Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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danse (suite)

La danse de société

Ce que nous appelons danse de société ou danse de salon est la danse qui se pratiquait déjà par couple à la Cour et dans les campagnes dès le xiiie s. Ce genre de danse était fort éloigné de celui qui est pratiqué de nos jours. Le comportement des danseurs était moins libre ; l’homme et la femme dansaient à quelque distance l’un de l’autre ; les mains se touchaient à peine.

Au xvie s., la volte (d’origine provençale ou italienne) connaît une grande vogue — peut-être du fait même de sa licence. Thoinot Arbeau (anagramme de Jehan Tabourot [1520-1595]) et plus tard le Dictionnaire de Trévoux (1704) en donnent une description assez précise. Sa mesure ternaire l’a fait apparenter par certains auteurs à la valse, dont elle serait l’origine ; d’autres au contraire la supposent issue de l’allemande. La valse viennoise (xviiie s.), danse à 3/4, de rythme rapide accentué sur le premier temps, dont on s’engoua rapidement, est née des Ländler autrichiens. Elle se danse par couple et eut de nombreuses variantes, telle la valse hésitation, dont le boston, importé d’Amérique vers 1875, emprunta la musique.

Les danses populaires sont souvent à l’origine des danses de société. La mazurka (de la province de Mazurie, Pologne) se répandit en Europe à l’époque romantique ; c’est une danse à 3/4 caractérisée par des temps de pieds frappés. D’origine polonaise ou tchèque, la polka se danse par couple et sur une mesure à 2/4. Elle apparaît vers 1835 à Prague, en 1839 à Vienne, puis à Paris en 1840, où elle est d’abord dansée sur scène au théâtre de l’Odéon et au théâtre de l’Ambigu (1841). Le quadrille, qui dérive de la contredanse, se dansait en groupes, en formation carrée. Apparu vers le début du xixe s., il eut plusieurs variétés : quadrille américain (Square Dance), quadrille des lanciers. Le cancan, ou chahut, apparut vers 1830 dans les bals publics ; devenu danse attractive sous le nom de french cancan, il est la dernière danse populaire née en France. Presque toutes les autres danses seront désormais des importations des États-Unis ou d’Amérique latine.


Le bal public

Les divertissements populaires ne semblent pas avoir été organisés en bal avant le xvie s. L’aristocratie dansait à la Cour, le peuple dans la rue ou dans les campagnes. Le premier bal public n’a été ouvert qu’en 1716. Il se tenait à l’Opéra, qui occupait alors l’ancienne salle du Palais-Royal (côté des rues de Valois et Saint-Honoré).

Jusqu’à la Révolution, tout bal public devait être autorisé par l’Opéra, qui avait une sorte de monopole de ces divertissements.

L’austérité révolutionnaire, qui admit fort bien la carmagnole, supprima les bals en 1790, lesquels resurgirent décuplés en nombre après les journées de thermidor de l’an II. Dans les jardins de Tivoli, de Bagatelle et de Frascati étaient donnés des spectacles où l’on dansait.

Chaque classe sociale allait avoir son quartier d’élection : la Cité, les Halles, les Champs-Élysées, Montmartre. Certains bals avaient fort mauvaise réputation, tels ceux de la Courtille ou de la rue de Lappe (où la java fit son apparition dans les « musettes » au début du xxe s.), tandis que le bal Mabille, le Moulin-Rouge, Tabarin ou le Moulin de la Galette attiraient toujours plus de clientèle.

L’évolution de la société au lendemain de la Libération fit descendre la danse dans les caves de Saint-Germain-des-Prés.


La danse mondaine

Joseph Smith (1875-1932), fils de George Washington Smith (1820-1899), le premier des grands danseurs classiques américains, travailla à styliser et polir les danses des Noirs. Il inventa ainsi de nombreuses danses, qu’il présenta en exhibitions publiques avec Vernon (1886-1918) et Irene Castle (1892-1969) [qui dansèrent ensemble de 1907 à 1917].

Un genre nouveau était né : la danse mondaine. Les présentations des Castle furent bientôt imitées par de nombreux couples de danseurs. Les Castle rendirent populaires le one-step, le fox-trot, la matchiche, le tango. Leur aisance et leur élégance donnèrent un style à la danse de salon. De tous les couples qui les suivirent, peu innovèrent. Ce n’est qu’avec Fred Astaire (né en 1899) et ses partenaires (sa sœur Adèle, Joan Crawford, Eleanor Powell, Rita Hayworth, Judy Garland et surtout Ginger Rogers) que cette forme de danse conquit le public, en partie grâce à l’audience que lui offrait le cinéma (Lady be Good, Dancing Lady, The Gay Divorcee, Shall We Dance ?). En hommage aux Castle, Fred Astaire et Ginger Rogers tournèrent The Story of Vernon and Irene Castle. Cet engouement pour la danse mondaine a eu pour conséquence l’ouverture de nombreuses écoles (Jacques Bense, né en 1912) et de cours. Les spectacles de variétés de l’entre-deux-guerres, et même encore après la Seconde Guerre mondiale, présentaient souvent un couple de danse. Aujourd’hui, la mode s’en est éteinte, mais il continue à subsister une Académie des maîtres de danse, et la Fédération française de danse pour amateurs organise chaque année des championnats.


La danse moderne

Au début du xxe s., l’Europe est fermée à l’influence expressionniste ; elle n’en ressentira les premières atteintes qu’à travers la danse américaine. L’expressionnisme a connu en effet un succès immédiat et durable aux États-Unis où, en l’absence d’une école traditionnelle, la danse moderne s’implantait.

Les fondements de la danse moderne reposent sur le dynamisme et le retour aux mouvements naturels de la danse libre, ainsi que sur les principes de l’expressionnisme. La danse est une construction qui doit tenir compte de quatre données : le temps, l’espace, la conscience qu’a le danseur du mouvement qu’il exécute et les harmoniques psychologiques qui sont issues de ce mouvement. Les différentes techniques de la danse moderne consistent avant tout en une synthèse de deux contraires. Mais qu’il s’agisse de chute et de rétablissement, d’équilibre et de déséquilibre, d’inspiration et d’expiration, de contraction et de décontraction, il y a toujours entre les deux états un temps optimal, de durée variable. Le corps est un instrument aux infinies possibilités. Moyen d’expression et de communication, il peut, par le jeu savant d’une musculature éduquée, traduire émotions et conflits psychologiques.