Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Danemark (suite)

Le xviiie s. prolonge le mouvement humaniste inspiré des Provinces-Unies, grâce au rayonnement de l’université de Copenhague et à celui de nombreux établissements scientifiques, dont la Société de Trondheim (1760). Parallèlement aux « lumières », un courant mystique issu d’Allemagne, le « piétisme », fait de nombreux disciples grâce au soutien du roi Christian VI (1730-1746), influencé par son épouse Sophie-Madeleine.

Sous Frédéric V (1746-1766), le duché de Holstein est rattaché au Danemark. Dans la perspective du despotisme éclairé, le roi prend pour ministre Johan Bernstorff, le « Colbert danois » (1712-1772), qui, malgré ses efforts, ne peut redresser une situation financière compromise par les dépenses militaires et celles de la Cour. Néanmoins, le Danemark connaît alors une grande prospérité commerciale (Compagnie générale du commerce, 1747) ; les Danois acquièrent des îles dans les Indes occidentales.

Avec Christian VII (1766-1808), qui est fou, le pouvoir revient à un réformateur, l’Allemand Friedrich Struensee (1737-1772), amant de la reine Caroline-Mathilde de Hanovre, qui se débarrasse de Bernstorff. Au piétisme contraignant succède l’influence philosophique française. Partisan des encyclopédistes, Struensee essaie de réaliser des réformes (1770-71). Mais il s’oppose, ce faisant, au Conseil aristocratique, aux nobles et au clergé. Un complot de cour le renverse, et il est décapité en 1772.

La réaction qui s’ensuit avec le ministère du réactionnaire Höegh Guldberg arrête toute réforme et développe un scandinavisme xénophobe. Mais le prince héritier, en âge de gouverner comme régent à partir de 1784 (il sera roi de 1808 à 1839 sous le nom de Frédéric VI), entreprend avec Andreas Bernstorff (1735-1797), neveu du ministre de Frédéric V, des réformes profondes. En 1797, la politique maritime de l’Angleterre l’amène à conclure avec la Suède un traité de neutralité armée.

Le libéralisme économique se manifeste par des investissements dans l’industrie, par la libre circulation des céréales, ainsi que par la garantie pour les marchands du droit de libre entreprise et de la liberté des échanges. La condition des paysans est améliorée par Friedrich Reventlow († 1828) : suppression du servage, modernisation des cultures, prêts pour permettre aux ruraux d’acheter des terres. Aussi, au début du xixe s., la moitié de la classe paysanne est-elle propriétaire de ses terres. La structure agraire du Danemark démocratique est en place.


Le xixe siècle. Du conservatisme aux réformes

Au cours des guerres napoléoniennes, le Danemark se range dans le camp des neutres (seconde Ligue des Neutres, 1800), mais la pression anglaise (bombardement de Copenhague en 1801, prise de la flotte danoise en 1807) fait basculer le royaume dans l’alliance française. Le Blocus* continental néanmoins porte un coup très dur aux intérêts économiques du pays (banqueroute de l’État en 1813). En outre, l’alliance avec Napoléon coûte en 1814 la Norvège au Danemark, qui doit, au traité de Kiel, la céder à la Suède, ainsi qu’Helgoland à l’Angleterre.

Le Danemark, qui garde les dépendances norvégiennes (îles Féroé, Groenland, Islande), acquiert en compensation le Lauenburg, un territoire allemand. Cette extension du pays, au moment où s’affirment les « nationalités », est une menace pour son unité nationale, un tiers des sujets du roi étant des Allemands.

Dans le domaine politique, les rois Frédéric VI et Christian VIII (1839-1848) restent très attachés aux formes anciennes du pouvoir et refusent de libéraliser le régime. Toutefois, la loi scolaire, qui rend l’enseignement obligatoire jusqu’à quatorze ans, prépare l’éclosion d’une conscience politique dans les milieux ruraux, qui se manifestera dans la seconde partie du siècle. En 1834, une diète consultative est accordée aux quatre provinces (Iles, Jylland, Slesvig, Holstein).

1848 va apporter l’élan décisif qui mettra fin à l’absolutisme. Sous la pression des nationaux-libéraux, une assemblée constituante vote en 1849 une constitution démocratique qui installe un bicamérisme parlementaire issu du suffrage universel.

Sous le règne de Frédéric VII (1848-1863) éclate l’affaire des duchés. Le Slesvig, uni depuis plus d’un siècle au Danemark, est en majorité peuplé de Scandinaves, mais le Holstein et le Lauenburg, eux, sont entièrement allemands. Aussi, en 1848, la Prusse attaque-t-elle le Danemark, qui est soutenu par l’Angleterre, la Russie et la Suède. L’armistice de Malmö précède de longs pourparlers ; finalement, en 1852 (protocole de Londres), l’autonomie politique des duchés est affirmée. Sur le plan intérieur, Frédéric VII, qui a dû former un ministère libéral-national, essaie de revenir sur les concessions de 1848, mais il doit accepter la Constitution de 1855.

Les duchés ne restent pas longtemps danois : l’avènement du roi Christian IX (1863-1906) est marqué par la perte du Slesvig et du Holstein, arrachés au Danemark par le traité de Vienne (1864) à la suite d’une guerre avec la Prusse et l’Autriche.

Après cet échec terrible (le Danemark est fortement réduit dans son territoire), les conservateurs prennent le pouvoir, qu’ils garderont jusqu’en 1901. Le grand propriétaire Jacob B. S. Estrup (1825-1913) est Premier ministre de 1875 à 1894. Cependant, la Constitution de 1866 a créé deux chambres, le Landsting, élu au suffrage restreint, et le Folketing, élu selon un suffrage plus étendu.

Durant ce temps, le Danemark développe son agriculture : les produits de l’élevage, expédiés vers l’Angleterre, deviennent l’essentiel des exportations (coopératives laitières). Mais l’industrialisation, qui s’accroît à partir de 1870, entraîne la formation d’un parti ouvrier social-démocrate (1871) et le développement du syndicalisme.

En 1901, les conservateurs sont battus au profit de l’opposition radicale.


Le xxe siècle. La formation de l’État socialiste

Sous Frédéric VIII (1906-1912) et Christian X (1912-1947), la droite perd de son importance. Dès 1913, un gouvernement à majorité radicale et socialiste arrive au pouvoir.