Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

corps intermédiaire (suite)

Ainsi défini, n’importe quel groupement peut constituer un corps intermédiaire, depuis le petit groupe le plus informel jusqu’à la nation, qui peut, elle aussi, être considérée comme un groupe intermédiaire entre les personnes ou les collectivités plus restreintes et les communautés plurinationales qui sont en train de s’édifier. Dans cette acception lato sensu, il est bien difficile de refuser a priori à une collectivité quelconque le titre de corps intermédiaire. Intermédiaire, elle le sera ou non selon qu’elle parviendra ou non à « être », c’est-à-dire à acquérir une consistance propre et une originalité, tout en demeurant ouverte aux individus et aux ensembles entre lesquels elle accomplit sa fonction médiatrice.

Mais il existe une seconde acception plus étroite, qui a souvent prévalu, où la médiation envisagée s’instaure essentiellement entre le particulier et l’État, et non plus entre la personne et la communauté humaine. La préoccupation est ici celle d’une institution visant au niveau des rapports juridiques à établir une articulation entre les droits des particuliers et les droits de la collectivité organisée dans son appareil étatique. Dans cette dernière perspective, il arrivera souvent qu’on réserve la qualité de corps intermédiaire non à des groupes spontanés, mais à des institutions créées par voie d’autorité pour assurer une coopération entre les acteurs sociaux et un dialogue entre le « public » et le « privé ». Les institutions publiques ou « semi-publiques » où se règlent les rapports entre les différents partenaires seront alors considérées comme les plus représentatives de la notion de corps intermédiaires.


La place des corps intermédiaires dans la doctrine du mouvement catholique social

C’est probablement au sein du mouvement catholique social que la notion de corps intermédiaire a connu ses plus fervents défenseurs, sans pour autant que tous lui donnent le même contenu. (V. catholicisme social.) Traditionalistes et libéraux, corporatistes et démocrates ont éprouvé pendant longtemps une certaine difficulté à discerner les clivages qui sur ce point les séparaient. Il semble toutefois qu’une clarification décisive ait été apportée par Pie XI en 1931 dans l’encyclique Quadragesimo anno, les positions prises par la suite, notamment par Jean XXIII dans Mater et magistra, et dans Pacem in terris n’ayant constitué qu’un développement des principes énoncés par Pie XI. « Par suite de l’évolution des conditions sociales, déclare ce dernier, bien des choses que l’on demandait jadis à des associations de moindre envergure ne peuvent plus être remplies que par de puissantes collectivités. » Autrement dit, le souverain pontife invite ses lecteurs à ne pas avoir de la vie sociale une représentation figée, et il leur demande d’évaluer les possibilités de chaque groupe en tenant compte du contexte historique dans lequel il se situe. Puis il définit le principe qui doit permettre, à partir de cette juste évaluation, de respecter l’originalité de chaque groupe et de faciliter son ouverture et son insertion dans un jeu social plus complexe. « Il n’en reste pas moins, précise Pie XI, qu’on ne saurait ni changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale : de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber.

« Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle, parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, selon que le comportent les circonstances ou l’exige la nécessité. »

Nous voyons transparaître ici la double préoccupation de garantir le libre développement des virtualités et de la spontanéité créatrice de chacun et de maintenir chacun dans des rôles spécifiques pour qu’il soit fidèle à lui-même et respectueux des autres. Ce que Pie XI redoute, c’est tout à la fois la confusion et le vide institutionnel entre l’État et l’individu. Ce qu’il prône, c’est une vie sociale et politique organisée en paliers, chaque sujet individuel ou collectif jouant un rôle spécifique, articulé sur d’autres rôles. Dans ce jeu de rôles différenciés, les impérialismes et les totalitarismes peuvent être plus facilement jugulés, et l’on se donne plus de chances pour dépasser les conflits de façon raisonnable et concertée.

En définitive, tout en reconnaissant l’extrême diversité des corps intermédiaires, il paraît possible de les classer en deux grandes catégories : d’une part des groupes de fait ou des groupes volontaires qui expriment et prennent en charge les besoins, qui formulent aussi les propositions ou les revendications de la base. D’autre part des organisations et des institutions à caractère public ou semi-public qui agissent comme organismes d’étude et de conseil, ou qui se trouvent chargées de l’application d’une politique et qui gèrent à cette fin un certain nombre de services. Mais les uns et les autres ne légitimeront leur appellation que s’ils parviennent à travailler en étroite complémentarité et à assurer leurs communications internes et leur ouverture aux autres.

H. T.

corps pur

Corps qui ne peut être fractionné en parties de propriétés différentes par aucune des méthodes de l’analyse* immédiate.