Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cuba (suite)

Les transformations économiques après 1959

Les transformations économiques par la révolution castriste concernent : la politique générale de la production (priorité à l’industrie ou priorité à l’agriculture, financement du développement, rapports de production) ; la production agricole (canne à sucre ou cultures vivrières, monoproductions ou diversification des cultures) ; l’organisation des structures agraires ; la politique commerciale extérieure. Sur le plan général, elles ne peuvent se comprendre que dans le contexte politique des rapports entre Cuba, les États-Unis et l’U. R. S. S. : les décisions prises par le gouvernement de Castro ne sont souvent qu’une réponse aux initiatives américaines et la réorganisation de l’économie se fait dans le cadre d’une alliance étroite avec les pays socialistes.


La réforme agraire

Elle s’est faite entre 1959 et 1962 eh plusieurs étapes. Par une première loi du 17 mai 1959, les latifundia sont interdits et la propriété est limitée à 402,6 ha ; cependant, des domaines ayant jusqu’à 1 300 ha peuvent être maintenus s’ils sont exploités d’une façon rentable. La loi prévoit aussi une action en faveur des microfundia. On crée l’Institut national de la réforme agraire (I.N.R.A.), chargé d’appliquer la réforme (distribuer les terres, créer des coopératives, aider le paysannat). La loi touche 1,2 Mha et favorise la petite paysannerie. En juillet 1960, Castro nationalise tous les biens étrangers à la suite du refus du président américain d’acheter le sucre cubain et en octobre 1960, à la suite de l’opposition des gros propriétaires cubains, sont nationalisées les grandes entreprises privées du pays. D’autres textes permettent de confisquer les biens mal acquis, ceux des émigrés ou des opposants dangereux et d’acquérir aussi des dons. Au milieu de 1961, l’I.N.R.A. se retrouve ainsi avec 4 438 879 ha de terres confisquées par l’une ou l’autre loi, dont 27 p. 100 au titre de la loi de réforme agraire. En 1962, 6 630 000 ha ont subi des transferts de propriété : 58 p. 100 appartiennent à l’État, et le reste a été distribué à 101 000 paysans pauvres. La terre cubaine se répartit ainsi : 3 300 000 ha (36 p. 100) aux paysans pauvres (moins de 67 ha) ; 1 863 000 ha (20 p. 100) aux paysans moyens (de 67 à 402 ha) ; 3 903 000 ha (44 p. 100) à l’État.

En septembre 1963, une seconde phase de la réforme agraire est mise en œuvre, qui va permettre au secteur d’État de devenir prédominant. En octobre 1963, la paysannerie moyenne est expropriée, si bien que plus de 60 p. 100 des terres sont désormais sous le contrôle de l’État. Il s’agit essentiellement des terres destinées à la culture de la canne à sucre et à l’élevage. La réforme agraire a épargné les cultures du tabac et du café ainsi que les cultures maraîchères. Les petits agriculteurs sont regroupés dans l’Association nationale des petits agriculteurs (A.N.A.P.), chargée de transmettre les directives de l’I.N.R.A. et de diffuser les progrès techniques. On encourage avec prudence la formation de coopératives agricoles. Le problème fondamental posé aux dirigeants cubains est alors de savoir s’il faut continuer à partager les terres confisquées, en particulier morceler les grands domaines sucriers ou d’élevage pour les donner aux ouvriers agricoles. On renonce très vite à cette politique et on passe directement du latifundium capitaliste à l’entreprise d’État : la masse des ouvriers agricoles n’aspirant pas vraiment à la propriété individuelle, la rentabilité des exploitations de canne n’aurait pas résisté à leur morcellement. En 1963, les distributions de terres aux paysans pauvres sont pratiquement arrêtées. Il faut donc que l’État gère cet immense domaine ; depuis 1960, l’une des préoccupations essentielles du gouvernement a été de trouver des solutions aux problèmes posés par l’organisation du travail sur les terres de l’État. En 1962, on compte ainsi 280 « fermes du peuple » (10 000 ha en moyenne), semblables aux sovkhozes soviétiques, et 600 fermes d’État, de plus petites dimensions (1 500 ha en moyenne) et gérées sous la responsabilité de l’A.N.A.P. L’administration du secteur étatique est fortement centralisée et s’opère de La Havane, à partir du siège de l’I.N.R.A. De 1963 à 1965, on met en place un nouveau découpage administratif et une nouvelle organisation de la gestion des terres de l’État afin de décentraliser en faveur d’unités de production régionale, de simplifier et de rationaliser, le système précédent étant trop lourd. On fait coïncider le découpage territorial administratif et celui de l’économie, car l’I.N.R.A., transformé en ministères, doit coordonner et animer la politique agricole et non plus gérer. Actuellement, les terres de l’État sont gérées de la manière suivante : la ferme d’État est l’unité technique de production agricole de base. Elle est divisée en départements sur la base de secteur d’activité (canne, élevage, etc.), ces départements étant partagés en lots qui constituent les unités de production les plus petites (25 ha pour le tabac, 1 000 ha pour la riziculture mécanisée). À chaque lot est affectée une brigade permanente, responsable du travail. Les fermes d’État sont regroupées en « agrupaciones », dont les limites correspondent au district administratif. Chaque agrupación compte une douzaine de fermes d’État et constitue une unité économique qui dirige la politique agricole d’une vaste zone. Au nombre de cinquante-huit, elles s’étendent sur des superficies comprises entre 13 000 et 85 000 ha. Les brigades mobiles de travail, qui travaillent successivement dans les fermes, dépendent de l’agrupación. Les agrupaciones sont regroupées en « trusts provinciaux de production agricole », mais ceux-ci ont perdu de leurs pouvoirs en faveur des premières, qui sont dotées d’un personnel de haute qualité. L’agrupación semble avoir un rôle régional technique et économique fondamental.