Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

délinquance juvénile

Au sens strict du terme, transgression de la loi par un mineur.


C’est dire qu’elle implique l’accomplissement d’un délit connu et interprété comme tel par la société. Ce délit peut être unique ou répété, alors identique ou de nature différente. Il peut être accompli soit par un individu isolé, soit par un individu agissant au sein d’un groupe. La recrudescence de la délinquance juvénile représente un fait sociologique, éducatif, judiciaire et psychiatrique.


Aspect psycho-dynamique et sociologique

La délinquance caractérise une conduite antisociale exprimant l’inadaptation d’un individu à la société. Deux éléments sont en fait mis en présence par le truchement de la loi et des instances judiciaires : l’individu lui-même dans son existence affective et instinctuelle d’une part, l’environnement familial, professionnel et social d’autre part.

On peut schématiquement envisager un système relationnel à double sens où l’individu exprime une demande par l’intermédiaire d’un passage à l’acte délictueux, désadapté, répréhensible, la société se trouvant mise dans la condition de lui répondre, de façon répressive tout aussi désadaptée.

C’est immédiatement affirmer le caractère contingent de la notion de délinquance.

1. Quant à l’individu lui-même. La délinquance apparaît comme le résultat d’un « mal-ajustement » situationnel, quelle qu’en soit l’étiologie structurale. Qu’il soit près du normal ou franchement dans le pathologique, ce qui apparaît c’est qu’il se trouve dans une situation conflictuelle dont il n’a que peu ou pas conscience et qui ne peut se résoudre que par ce raptus agi, cette explosion agressive qu’est l’acte délictueux.

S’il n’est pas question d’assimiler purement et simplement une réaction d’opposition, une perversion, un état psychiatrique grave, il importe d’imaginer que l’acte remplace ici la parole dans un conflit où l’individu peut plus aisément agir que verbaliser sa demande profonde aux autres.

Dans ce sens, l’âge du délinquant est également moins important que la situation d’immaturité dans laquelle il vit et qui lui interdit une expression plus élaborée. C’est ce qu’a envisagé la loi en supprimant peu à peu les barrières d’âge et en étendant dans certains pays la notion de délinquance juvénile à des majeurs de 21 ans.

2. Quant à la nature du délit. S’il existe des actes particulièrement symptomatiques par eux-mêmes (tel le parricide), la plupart des délits apparaissent comme prédéterminés dans leur forme par la conjoncture sociale immédiate. C’est l’interdit qui module la forme du délit souvent plus que le fantasme du délinquant. La loi variant, le délit varie. Les coutumes variant, les actes varient : telle jeune fille aurait été placée en maison de redressement il y a seulement 50 ans pour une conduite qui paraît banale aujourd’hui ; en revanche, la drogue est devenue très souvent, à l’heure actuelle, un passe-partout de la délinquance.

Il n’est pas besoin d’insister sur l’aspect socioculturel et socio-économique des critères du délit ainsi que sur sa nature et sa forme matérielle ; le degré de provocation qu’il représente dans un contexte affectif et social donné est autrement plus important.

3. Quant à la nature de l’interlocuteur, c’est-à-dire de l’Autre, vécue comme représentant la réalité. Il s’agit en fait d’appréhender un complexe malaisément analysable puisqu’il comprend des instances aussi variées que les parents, la fratrie, les camarades, l’école, le milieu professionnel, la société en général ; et ces instances sont vécues à travers des modalités aussi différentes que le manque, le rejet, l’hyperprotection.

4. Quant au rapport du délit et de la loi. La délinquance, dans sa pleine signification, ne peut comprendre que des actes délictueux effectifs et reconnus comme tels. Ils entraînent donc, ipso facto, l’intervention des instances judiciaires destinées dans leur essence archaïque à protéger la société par des mécanismes répressifs.

C’est affirmer la valeur singulière de la demande exprimée par le délinquant, qui tient à ce qu’elle soit reconnue et sanctionnée. C’est aussi dire la difficile situation de la structure judiciaire : elle est amenée à juger un acte qui ne s’adresse que fictivement à elle, puisque, à travers la transgression de la loi, il cherche à atteindre quelqu’un d’autre.

De même, le médecin, le rééducateur, le pédagogue vont se trouver dans une situation bien malaisée : en porte à faux entre la protection de la société et de l’individu et la recherche d’une compréhension profonde, seule garante d’une thérapeutique véritable.


Approche de la personnalité des délinquants

La délinquance apparaît donc comme une conduite aberrante, comme un symptôme non spécifique. Elle définit une situation conflictuelle de structure pathologique sous-jacente et se situe dans un contexte relationnel avant de signifier une maladie individuelle.

Dans une nosographie maintenant classique, le délinquant entre dans la grande famille des enfants et adolescents dits « caractériels », c’est-à-dire manifestant leurs troubles au niveau des troubles du caractère et du comportement.

C’est une définition assez univoque sur un plan pratique, puisqu’elle a suscité toutes les mesures, qu’elle a promu toutes les structures mises en place pour ces enfants et adolescents inadaptés et dont le délinquant est la forme exemplaire.

C’est une définition hétérogène sur le plan théorique, puisqu’elle recouvre une multitude de structures mentales possibles du normal au pathologique.


La délinquance peut se situer dans un contexte réactionnel peu pathologique

Une situation affectivement insupportable entraîne le déséquilibre et l’inadaptation d’un individu immature et fragile. La tension émotionnelle et l’angoisse peuvent s’exprimer par un acte de délinquance, qui prend alors la signification d’un véritable appel au secours. Un bilan complet ne montre pas de grave perturbation de la personnalité sous-jacente ; il met en place les éléments du conflit et le vécu insupportable et incommunicable du sujet. Résoudre par des mesures appropriées le conflit, apporter une aide et un soutien psychothérapique au sujet lui permettant de verbaliser ses problèmes, cela suffira le plus souvent pour que tout rentre dans l’ordre. Des mesures prophylactiques et préventives devront néanmoins éviter qu’une situation analogue puisse engendrer la même conduite chez ce sujet immature et fragile.