Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Darios Ier

(522-486 av. J.-C.), roi de la dynastie achéménide.


Ce souverain, qui est, après Cyrus II, le second fondateur de l’Empire perse, arrive au trône dans des conditions obscures. À en croire sa grande inscription de Béhistoun, il avait renversé un mage usurpateur qui, à la mort de Cambyse II (début de 522), avait pris le pouvoir en se faisant passer pour Bardiya, frère de Cambyse II ; d’après Darios, Bardiya avait été tué en secret sur l’ordre de son frère après la mort de leur père Cyrus II. Mais certains historiens, sceptiques devant la version du vainqueur, pensent que Darios, renversant le véritable Bardiya, a jugé utile de le déconsidérer en inventant une usurpation d’identité. D’autre part, Darios aurait également menti en prétendant descendre d’une branche de la famille achéménide, ce qui devait justifier son accession au trône.

Quoi qu’il en soit, l’avènement du nouveau roi est suivi d’une crise de deux ans qui ébranle l’Empire perse : révoltes nationales, soulèvements de chefs locaux ou d’officiers de la cour achéménide ; Darios ne s’impose finalement que du fait du caractère décousu de ces rébellions.

On peut penser que c’est immédiatement après la fin de ces troubles que Darios entreprend l’organisation de l’empire, à peine ébauchée par Cyrus II. Comme les premières inscriptions achéménides un peu circonstanciées datent de Darios Ier, c’est à ce roi qu’on attribue la division de l’empire en satrapies et, dans chacune de ces grandes circonscriptions, la répartition des pouvoirs entre différents officiers royaux. On porte également au crédit de Darios Ier les premières mesures de la politique économique assez originale qui caractérise la dynastie achéménide. Nous savons qu’il manifeste son intérêt pour les relations maritimes entre les diverses provinces de l’empire en faisant creuser un canal du Nil à la mer Rouge et en faisant explorer par son amiral Scylax le cours de l’Indus et la route maritime qui mène de l’estuaire de ce fleuve au golfe de Suez. Le développement de l’économie dans ses États permet au roi de lever des tributs énormes, qui sont soit thésaurises, soit consacrés aux travaux qui assurent sa renommée (ville royale et palais de Persépolis, palais de Suse).

À des dates généralement inconnues (les sources de la biographie de Darios Ier se limitent en fait aux inscriptions royales du début du règne et aux dires des historiens grecs, nettement plus tardifs), l’Achéménide complète les conquêtes de ses prédécesseurs. Il réalise l’occupation de la partie de l’Inde située à l’ouest de l’Indus, l’achèvement de la soumission des peuples du nord-est de l’Iran et surtout des campagnes, qui visent à étendre sa domination dans le monde hellénique.

Dans cette dernière direction, il achève d’abord la conquête de Cyrus II, qui s’était contenté des villes du littoral égéen de l’Asie Mineure ; les satrapies imposent la domination royale aux cités grecques et barbares des îles voisines (Samos, Chios, Lesbos, Lemnos), de l’Hellespont et de la Propontide. Puis, le roi en personne lance une grande expédition contre les « Scythes d’outremer » : après avoir soumis au passage les Thraces de l’est, il fait campagne au-delà du Danube ; et s’il n’a pas subi l’échec retentissant narré par Hérodote, il se contente vraisemblablement de dévaster le pays scythe avant de l’évacuer ; puis il charge un satrape de soumettre le reste de la Thrace et la Macédoine.

Mais le joug d’un grand roi est trop lourd pour les cités helléniques. Un premier soulèvement, rapidement réprimé, se limite à Byzance et à Chalcédoine. Vers 499, c’est la grande révolte dite « de l’Ionie », mais qui touche aussi les Grecs de la Propontide, de l’Hellespont, de l’Éolide et de Chypre, les Barbares des Iles et de Carie. Les Perses, qui ne triomphent définitivement qu’en 493, se livrent à de terribles représailles : populations vendues en esclavage ou déportées en Susiane, temples saccagés et incendiés. D’autre part, le roi cherche à se venger des Athéniens et des Érétriens, qui ont aidé les Ioniens dans leur attaque sur Sardes, où le grand temple a été incendié (v. 498). Darios Ier compte alors soumettre les Grecs restés indépendants à l’ouest de l’Égée, mais l’expédition de 492 voit sa flotte détruite par la tempête, et celle de 490, qui soumet les Cyclades et détruit Érétrie, est finalement battue à Marathon par les Athéniens. Darios Ier prépare alors une armée et une flotte plus importantes, quand la révolte des Égyptiens et la mort (486) l’empêchent de prendre sa revanche.

Si le grand roi n’a pu soumettre durablement les cités grecques, passionnées pour leur indépendance, il a du moins réussi à faire vivre ensemble, dans un empire de 5 millions de kilomètres carrés, une foule d’ethnies différant par la langue, le niveau culturel et la religion, et, avec les corps de métiers qu’elles lui fournissaient, il a créé à Persépolis un art nouveau.

G. L.

➙ Achéménides / Iran / Médiques (guerres).

 R. G. Kent, Old Persian ; Grammar-Texts-Lexicon (New Haven, 1950).

Darlan (François)

Amiral français (Nérac 1881 - Alger 1942).


Fils d’un député maire de Nérac, qui avait été garde des Sceaux de 1896 à 1898, François Darlan entre à l’École navale en 1899. Après avoir fait par deux fois campagne en Chine entre 1904 et 1907, il sert sur le front français et à Salonique au régiment de canonniers marins pendant la Première Guerre mondiale. En 1926, Georges Leygues, ministre de la Marine, qui est son parrain, l’appelle à son cabinet et, après qu’il a commandé le Jeanne-d’Arc puis l’Edgar-Quinet, lui en confie la direction pendant cinq ans (1929-1934). C’est en cette qualité que Darlan, promu contre-amiral en 1929 et vice-amiral en 1932, prend une part éminente à la reconstitution de la flotte. Mis à la tête de l’escadre de l’Atlantique en 1934, il est nommé chef d’état-major général de la marine par le gouvernement Léon Blum en 1936. Son habileté, sa connaissance profonde des milieux politiques lui permettent de convaincre le Parlement d’adopter d’importants programmes navals, et, en dépit de son caractère secret et très personnel, son autorité est alors incontestable dans la marine. Pour lui donner, dans l’alliance franco-anglaise, un rang équivalant à celui de First Sea Lord (premier lord de la mer) britannique, le gouvernement crée pour lui, en juin 1939, l’appellation d’amiral de la flotte, qui le place au-dessus de toute la hiérarchie du commandement naval et veut rendre à l’amirauté française un prestige correspondant à la valeur de ses moyens. En 1939, en effet, la flotte française, quatrième du monde après celles de l’Angleterre, des États-Unis et du Japon, est, avec 550 000 t de navires en service et 110 000 en construction, la plus moderne que la France ait jamais possédée.