Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Devant le désaccord persistant entre représentants soviétiques et américains et les projets d’élection générale contrôlée par l’O. N. U., l’équipe au pouvoir dans le nord de la Corée convoque (avr. 1948) une Assemblée populaire de la Corée du Nord. Il faut noter qu’une quarantaine de représentants de la zone sud participent à ces travaux, où est discuté un projet de constitution. Des élections générales se déroulent au mois d’août (taux de participation : 99,97 p. 100). Les députés, réunis du 2 au 10 septembre 1948, ratifient la Constitution et proclament la république démocratique de Corée. Le 12 octobre, celle-ci est reconnue par l’U. R. S. S., puis par les pays de l’Europe de l’Est.


La mise en place du régime

Une des premières tâches de cette nouvelle assemblée est d’établir un plan de deux ans. Celui-ci n’est en fait que, d’une part, la continuation de la politique économique suivie jusqu’alors (remise en marche de l’industrie lourde, accroissement de la production d’acier et de charbon, industrie chimique, développement des productions céréalières par l’accroissement des rendements et des surfaces cultivées) et, d’autre part, l’application des grandes réformes. L’Union soviétique s’engageant à fournir une aide technique et financière, ce plan, qui instaure un nouvel ordre économique, réussit pour une bonne part. Une partie de l’industrie lourde semble avoir été orientée vers une production de guerre.

Le conflit allait éclater le 25 juin 1950 entre les deux Corées, après que les troupes nord-coréennes eurent franchi le 38e parallèle. (V. texte spécial.)

Cette guerre, qui ne devait cesser que plus de trois ans après son déclenchement, n’apportera aucun résultat positif à la Corée du Nord. Bien au contraire, une grande partie de l’infrastructure industrielle aura été détruite : la production ne représentera plus, à la fin de l’année 1953, que 10 p. 100 de la production de 1949 pour l’industrie métallurgique, 22 p. 100 pour l’industrie chimique, 11 p. 100 pour la production de charbon. De nombreuses terres seront rendues inutilisables par suite des bombardements.

Dès la fin de la guerre, Kim Il-sŏng trace les grandes lignes de la reconstruction économique du pays : un an à un an et demi de remise en route, puis un plan biennal de reconstruction devrait conduire à retrouver le niveau d’avant-guerre. L’adoption d’une telle politique, qui va peser lourdement sur la population, ne se fait pas sans opposition. Des purges ont lieu, dont sont principalement victimes les hommes se rattachant au groupe dit « yenanais » (c’est-à-dire ceux qui ont été proches de Mao Zedong [Mao Tsö-tong] avant 1945). Cette politique d’élimination des « éléments sectaires antiparti » permet à Kim Il-sŏng de faire triompher son point de vue, l’accent étant mis sur l’industrie lourde. À la fin de l’année 1956, le niveau de 1949 était largement dépassé.

Un plan quinquennal suit, proposé en 1956 pour 1957-1961. Sa mise en route est assez difficile. Durant l’été 1956, Kim Il-sŏng va en Union soviétique et dans les pays d’Europe de l’Est pour demander une aide technique, nécessaire pour ce plan quinquennal. Pendant ce temps, l’opposition à la politique de Kim Il-sŏng, qui s’est déjà manifestée au IIIe congrès du Parti du travail (c’est-à-dire du parti communiste de Corée du Nord, né de la fusion, en 1940, du parti communiste avec le parti néo-démocratique), dénonce le despotisme de Kim Il-sŏng, sa politique antidémocratique et le culte de la personnalité dont il est l’objet. Kim Il-sŏng contre-attaque dès son retour et fait exclure tous ses adversaires du parti, notamment Kim Du-pong, président de l’Assemblée, Pak I-wan et O Ki-seup, membres importants du Comité central. À la suite de purges de style stalinien, beaucoup seront éliminés physiquement. Au cours de l’année 1958, Kim Il-sŏng prononce de nombreux discours pour expliquer le contenu du plan quinquennal et mettre en garde ceux qui, par leurs actes, saboteraient les réalisations en cours et attenteraient à l’unité du parti. C’est également pour la réalisation de ce plan qu’est lancé le mouvement c’ŏn-li-ma (tcheullima). Cette expression, empruntée à une plus que millénaire légende chinoise, désigne un cheval capable de parcourir plus de 1 000 li (un li = 450 m) en une journée ; ce cheval, dont une statue gigantesque domine la ville de Kä-sŏng (ou Kae-song), symbolise la vitesse fulgurante avec laquelle l’édification socialiste doit être réalisée. Chaque usine possède son équipe c’ŏn-li-ma, chacune voulant surpasser les autres. De même à la campagne.

Lors du IVe congrès du Parti du travail, Kim Il-sŏng présente un bilan positif du plan quinquennal et propose un nouveau plan, septennal celui-là. Il sera, en fait, décennal. Les premiers résultats en ont été publiés lors du Ve congrès du Parti du travail (nov. 1970) qui a réélu Kim Il-sŏng à la tête du parti. Bien que la production par tète d’habitant ne dépasse pas, comme l’avait souhaité Kim Il-sŏng, la production japonaise, les résultats sont importants.

La prolongation du plan septennal peut s’expliquer en partie par la détérioration des rapports entre la Corée et ses deux puissants voisins, la Russie et la Chine. La première semble avoir reproché à la Corée d’avoir suivi de trop près la ligne chinoise. En 1962, la Corée va jusqu’à critiquer le « révisionnisme soviétique ». Cette critique entraîne une suspension de l’aide soviétique pour au moins deux ans. En 1966, les relations s’améliorent, coïncidant cette fois avec une détérioration des relations sino-coréennes. La visite de Zhou Enlai (Tcheou-En-lai) à P’yŏng-yang en avril 1970, qui succède à la visite d’une délégation coréenne à Pékin, et le retour de l’ambassadeur de Corée du Nord à Pékin après plus de deux ans d’absence rapprochent les deux pays. Il est vrai que la lutte contre l’« impérialisme américain », que des incidents comme celui du navire Pueblo (janv. 1968) ne font que renforcer, ainsi que contre la « réaction et le militarisme japonais » fournit un bon terrain d’entente.