Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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cristallographie (suite)

La découverte fondamentale par Max von Laue*, en 1912, de la diffraction cristalline des rayons X, aussitôt suivie de l’établissement des premières structures atomiques des cristaux par sir William Bragg (1862-1942) et son fils sir Lawrence Bragg (1890-1971), allait donner à la cristallographie un développement prodigieux. Les rayons X, grâce à leur pouvoir de pénétration et aux repères de longueur que constituent leurs longueurs d’onde, permettent la mesure précise des propriétés cristallographiques de toute matière solide, même si celle-ci n’est pas limitée par des faces planes. Des milliers de chercheurs dans tous les pays, physiciens, chimistes, minéralogistes, biologistes, métallurgistes, sont devenus des cristallographes. L’arrangement régulier des atomes dans les cristaux se trouve révélé. La dimension des atomes, leur structure électronique et leurs distances mutuelles peuvent être connues avec précision. Dans les composés organiques, même ceux, compliqués, de la chimie biologique, on peut déceler l’arrangement spatial des molécules chimiques avec le mode de liaison des atomes. Les composés de la chimie minérale sont essentiellement des édifices d’ions ; et certains chapitres de cette chimie, comme celui des silicates, sont maintenant parfaitement clairs. L’étude de la répartition des éléments chimiques dans la croûte terrestre et la géochimie* ont pour point de départ les déterminations des structures atomiques des minéraux. Les propriétés physiques des métaux et des alliages, leurs transformations et leurs compositions chimiques s’interprètent par leurs propriétés cristallographiques et leurs structures atomiques.


L’état cristallin

Le passage d’une substance de l’état liquide à l’état solide par refroidissement peut se faire progressivement par une augmentation de la viscosité ; la substance devient pâteuse, puis solide sans que l’on ait pu noter l’instant précis de la solidification. C’est ainsi que se forment les verres par refroidissement de la silice ou d’un mélange de silicates fondus.

Mais, dans la quasi-totalité des cas, le changement d’état est discontinu ; la courbe de refroidissement présente un palier, dû à l’apparition du solide à partir de germes qui, en se développant, donnent naissance à des cristaux. Tant que la phase liquide et la phase solide sont en présence, la température demeure constante ; c’est la température de fusion du solide. Les cristaux peuvent se former dans différentes conditions : dans des solutions qui s’évaporent jusqu’à la saturation ou à partir de vapeurs qui se condensent sur une paroi froide. La cristallisation entraîne une purification ; les cristaux sont chimiquement plus purs que les liquides ou les solutions mères.

Le cristal est homogène ; il possède les mêmes propriétés dans toute son étendue. Ainsi, certains cristaux ont une direction de plan de moindre cohésion, dit plan de clivage ; c’est dire que, par tout point de ces cristaux, il passe un plan de clivage. Mais cette notion d’homogénéité est toute relative ; c’est une notion thermodynamique qui n’a qu’une valeur statistique ; elle est généralement contrôlée par le microscope optique, dont le pouvoir séparateur est à l’échelle des longueurs d’onde lumineuses, c’est-à-dire du micron. Et la matière, constituée d’atomes, est incompatible avec une homogénéité absolue. Cependant, tout cristal manipulable, accessible à l’observation microscopique, comprend un nombre énorme d’atomes. Ainsi, le plus petit cristal visible au microscope optique, comprend plusieurs dizaines de milliards d’atomes. Et, à cette échelle des dimensions des atomes, c’est-à-dire de l’ångström, qui vaut 10–10 m, ce cristal peut être considéré comme s’étendant indéfiniment dans les trois directions de l’espace.

Le milieu cristallin est anisotrope. Certaines propriétés dites vectorielles dépendent de la direction d’observation, à l’inverse des propriétés scalaires comme la densité, la composition chimique. Un cristal, par nature anisotrope, peut être isotrope pour certaines propriétés. Ainsi, le sel gemme NaCl et la fluorine CaF2, dont la symétrie est celle du cube, sont isotropes quant aux propriétés optiques, quant à la dilatation thermique. Ils sont anisotropes pour d’autres propriétés, comme les vitesses de croissance, variant avec la direction et responsables des faces planes et des arêtes rectilignes limitant les cristaux, ou comme les propriétés mécaniques et chimiques.

Les figures de corrosion révèlent les différences de propriétés chimiques et la symétrie des faces d’un cristal : ainsi, la fluorine cristallise sous forme de cubes qui, par choc, donnent des faces de clivage parallèles à celles de l’octaèdre régulier. L’attaque du cristal par l’acide sulfurique produit de petites pyramides quadrangulaires, de même orientation, sur une face du cube et de petites pyramides triangulaires sur les faces de clivage (fig. 1 et 2).

Les propriétés vectorielles des cristaux peuvent être rangées en deux catégories. Les unes varient d’une manière continue avec la direction ; c’est le cas de la dilatation thermique, de la conductibilité calorifique, de la vitesse de propagation de la lumière. Les autres, caractéristiques de l’état cristallin, varient avec la direction d’une manière discontinue. Elles se traduisent par l’existence de directions de droites et de plans possédant des propriétés particulières, alors que les directions voisines ne les possèdent à aucun degré.

Telles sont les faces planes, les arêtes rectilignes qui limitent si remarquablement les cristaux. Il en résulte la première loi de la cristallographie, dite loi de constance des angles, énoncée par Jean-Baptiste Romé de L’Isle (1736-1790) en 1783 : les angles dièdres que font entre elles les faces naturelles d’un cristal sont constants pour une même espèce.

Remarquons que cette loi ne fait intervenir que les directions des faces et non leurs dimensions, car la croissance d’un cristal peut être gênée par le milieu extérieur. Ainsi, les cristaux de quartz peuvent apparaître très différents ; cependant, les faces qui les limitent sont toujours parallèles à celles d’un prisme hexagonal régulier avec des angles de 120° et à celles de deux pyramides hexagonales, régulières, les faces du prisme faisant un angle de 141° 47′ avec celles de la pyramide.

L’anisotropie discontinue se manifeste aussi dans la cohésion mécanique, par les plans de clivage, de direction parfaitement définie du milieu cristallin que suit la cassure par choc, ou par les figures de choc, figures étoilées qui s’obtiennent par le choc d’une pointe émoussée sur une face du cristal.