Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Convention nationale

Assemblée constituante française qui fonda la Ire République et gouverna le pays du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV).


La première séance de la Convention, le 21 septembre 1792, est un jour d’incertitude. Dans Paris, comme chaque jour, la foule inquiète envahit les lieux de réunion politique, les sections. On y commente les nouvelles, vraies ou fausses, de la guerre. La discussion continue dans la rue, devant le journal placardé qui parle de disette et de trahison. La nouvelle de la victoire de Valmy n’est pas encore connue ; quand elle le sera, on parlera d’« affaire », non de victoire. Et dans tout ce remuement de peuple, où le maître côtoie le compagnon, le petit-bourgeois l’artisan, l’angoisse renaît. Cette même peur les a poussés à renverser le roi le 10 août, à juger souverainement et à exécuter en septembre les amis des aristocrates. Ils restent prêts à défendre, les armes à la main, le nouveau régime. Quel régime ?


Les débuts de la Convention

Pour les sans-culottes, il faut, comme le dit Marat, « passer l’éponge sur l’ancienne Constitution, garder la Déclaration des droits » et proclamer la république, qui est bien pour eux la chose de tous ; toutes les classes de citoyens doivent concourir à faire la loi. « Il y a longtemps, disent-ils, que le riche fait des lois ; il faut enfin que le pauvre en fasse à son tour et que l’égalité règne entre le riche et le pauvre. » Le suffrage universel est encore imparfaitement appliqué, puisque l’élection à la Convention s’est faite à deux degrés. Même plein et entier, il est insuffisant. Les sans-culottes veulent avoir la possibilité de sanctionner toute loi faite par des députés qui ne sont que leurs mandataires ou leurs commissaires. Bien plus, ils estiment que, tant que durent les dangers de la patrie, « le peuple se trouve naturellement ressaisi de l’exercice de la souveraine surveillance [...] » et que, « dans chaque département, il doit faire les lois locales ». Ceux-ci écartés, les députés reprennent leur rôle, mais ils doivent appliquer strictement les mandats impératifs qu’ils ont reçus, subir le contrôle et, au besoin, la révocation du peuple souverain.

Tous les députés de la Convention rejettent comme « paralysante » cette démocratie directe. Ils s’accordent à penser que le peuple n’a pas une maturité politique suffisante pour prendre ainsi la direction des affaires publiques. Plus d’un même hésitera à prononcer le mot de république et cherchera à masquer une crainte politique derrière une justification empruntée à J.-J. Rousseau : la république n’est bonne que dans les petits États. Ce n’est que discrètement que le terme apparaît au bas du décret abolissant la royauté, le 21 septembre 1792. J. P. Brissot se fera le porte-parole de beaucoup de députés quand il regrettera qu’à l’enthousiasme qui fit décréter cette abolition ne se fût pas jointe « une discussion sur la nécessité, sur la possibilité du gouvernement républicain en France ». Le 24 octobre, le calendrier républicain fut institué par la Convention nationale, l’année I de l’ère républicaine partant du 22 septembre 1792.

Mais cette république que les députés proclameront « une et indivisible » satisfera-t-elle les aspirations sociales des défavorisés ? Là encore, des contradictions entre sans-culottes et certains bourgeois surgit l’inquiétude. Les premiers estiment que l’État doit intervenir pour assurer leur droit à l’existence et établir l’« égalité des jouissances ». Pour y parvenir, il faut non pas supprimer le droit de propriété, mais le limiter et permettre aux pauvres d’y accéder, nombreux. La défunte Assemblée législative a commencé à répondre à ces vœux. Elle a admis le principe du partage des communaux et celui de la vente des biens des émigrés par lots de petite étendue. Elle a recommandé aux administrations locales de recenser les grains et de les vendre au meilleur prix pour le consommateur. Cependant, la bourgeoisie conteste ces acquisitions maintenant que la terreur populaire qui les avait arrachées s’amoindrit.

Mais c’est la guerre qui conditionne toute la vie des Français. Quand les premières rumeurs de victoire atteindront l’Assemblée, elles la trouveront encore incertaine sur la marche à suivre. Les Français croiront avoir à choisir entre la guerre ou la paix ; en fait, leur destin est scellé ; le combat qu’ils ont commencé à l’intérieur de leurs propres frontières est subversif de tout l’ordre social existant en Europe. Pourtant, certains jugent encore la paix possible et cherchent à isoler l’Autriche de la Prusse. D’autres, plus nombreux, poussent à la conquête. Les patriotes étrangers, dans les clubs, incitent à une guerre de libération des peuples, mais aussi d’annexion : le mythe des frontières naturelles est leur création. Et puis la guerre est affaire de profit.

Presque seul, Robespierre, qui craint qu’un dictateur ne surgisse de l’armée victorieuse, dénonce « l’extravagante idée des missionnaires armées ». C’est cette guerre, avec ses implications politiques et sociales, qui va provoquer les heurts des factions. Sous les regards d’une « Plaine » timorée, les Girondins et les Montagnards s’affrontent très vite.

Dans ces termes géographiques qui qualifient à jamais les deux groupes rivaux, le premier est d’un poète. C’est Lamartine qui nommera, en les amalgamant indûment, 160 députés qui suivirent — souvent mais non pas en toutes circonstances — Brissot et les députés de la Gironde : P. V. Vergniaud, J. F. Ducos, M. E. Guadet. Leur origine sociale avoisine celle des 140 députés qui siègent en haut de l’hémicycle, les Montagnards. Mais, pour la plupart, bourgeois à talent, les causes plaidées comme les amitiés nouées en province les ont rapprochés, plus que les Montagnards, de la bourgeoisie d’affaires. Le critère social n’est pas celui qui, fondamentalement, les distingue ; le cas du Montagnard Danton serait là pour nous le rappeler s’il n’y avait aussi ce libéralisme que l’on retrouve chez certains Montagnards, qui ne forment, pas plus que les Girondins, un groupe homogène.