Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dagobert Ier (suite)

À la mort de son père (oct. 629), maître de la Neustrie et de la Bourgogne, il lève aussitôt l’ost d’Austrasie et gagne Reims et Soissons, où il se fait reconnaître tour à tour par les grands de ces deux royaumes. Il a ainsi reconstitué à son profit l’unité du regnum Francorum. Il relègue en Aquitaine son frère puîné Charibert (606-632) et attend un an pour faire exécuter l’oncle maternel de ce dernier, Brodulf, qui avait projeté de régner sous son nom en Neustrie. Ayant obtenu de Charibert qu’il renonce à ses droits sur le reste de la Gaule en échange de l’autorisation qui lui est accordée d’étendre son autorité aux dépens des Gascons, bien conseillé par ailleurs par les futurs évêques de Noyon, de Rouen et de Cahors, l’orfèvre Eligius, le référendaire Dadon et le trésorier Didier (v. 580-655), Dagobert Ier entreprend en 630 une tournée en Bourgogne, où il prend de sévères mesures contre les exactions des Grands, tant ecclésiastiques que laïques, puis en 631 en Austrasie, où la retraite de saint Arnoul dans un monastère l’amène à associer l’évêque de Cologne, Chunibert, à Pépin de Landen dans le gouvernement de ce royaume.

Mais, devant l’hostilité de ses premiers sujets, mécontents de son établissement à Paris et de la faveur qu’il accorde à Aega, maire du palais de Neustrie, les Austrasiens obtiennent en 634 qu’il leur donne comme roi Sigebert, le fruit de ses amours avec Raintrude : alors âgé de trois ans, celui-ci est installé à Metz avec un trésor et un palais régis par l’évêque de Cologne Chunibert et par le duc Adalgisile. En compensation, Dagobert contraint leurs évêques et leurs leudes à reconnaître en 635 la future royauté en Neustrie et en Bourgogne de Clovis II, fils que vient de lui donner la reine Nantilde, qu’il avait épousée après avoir répudié Gomatrude pour cause de stérilité et qui fut, avec Vulfégonde et Berchilde, l’une des trois épouses de ce souverain polygame.

Entre-temps, la mort de Charibert, suivie de celle, sans doute provoquée, de son jeune fils Chilpéric en 632, permet à Dagobert de restaurer son autorité en Aquitaine, mais l’oblige à assumer lui-même en 637 la répression de la révolte des Gascons, dont le duc Aegyna vient faire sa soumission à Clichy en 638, l’année même où le prince Judicaël de Domnonée (Bretagne) offre la sienne avant de se retirer dans un monastère.

Hors de ses frontières, Dagobert fait également respecter la monarchie franque, signant notamment, dès le début de son règne, une paix perpétuelle qui confirme son autorité internationale. Il contribue en outre au succès de l’usurpation de Sisenand, en Espagne, en aidant ce dernier à s’emparer de Saragosse aux dépens du roi wisigoth Svinthila en 633 ; en même temps, il fait reconnaître son ascendant par les Lombards ; surtout, il tente de briser l’empire slave centré sur la Bohême que constitue l’aventurier Samo (qui règne de 623 à 658), dont les sujets wendes ont dépouillé et tué de nombreux marchands francs vers 630. Mais les forces austrasiennes ayant été vaincues près de Wogatisburg en Bohême en 631 malgré l’appui des Lombards et des Bavarois, Dagobert doit accepter la protection des Saxons contre les Wendes en échange de la remise d’un tribut annuel de 500 vaches. Renforcée en 634 par la désignation de Sigebert III comme roi d’Austrasie ainsi que par la nomination d’un duc, Radulf, à la tête de la Thuringe, la défense de la frontière orientale du regnum Francorum est assurée désormais avec efficacité jusqu’à la disparition de Dagobert Ier, qui, selon Christian Courtois, meurt à Saint-Denis le 19 janvier 638, et non 639, après avoir confié la reine Nantilde et son fils Clovis au maire du palais de Neustrie, Aega. En fait, cette mort scelle le déclin inéluctable de l’État mérovingien, à l’éclat duquel ce souverain a puissamment contribué en s’associant à son référendaire Dadon (saint Ouen) et à son monnayeur, l’orfèvre Eligius (saint Eloi), pour fonder les monastères de Rebais et de Solignac et plus encore en enrichissant l’abbaye de Saint-Denis. Dagobert est le premier roi à s’y faire inhumer et auprès d’elle il fonde une foire, sans doute purement agricole, se tenant chaque année le 9 octobre à la fête du saint, foire qu’il ne faut pas confondre avec celle du lendit.

