).

Dès avant le plan Delta, en 1950, le plus étroit de ces « estuaires », la Meuse de Brielle (Brielse Maas), avait été barré. Restaient quatre grandes digues à construire, par ordre chronologique et d’importance : celle du Veerse Gat, entre Walcheren et Noord-Beveland (3 km ; terminée en 1961) ; celle du Haringvliet, entre Voorne et Goeree, pourvue d’écluses (4,5 km ; achèvement en 1971) ; celle du Brouwershavense Gat, entre Goeree et Schouwen, par des profondeurs atteignant localement 25 m (6,5 km ; 1972) ; celle de l’Escaut oriental (Oosterschelde), entre Schouwen et Noord-Beveland, par 40 m de profondeur au maximum (8,5 km ; 1978).

Pour parfaire la protection et faciliter la construction de ces digues « maritimes », un système de digues secondaires « intérieures » moins puissantes a été prévu et vient d’être terminé : liaison entre Noord-Beveland et Zuid-Beveland avec des écluses donnant accès au nouveau lac de Veere (1960) ; fermeture du Grevelingen entre Overflakkee et Duiveland (4,5 km) ; rattachement d’Overflakkee au continent (avec des écluses) au point de jonction du Volkerak, du Haringvliet et du Hollands Diep.

Deux ponts à péage complètent le réseau routier des digues : ils relient respectivement Beijerland à la digue entre Overflakkee et le continent (1,2 km), et Schouwen à Noord-Beveland (5 km ; 17 m au-dessus du niveau des eaux). La protection des polders à l’est de Rotterdam a été assurée dès 1958 par un barrage mobile sur le Hollandse IJssel.

Tous ces travaux ont posé de difficiles problèmes techniques malgré l’expérience des Néerlandais dans ce domaine. Ainsi, lors de la construction d’une digue de fermeture, quand la passe se rétrécit, la violence des courants est telle qu’ils emportent les matériaux au fur et à mesure qu’on les dépose ; l’utilisation de « caissons » à claire-voie, que l’on peut fermer rapidement au moment propice, a permis de tourner cette difficulté.

D’autre part, le plan Delta exige des moyens financiers considérables qui grèvent le budget de l’État néerlandais. Mais la sécurité de toute une région et les possibilités de développement économique offertes à la Zélande justifient amplement cet effort.

Zélande et plan Delta

La province de Zélande comprend les îles et presqu’îles du « delta » (sauf celles du nord : Goeree-Overflakkee, Voorne-Putten, qui appartiennent à la Hollande-Méridionale) et un morceau de continent enclavé en territoire belge : la Flandre zélandaise, au sud de l’Escaut occidental. Elle fait figure aujourd’hui de région surtout rurale, tirant peu de ressources de la mer qui la baigne et n’ayant pas bénéficié de la décentralisation industrielle récente. Elle détient le plus bas pourcentage de population active industrielle des onze provinces néerlandaises, le plus faible accroissement de population depuis 1900, le plus faible taux d’urbanisation. Son bilan migratoire est négatif, sa population vieillit et son revenu moyen par tête, sans être exceptionnellement bas, ne croît qu’à un rythme très lent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les graves difficultés dont témoignent tous ces symptômes reposent sur un certain archaïsme des structures économiques et sociales, essentiellement dû à l’isolement de la région. La Zélande a connu dans le passé des périodes florissantes, lorsque la vie maritime y tenait le premier rôle. Dès la fin des raids vikings se développe toute une série de petits ports, à l’origine dans l’orbite de Bruges et d’Anvers mais dont quelques-uns acquièrent au xvie s. une large autonomie : L’Écluse (Sluis), Zierikzee, Veere, Middelburg, Flessingue (Vlissingen). Au xviie s., Middelburg est l’un des principaux ports des Provinces-Unies. Mais l’augmentation de la taille des navires et l’envasement des ports, le déplacement vers le nord (Amsterdam) des courants commerciaux et, plus tard, la concentration portuaire et la nécessité de bons relais terrestres de la vie maritime amènent un déclin progressif de la pêche du hareng et du grand commerce. Avec un trafic annuel ne dépassant guère 2 Mt de marchandises, Flessingue et Terneuzen ne jouent plus qu’un rôle très secondaire à l’échelle néerlandaise. Le déclin de certaines cultures, comme celle de la garance, et des industries qui leur étaient liées a aussi contribué à l’assoupissement des villes.

Middelburg, la plus petite capitale provinciale des Pays-Bas (moins de 30 000 hab.), est à peine plus peuplée qu’au xviie s. Zierikzee stagne depuis cette époque. Veere ne mérite plus le nom de ville.

L’isolement a surtout nui aux îles (Schouwen-Duiveland, Noord-Beveland) et à la Flandre zélandaise (à l’exception de l’axe Gand-Terneuzen, qui s’industrialise, souvent à partir d’initiatives belges). La presqu’île constituée des anciennes îles de Zuid-Beveland et Walcheren est moins défavorisée grâce à ses liaisons routières et ferroviaires avec le continent ; elle renferme les deux plus grandes villes (Flessingue, Middelburg) et comporte une agriculture plus évoluée : des exploitations plus vastes (remembrées à Walcheren après les inondations de 1944), des cultures commerciales comme les vergers, qui occupent 18 p. 100 de la superficie agricole de Zuid-Beveland. Mais la rareté de l’eau douce a entravé le développement des industries à matières premières agricoles : ainsi, les betteraves cultivées en Zélande sont envoyées vers les sucreries du Brabant-Septentrional. Middelburg (métallurgie, confection) et surtout Flessingue (chantiers navals) sont les seuls centres industriels de la Zélande insulaire et péninsulaire.

On peut imaginer l’intérêt qu’attachent les Zélandais au plan Delta : de Middelburg à Rotterdam, on compte 75 km à vol d’oiseau, le double par la route du continent et presque autant par la voie ferrée ; quant à Zierikzee, par exemple, la circulation terrestre ne pouvait y accéder que par bac. Des communications routières rapides, cela signifie la création de nouvelles industries légères (disposant désormais d’eau douce à volonté), de nouveaux marchés pour l’agriculture, une augmentation considérable des flux touristiques (encore accentuée par les aménagements en cours). À côté de ces énormes avantages, un inconvénient comme la ruine de l’élevage des huîtres et des moules ne semble pas décisif, malgré les problèmes qu’elle pose à plusieurs centaines de familles.