Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cyclone (suite)

Les cyclones tempérés

Les cyclones tempérés évoluent. Il convient donc d’évoquer d’abord leur vie (stade de formation et de jeunesse, de maturité, de vieillesse, avant la disparition par occlusion), puis d’analyser leur structure en les choisissant à l’âge adulte, enfin d’envisager leur regroupement en familles et d’examiner les modalités de leurs déplacements. Ce cadre demeure valable pour l’étude des cyclones tropicaux.


La formation

Le tourbillon cyclonique débute par une ondulation du front préexistant (normalement front polaire). Cette ondulation est obtenue par l’impulsion donnée à la discontinuité par la masse d’air froide en direction du sud-est (référence étant toujours faite à l’hémisphère Nord), tandis qu’une poussée chaude impose, à l’avant, une remontée vers le nord-est. La combinaison des deux flux esquisse alors la giration dépressionnaire (vents tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre), giration qui s’opère autour d’un centre. Le dynamisme des deux masses d’air aboutit par ailleurs à l’établissement d’une distinction entre la partie du front polaire animée par l’air froid postérieur et celle qui l’est par l’air chaud antérieur (front froid et front chaud poussés respectivement par le secteur froid et le secteur chaud [fig. 1]). Le jeu des flux et des fronts s’accompagne d’une esquisse de dépression barométrique (fig. 2). Le cyclone est né. Le passage du front polaire en état d’équilibre à l’ondulation puis à la dépression peut se réaliser en 24 heures.


L’évolution

Dans les jours qui suivent, l’air du « secteur chaud » pousse plus avant le front chaud ; l’air du « secteur froid » en fait autant du front froid. À cette tendance réalisée dans le plan horizontal s’en combine une autre, qui se développe dans le plan vertical. L’air du secteur chaud tend à s’élever au-dessus de l’air froid situé au-delà de la dépression cyclonique, vers l’est, tandis que l’air du secteur froid postérieur s’enfonce en coin sous l’air chaud central. On aboutit alors à la figure 3 (a et b). Tous ces événements s’accompagnent d’un approfondissement de la dépression isobarique (fig. 3 c). Les mouvements respectifs de l’air chaud central et de l’air froid postérieur ont une composante qui impose un déplacement général de l’ensemble du tourbillon, d’ouest en est. Ce mouvement général n’empêche pas la poursuite des mouvements particuliers de l’air froid par rapport à l’air chaud (donc du front froid par rapport au front chaud) à l’intérieur même du cyclone. Peu à peu, par ce jeu interne, le front froid animé par le secteur froid rétrécit, à l’horizontale, le secteur chaud, du fait qu’il finit par rattraper le front chaud antérieur. C’est le début de l’occlusion (fig. 4 a). À l’endroit de l’occlusion, l’air chaud tropical est reporté en altitude, l’air froid postérieur rejoignant l’air froid situé à l’avant de la dépression. Il subsiste alors au sol, au-delà du cas limite, un « pseudo-front » (fig. 4 b) entre les deux masses d’air, car celles-ci n’ont pas rigoureusement les mêmes qualités physiques. L’air postérieur peut être le plus chaud ; on a alors une occlusion à caractère de front chaud (fig. 4 c). Quand c’est l’inverse, on a une occlusion à caractère de front froid (fig. 4 d). Le phénomène d’occlusion peut être favorisé par l’arrivée du cyclone contre une montagne. Le front chaud antérieur sera bloqué par le relief, ce qui permettra au front froid de le rejoindre plus facilement. On peut admettre, selon E. S. Gates, que la dépression cyclonique, au-delà des premières 24 heures, évolue vers l’épanouissement dans un laps de temps allant de 2 à 6 ou 7 jours. Après quoi, c’est l’occlusion qui commence. Elle va en se développant jusqu’au 8e ou au 9e jour.


La structure

Pour un observateur fixe placé à l’avant de la dépression qui vient de l’ouest (fig. 5), le cyclone se manifeste tout d’abord par des nuages hauts (cirrus appartenant à la tête du système nuageux). Les cirrus signalent le passage du front chaud en altitude. Puis le temps se couvre progressivement par des nuages moins élevés (altostratus) jusqu’à la couverture totale du ciel (nimbo-stratus). Cette situation est en rapport avec la proximité du front chaud dans sa partie la plus proche du sol, c’est-à-dire avec le passage de la fin du corps du système nuageux. Après quoi, on s’engage dans la troisième partie de ce dernier (la traîne). La nébulosité en est très variable. Entre les plages de ciel clair ou couvert de nuages stratiformes apparaissent des nuages à grand développement vertical, cumulo-nimbus sur le front froid et cumulus dans le secteur froid postérieur. La pression barométrique évolue pour sa part. Restée relativement élevée dans l’air froid antérieur, elle décroît au fur et à mesure que l’on se rapproche du cœur chaud de la dépression. De sorte que l’intensification du mauvais temps correspond bien, jusqu’au passage du corps nuageux, à la baisse classique du baromètre. La pression remonte après le passage du front froid, c’est-à-dire lorsque l’observateur entre dans le secteur froid postérieur, là où le ciel devient moins nuageux.


Le cheminement et le groupement des cyclones tempérés

Les cyclones tempérés se déplacent d’ouest en est. Sur mer, on peut considérer que les vents d’ouest d’origine tropicale soufflant sur le bord polaire des hautes pressions subtropicales constituent leurs flux directeurs. D’une façon plus générale, les cyclones se déplacent comme les flux d’altitude dominant aux latitudes tempérées (circulation d’ouest circumpolaire). C’est ce qui explique qu’après avoir traversé l’Atlantique les dépressions de front polaire arrivent sur la France par l’ouest, où elles apportent l’influence « maritime ».

Les trajectoires de cyclones tempérés varient selon les saisons (fig. 6). Il faut voir là l’influence générale du balancement en latitude des courants jets ; ceux-ci sont liés aux fronts et par conséquent aux trajectoires préférentielles des dépressions. En hiver, les cyclones de front polaire affectent le sud-est des États-Unis, au moment où le jet passe alors à la base de la Floride. En été, les trajectoires sont beaucoup plus septentrionales (latitudes des Grands Lacs). Les cheminements dépressionnaires peuvent aussi dépendre essentiellement du substratum géographique. En Europe, à la saison froide, si une partie des dépressions de front polaire passe par la Méditerranée conformément à l’appui vers le sud des processus d’origine polaire, c’est la voie septentrionale qui est la plus fréquentée (nord de l’Écosse, mer de Norvège, nord de la Scandinavie). Il faut voir là l’influence directrice des eaux chaudes de la « dérive nord-atlantique » (v. climat).