Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

déchets et effluents radio-actifs (suite)

Immersion

Il faut distinguer le cas des effluents liquides de celui des déchets solides.

• Effluents liquides. La mer étant normalement radio-active, on peut, sans grand danger, déverser les effluents liquides de faible ou de moyenne activité, la dispersion et la dilution étant des facteurs de sécurité suffisants en raison des étendues considérables qui entrent en jeu.

• Déchets solides. La solution consiste, après avoir enrobé les déchets radio-actifs dans des conteneurs en béton ou dans des fûts métalliques, à immerger ces blocs dans des bas-fonds marins. En mai 1967, il a été immergé au large des côtes ibériques, dans une fosse de 5 000 m, 11 000 t de résidus radio-actifs contenus dans des récipients métalliques étanches et représentant une activité totale de 8 000 Ci ; ces déchets provenaient de Grande-Bretagne, de Belgique, de France, de République fédérale d’Allemagne et des Pays-Bas. Une deuxième opération a eu lieu, au même endroit, au printemps 1969, et portait sur 9 000 t, correspondant à 22 600 Ci. Une troisième opération, en août 1971, a intéressé 4 000 t correspondant à 14 000 Ci. Les masses continentales sont entourées d’un socle ayant une déclivité peu rapide jusqu’à une profondeur de 200 m ; au-delà, la pente augmente pour atteindre rapidement 4 000 m ; mais, en plus de cet aspect général, il existe des fosses pouvant atteindre 10 000 m. Ces fosses étant connues, on peut supposer avoir un emplacement idéal, à condition, toutefois, que l’élément liquide ne contrarie pas les espoirs de stabilité des blocs immergés. Mais la mer est un milieu essentiellement mouvant sur lequel on a peu de connaissances : aussi a-t-on décidé de ne plus poursuivre les immersions.

Ph. R.

➙ Activité / Décroissance radio-active / Dose / Nucléaire (énergie) / Protection civile / Radioactivité / Rayonnement.

De Chirico (Giorgio)

Peintre italien (Volo, Grèce, 1888).


Reconnu avant 1914 par Guillaume Apollinaire comme « le peintre le plus étonnant de son temps » et, depuis, tenu par les surréalistes pour leur précurseur le plus direct dans le domaine pictural, il incarne peut-être une des énigmes majeures de l’art du xxe s.


« Nostalgie de l’infini »

Après avoir passé son enfance et son adolescence en Grèce, où son père, ingénieur, construisait des chemins de fer, le jeune homme fréquente de 1906 à 1909 l’Académie des beaux-arts de Munich. À la nostalgie de la civilisation égéenne vient alors s’ajouter la découverte de la philosophie de Schopenhauer, d’Otto Weininger et surtout de Nietzsche. Sur le plan pictural, la rencontre décisive est celle de l’œuvre d’Arnold Böcklin*. Les gravures symbolistes de Max Klinger (notamment la suite intitulée Paraphrase sur la découverte d’un gant, 1881) auront également une influence durable sur De Chirico. Ses premières peintures, lors de son installation en Italie, portent la marque de Böcklin (le Centaure mourant, 1909). Mais, dès 1910, la contemplation d’une statue sur la place Santa Croce de Florence, par un après-midi mélancolique, va orienter son œuvre dans une nouvelle direction, dont le premier signe, cette année-là, sera l’Énigme d’un après-midi d’automne. Commence alors une série d’étranges paysages urbains qui sont autant de théâtres de l’espérance et de l’inquiétude, des affres de l’attente ou du départ, de la proximité ou de l’éloignement d’êtres chers ou redoutés. Places d’Italie, trains, cheminées d’usines, statues debout ou couchées, tours, colonnes, arcades, camions de déménagement, jouets, œufs, fruits et légumes composent le répertoire banal et singulier d’un univers complètement fermé sur lui-même. Le jeune peintre, arrivé en 1911 à Paris (où la gare Montparnasse vient s’ajouter à son registre), exécute ses œuvres dans une sorte d’état second, comme pressé par une nécessité extérieure irrésistible. Apollinaire et Picasso sont les premiers admirateurs de cette peinture étrange, d’une technique apparemment sommaire mais en réalité d’une force et d’une efficacité peu communes.


Des mannequins aux gladiateurs

La présence humaine y est curieusement réduite, soit à des silhouettes lointaines, soit à des ombres, ou encore à des témoins détournés (plâtres, gants, statues mutilées). En 1914, date à laquelle De Chirico atteint le sommet de son génie, l’homme apparaît ; mais, dans le Portrait de Guillaume Apollinaire, c’est un aveugle (avec le profil du poète au fond, la tempe marquée d’une cible) et, dans le Cerveau de l’enfant, un homme moustachu qui dort. L’année suivante, des mannequins sans visage tiennent la place des êtres humains en même temps que surgissent les premiers « intérieurs métaphysiques », hauts lieux de l’agoraphobie encombrés d’instruments de mesure, de chromos, de biscuits, de cartes géographiques ou d’yeux géants. À cette date, le peintre est mobilisé à Ferrare, dont le décor va jouer à son tour un grand rôle dans les toiles de 1916-17 (les Muses inquiétantes ; Hector et Andromaque). À l’hôpital militaire de cette ville, il se trouve au début de 1917 en compagnie de l’ex-futuriste Carlo Carrà ; l’influence qu’il exerce alors sur celui-ci, comme sur son propre frère Andrea, musicien singulier et écrivain remarquable connu sous le pseudonyme d’Alberto Savinio (1891-1952), sur Filippo De Pisis et sur Giorgio Morandi est telle que l’on parlera bientôt de peinture métaphysique pour désigner la production de ce petit groupe. Mais cette audience inattendue, ces disciples ne sont-ils pas la pire des choses pour De Chirico, qui voit soudain les éléments les plus secrets de sa subjectivité tomber en quelque sorte dans le domaine public ? Il faut croire que le peintre, en tout cas, est parvenu à un tournant décisif : lorsqu’il s’installe à Rome avec sa mère au cours de l’hiver 1918-19, sa période de géniale production s’interrompt comme par enchantement sur les Poissons sacrés. À la villa Borghèse, un tableau de Titien lui révèle les splendeurs de la peinture classique. Alors apparaissent les gladiateurs et autres Argonautes faisant des effets de torse devant des toiles de fond böckliniennes. Un des thèmes favoris de l’artiste, c’est maintenant le retour de l’enfant prodigue : Giorgio De Chirico va être une recrue de choix pour la réaction antimoderniste qui se déchaîne à ce moment en Italie (mouvements Valori plastici puis Novecento) comme en France.