Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alcools et dérivés fonctionnels (suite)

Dans une colonne à distiller, on cherche à établir un contre-courant continu entre le vin alcoolique et les vapeurs, à l’intérieur d’un grand cylindre vertical. Les vapeurs se chargent progressivement en alcool, tandis que le vin s’épuise pour sortir désalcoolisé à la base de l’appareil. Le contre-courant vin-vapeur doit, pour favoriser les échanges, assurer un contact aussi poussé que possible entre les deux phases. On réalise ce contact, par exemple, en disposant dans la colonne des étages, ou « plateaux », sur lesquels le vin s’écoule méthodiquement par gravité. Les vapeurs viennent barboter dans le liquide grâce à des perforations prévues dans les plateaux ou à des tubulures coiffées de calottes, qui les rabattent. Ces colonnes à plateaux et à barbotage des vapeurs sont les plus courantes. Plus rarement, on obtient le contact liquide-vapeur en pulvérisant le liquide (colonnes à pluie) ou en le divisant sur de grandes surfaces (colonnes à garnissage).

Naturellement, lorsqu’on doit distiller des vins épais, c’est-à-dire contenant des matières en suspension (matières amylacées ou sucrées simplement foulées), il faut concevoir des colonnes inobstruables pour éviter tout engorgement.

Les vapeurs contenant l’alcool peuvent traverser des plateaux de concentration au-dessus de l’entrée du vin, ce qui permet de remonter leur degré alcoolique avant atteinte du condenseur réfrigérant.

L’alcool distillé, obtenu par un alambic ou une colonne, prend le nom de flegme si son goût et son odeur ne permettent pas sa consommation (betteraves, mélasses, etc.) ou le nom d’eau-de-vie si ses qualités organoleptiques le rendent consommable.

Pour certains usages, le flegme, ou alcool industriel, doit être rectifié, car c’est un produit relativement impur, contenant les substances volatiles du vin qui passent avec l’alcool.

La rectification s’opère alors dans une suite de colonnes permettant de séparer de l’alcool proprement dit les impuretés de tête et les impuretés de queue. Cet alcool prend alors le nom d’alcool rectifié, d’alcool extra-neutre ou d’alcool surfin, suivant son degré de pureté.

Quant à l’alcool absolu, c’est-à-dire titrant 100° G. L., on a vu qu’on ne pouvait l’obtenir que par des distillations spéciales, notamment en présence de corps très avides d’eau (glycérine, sels) ou en présence d’entraîneurs azéotropiques d’eau.


Fabrication de l’alcool de synthèse

L’alcool éthylique peut également être préparé par synthèse chimique à partir de divers carbures. En principe, on peut utiliser soit des carbures saturés, soit des carbures éthyléniques, soit des carbures acétyléniques, mais les méthodes les plus courantes mettent en œuvre l’éthylène. L’acétylène traité en milieu acide en présence de sels de mercure comme catalyseurs s’hydrate pour donner l’aldéhyde éthylique, qui, à son tour, hydrogéné sur catalyseur (nickel divisé), donne l’alcool éthylique (procédé La Lonza, à Viège). Cette préparation trop coûteuse a été abandonnée.

Actuellement, c’est l’éthylène qui sert généralement de matière première. Ce gaz est présent dans les gaz de fours à coke et surtout dans les gaz de cracking des pétroles.

L’éthylène est absorbé par l’acide sulfurique pour former le sulfate acide d’éthyle. Dans un deuxième temps, ce sulfate acide d’éthyle est hydrolysé pour donner l’alcool éthylique et régénérer l’acide sulfurique. Au total, donc, l’opération revient à fixer une molécule d’eau sur une molécule d’éthylène.

L’hydratation directe de l’éthylène, mise au point aux États-Unis, est favorisée par une pression élevée et un catalyseur à base d’alumine.

De nombreux pays ont installé des usines de synthèse de l’alcool à partir de l’éthylène. Aux États-Unis, on l’utilise depuis 1930. L’U. R. S. S., le Danemark, la Grande-Bretagne et l’Allemagne préparent aussi de l’alcool de synthèse. La première usine française du genre a été mise en route fin 1968 à Lillebonne.


Organisation administrative de l’alcool en France

L’organisation administrative française est caractérisée par un contrôle sévère de la production et un contrôle fiscal de tous les produits contenant de l’alcool. Pendant la seconde moitié du xixe s., la production fut affectée par les crises viticoles dues à l’oïdium (1854) et au phylloxéra (1874). Dans le même temps, les demandes croissantes de l’industrie chimique naissante provoquèrent la fabrication d’alcool à partir de matières nouvelles comme les betteraves ou les grains. À la veille de la Première Guerre mondiale, on produisait en France plus de 3 Mhl d’alcool par an, dont plus de la moitié provenait de la betterave. Les hostilités entraînèrent la destruction de beaucoup de distilleries, si bien que le Service des poudres, devant les difficultés d’approvisionner les poudreries en alcool, organisa un Service des alcools chargé de réquisitionner et d’organiser la production. Ce service fut maintenu après les hostilités. Il continua à administrer le commerce des alcools industriels et à stocker les surproductions. En 1935, le Service des alcools fut réorganisé et assisté d’un Conseil supérieur des alcools.

Ce Service est obligatoirement le destinataire des alcools industriels, appelés encore alcools d’État. Il reçoit tous les alcools qui n’ont pas le caractère d’eaux-de-vie. Il les achète aux producteurs suivant un prix fixé tous les ans par décret et qui tient compte de la matière première mise en œuvre, de la qualité et de considérations économiques. Chaque distillateur dispose d’un contingent, c’est-à-dire d’une quantité dont l’achat lui est garanti aux conditions fixées. Si sa production dépasse le contingent qui lui est alloué, l’excédent est payé à un prix très inférieur, ce qui limite les surproductions.

En contrepartie, le Service des alcools vend aux utilisateurs les alcools qu’il a acquis obligatoirement. Le prix de vente est fonction non seulement de la qualité, mais aussi de l’usage auquel l’alcool est destiné. Signalons que, pour certains emplois, il faut obligatoirement employer de l’alcool d’État rétrocédé par le Service des alcools, comme, par exemple, pour la parfumerie, les vinages et mutages, la préparation de produits médicamenteux, etc.