P. T.

 M. Prou, la Gaule mérovingienne (Soc. fr. d’éd. d’art, 1897). / R. Barroux, Dagobert, roi des Francs (Payot, 1938).

Daguerre (Louis Jacques Mandé)

Inventeur et décorateur français (Cormeilles-en-Parisis 1787 - Bry-sur-Marne 1851).


Cherchant à renouveler le décor théâtral, qui, au début du xixe s., était encore assujetti à la tradition de la « perspective à l’italienne », Daguerre, alors employé dans un atelier de peinture, invente un « fond mouvant » où, notamment grâce à l’emploi habile de la lanterne magique, il parvient à combiner harmonieusement trucages optiques et effets de luminisme. Il travaille à l’Ambigu et à l’Opéra, où la nouveauté de ses décors suscite parfois plus d’intérêt que les mélodrames de Scribe et de Pixerécourt, auxquels ils sont censés donner vie. En 1822, il connaît un grand succès avec le panorama qu’il crée pour la pièce de Niccolo Isouard Aladin ou la Lampe merveilleuse. La même année, il perfectionne le système du panorama et le transforme en diorama. Le diorama se présente sous la forme d’un tableau de grandes dimensions peint sur une toile sans bords visibles, que l’on soumet à des jeux savants d’éclairage tandis que le spectateur reste dans l’obscurité totale. Daguerre ouvre alors rue Samson un local qu’il dénomme Diorama et où le public, placé sur une plate-forme tournante, peut admirer certaines reconstitutions spectaculaires comme la Messe de minuit à Saint-Étienne-du-Mont, l’Éruption du Vésuve ou l’Incendie d’Édimbourg. Le Diorama de la rue Samson brûle en 1839. Reconstruit boulevard de Bonne-Nouvelle, il est de nouveau dix ans plus tard détruit par un incendie. Entre-temps, Daguerre, qui, pour exécuter ses croquis du Diorama, se servait de la chambre noire, s’efforce dès 1826 de s’associer avec Nicéphore Niepce, dont il a entendu parler par l’opticien Chevalier. Après une longue hésitation, Niepce, à demi ruiné, consent à signer un contrat avec Daguerre, le 14 décembre 1829, contrat relatif à une invention de Niepce qui est un moyen nouveau « de fixer les vues qu’offre la nature sans avoir recours à un dessinateur ». Daguerre se livre alors à divers essais pour révéler l’image latente obtenue sur la plaque à l’iodure d’argent et pour la fixer. À la mort de Niepce (1833), il poursuit seul ses recherches, découvre en 1835 l’action de la vapeur de mercure sur l’iodure d’argent impressionné et, en 1837, réussit à dissoudre l’iodure résiduel dans une solution chaude de sel marin. Dès 1838, il obtient des daguerréotypes. Ces plaques métalliques exigent un temps de pose assez long — 15 à 30 mn — et donnent par inversion une image positive, sans qu’il soit néanmoins possible d’en obtenir des copies. Daguerre se heurte à l’indifférence des hommes d’affaires qu’il cherche à contacter pour commercialiser son invention.

Cependant, lorsqu’en 1839 François Arago présente celle-ci à l’Académie des sciences, le physicien obtient du gouvernement, en échange de la divulgation du procédé, une rente viagère pour Daguerre, qui rédige alors son Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama.

J.-L. P.