Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cook (James) (suite)

La fin de Cook

Les rapports ambigus entre les Anglais et les insulaires, marqués par la succession de fêtes de bienvenue, de larcins et de petites représailles, expliquent la fin tragique de Cook, qui n’a pas été, loin de là, une innocente victime des « sauvages ». Cook a d’abord de fort bons rapports avec les Hawaiiens. L’Anglais est même déifié et fait l’objet de nombreuses offrandes. Cochons de lait, fruits et légumes sont d’ailleurs accueillis avec grande faveur par les navigateurs, très désireux de se « refaire » après leur long périple. Les ressources des insulaires sont toutefois limitées, et, comme le note le capitaine James King, historiographe du voyage, « nous étions depuis seize jours seulement dans la baie ; et si l’on songe à la quantité de cochons et de végétaux que nous consommions, on ne sera pas surpris qu’ils [les indigènes] désirassent notre départ ». Ces hôtes devenus bien encombrants quittent enfin l’île le 4 février 1779. Un coup de vent démâte le Resolution, et les Anglais sont de retour sur la baie de Kealakekua dès le 11 pour réparer le navire. Les indigènes, consternés par le retour des affamés, ne sont plus très aimables. À la suite d’un larcin, une pirogue est saisie. Une première rixe en résulte. Puis, dans la nuit du 14 février, une chaloupe du Discovery est volée. Cook décide alors de prendre les chefs locaux comme otages jusqu’à la restitution de l’embarcation. Une petite expédition, avec neuf soldats de marine, est tentée pour ramener des prisonniers. Cook parvient sans difficulté à la résidence du roi local, qui accepte d’abord de suivre l’Anglais. Mais l’une de ses épouses, puis deux notables, perspicaces, retiennent le chef in extremis, ameutant les Hawaiiens des environs. Cook semble alors renoncer à son projet et cherche à regagner sa chaloupe. Depuis les canots anglais, on tire alors sur les pirogues indigènes des environs, peut-être pour couvrir le départ du chef de l’expédition : un chef indigène est tué, ce qui multiplie les clameurs contre le petit groupe d’Anglais, qui sont lapidés. Cook abat alors lui-même un Hawaiien, dont les compagnons se lancent à l’assaut : quatre marins sont tués. Au moment d’embarquer, Cook est poignardé par-derrière. Son corps, toujours sacré, est dépecé et partagé entre divers secteurs de l’île ; mais, dès le soir du 15, deux sorciers restituent un gros morceau de chair. Des représailles sont faites le lendemain par les Anglais. Un village est incendié. Un chef hawaiien vient alors rendre la tête, les bras et les jambes du capitaine anglais. On jette cérémonieusement à la mer les vestiges de celui qui avait été, selon Dumont d’Urville, « le navigateur le plus illustre des siècles passés et futurs ».

S. L.

 Ö. Olsen, la Conquête de la Terre, t. IV et V (trad. du norvégien, Payot, 1936). / J. A. Williamson, Cook and the Opening of the Pacific (Londres, 1946). / F. Riesenberg, la Découverte du Pacifique (Amiot-Dumont, 1953).

Cooper (Fenimore)

Écrivain américain (Burlington, New Jersey, 1789 - Cooperstown, New York, 1851).


Le xxe s. a tendance à considérer Cooper comme un auteur de romans d’aventures pour la jeunesse. Celui-ci est pourtant l’inventeur du roman américain, le premier qui fait entrer l’Amérique dans le roman, avec ses paysages du Far West, avec ses Indiens et ses trappeurs, avec son histoire et sa mythologie. James Fenimore Cooper est né de bonne famille. Son père, juge et propriétaire, a fondé sur le lac Otsego la ville qui porte son nom, Cooperstown, décrite dans les Pionniers. Après des études à Yale, Cooper devient officier de marine pour trois ans. Par son mariage avec Susan de Lancey, il confirme qu’il appartient à la classe dirigeante. Gentleman-farmer, conservateur, il appartient à la bonne société des grands colons qui se sont soulevés contre le roi d’Angleterre parce qu’ils se savent promis au gouvernement des masses. Homme d’ordre, il s’intéresse d’abord à la Prairie pour des raisons politiques : il ne veut pas qu’on distribue les terres de l’Ouest aux petits colons qui les défrichent. Il préfère qu’on les rassemble en grands domaines, fondement d’une aristocratie foncière, garant de l’ordre social. Cette idéologie politique s’exprime dans ses romans.

Par hasard, à la suite d’un pari, Cooper écrit en 1820 un roman à la manière sentimentale de Richardson, Precaution, moins roman américain que pastiche de roman anglais. Pris au jeu, en 1821, dans The Spy (l’Espion), il met en scène un épisode de la guerre d’Indépendance. Le roman américain est né. Très influencé par la vogue du roman Waverley, Cooper est un Walter Scott américain, qui a remplacé les Borders d’Écosse par le Far West. En 1823, il récidive pour prouver sa supériorité sur Scott : The Pilot, puis The Pioneers (les Pionniers), suivis en 1826 de The Last of the Mohicans (le Dernier des Mohicans). En 1827, il achève la Prairie à Paris, où il est reçu en triomphe. De 1826 à 1833, il vit en Europe, conscient de représenter son pays par ses articles et ses conférences. Quand il rentre en Amérique, en 1833, il dénonce la distribution des terres aux pionniers immigrants et l’évolution vers une démocratie industrielle qui sape les hiérarchies et les ressources naturelles. Ses attaques, ses procès contre la presse et les immigrants lui font une réputation de réactionnaire qui nuit à sa popularité. Cooper meurt en 1851, brouillé avec la démocratie américaine.

Ses romans les plus célèbres forment le cycle de « Bas-de-Cuir » (Leatherstocking Tales) : les Pionniers (1823), le Dernier des Mohicans (1826), la Prairie (1827) et deux œuvres plus tardives, The Pathfinder (l’Éclaireur, 1840) et The Deerslayer (le Tueur de daims, 1841). L’unité du cycle tient à la personne de Natty Bumppo, dit « Bas-de-Cuir ». Les romans ne se suivent pas dans l’ordre chronologique, mais retracent la vie de ce trappeur de 1740 à 1806 et commentent les trois bouleversements majeurs : la guerre d’Indépendance, le recul des Indiens, la destruction de la Prairie.