Croatie (suite)
Mais la Croatie, au sein du nouvel État yougoslave, n’obtient pas d’autonomie ; l’opposition entre les Croates fédéralistes et les Serbes centralistes sera donc le problème essentiel du royaume entre 1918 et 1941. Le parti paysan croate, principal parti croate, est en même temps le plus puissant parti d’opposition du royaume. Malgré sa deuxième place aux élections à l’Assemblée constituante en 1920, il s’abstient lors du vote de la Constitution centralisatrice de 1921 ; Stjepan Radić fuit même à l’étranger, où il rattache le parti à l’Internationale paysanne de Moscou ; le parti est alors interdit. Toutefois, en 1925, il finit par reconnaître le régime ; mais, après une brève participation au pouvoir, il retourne dans l’opposition. L’assassinat de Stjepan Radić et de deux autres membres du parti le 20 juin 1928 à l’Assemblée nationale provoque une grave crise et entraîne la dictature du roi Alexandre Ier Karadjordjević. S’ensuit une politique autoritaire. En 1930 et en 1933, des procès sont intentés à des représentants du parti paysan croate et à son nouveau chef, Vladimir Maček (1879-1964). Des politiciens croates émigrent. Certains, tel Ante Pavelić (1889-1959), fondateur de la société secrète Oustacha, s’orientent vers l’action terroriste ; ils sont vraisemblablement les initiateurs de l’attentat mortel contre le roi Alexandre Ier en 1934. D’autres font campagne auprès de la S. D. N. pour dénoncer la répression en Croatie (mémorandum de 1931). Toutefois, avec le développement général de l’opposition en 1939, un compromis (sporazum) entre le nouveau chef du gouvernement yougoslave, Dragiša Cvetković, et le chef du parti paysan croate, Maček, donne un statut autonome à une banovine de Croatie qui englobe une partie de la Bosnie.
Mais son application est brève : après la victoire de l’Axe sur la Yougoslavie en avril 1941, la Croatie devient un État satellite, bientôt érigé en royaume, avec A. Pavelić comme chef de gouvernement (son roi, le duc de Spolète, n’y viendra jamais) ; l’État croate englobe toute la Bosnie-Herzégovine et est partagé entre une zone d’occupation allemande au nord et une zone italienne au sud. Cet État fasciste persécute les juifs et les Serbes orthodoxes (« catholicisation » forcée), suscitant des luttes fratricides particulièrement pénibles en Bosnie, où les populations serbes, croates et musulmanes sont très mélangées. Les troupes de l’Oustacha collaborent avec les Allemands à la lutte contre les partisans de Tito ; en 1943, un Conseil antifasciste de libération nationale est créé (Zavnoh).
Presque entièrement libérée au moment de la capitulation allemande en mai 1945, la Croatie, y compris la Dalmatie*, devient une république fédérée de la Yougoslavie.
M. P. C.
➙ Dalmatie / Yougoslavie / Zagreb.
T. Smičiklas, Histoire de la Croatie (en serbo-croate, Zagreb, 1879-1882 ; 2 vol.). / V. Klaiḉ, Histoire des Croates des origines à la fin du xixe siècle (en serbo-croate, Zagreb, 1899-1920 ; 6 vol.). / R. W. S. Watson, The Southern Slav Question and the Habsbourg Monarchy (Londres, 1911). / A. Blanc, la Croatie occidentale (Institut d’études slaves, 1957).