Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

contrôle général des armées

En France, corps militaire relevant directement du ministre des Armées et chargé, dans tous les organismes militaires ou dans ceux qui sont placés sous la tutelle du ministre, de vérifier l’observation des lois, règlements et décisions ministérielles, de sauvegarder les intérêts du Trésor et les droits des personnes et de proposer toute mesure visant à en améliorer l’efficacité et à en réduire le coût.


Les origines du contrôle se confondent avec celles des armées permanentes. L’édit de 1351 fait apparaître dans l’armée des commissaires du roi pour les guerres, et celui de 1571 l’Office de contrôleur général des galères dans la marine. Ces contrôleurs avaient le pouvoir de procéder à des vérifications inopinées, de noter les abus, de présenter des observations aux autorités locales et de correspondre directement avec le ministre (édits de Colbert de 1674 et 1678). Leur indépendance à l’égard du commandement, renforcée par le fait qu’ils étaient choisis dans la bourgeoisie alors que les chefs militaires étaient issus de la noblesse, contribua efficacement, sous l’Ancien Régime, à affirmer la suprématie du pouvoir royal et finalement de l’État. Corrélativement, mais beaucoup plus récemment, s’est ajouté, au principe de l’indépendance des contrôleurs, un deuxième principe qui leur interdit de participer à l’action. Au cours des siècles, en effet, les fonctions de commandement, de direction et de contrôle furent souvent confondues. Cette situation s’aggrava sous la Révolution et fut même institutionnalisée en 1817, lorsqu’on donna à l’intendance des attributions de contrôle. Reconnaissant aux intendants l’indépendance due aux contrôleurs, on dissocia commandement et administration, ce qui eut les plus fâcheux effets et fut retenu comme l’une des causes des défaites de 1870. La loi de 1882, séparant nettement le contrôle de l’action, soumit l’administration au commandement et garantit l’indépendance du contrôle.

Le troisième principe, également nouveau en 1882, définit le caractère militaire du contrôle. On a jugé que l’appartenance au milieu militaire conférait au contrôle un incomparable facteur de qualité, ses membres, bien au fait des choses militaires, étant, mieux que quiconque, aptes à apprécier les actes sur lesquels ils enquêtaient.

Ces principes ont présidé à la naissance des trois corps de contrôle des armées de terre (loi du 16 mars 1882), de mer (loi du 2 mars 1902) et de l’air (loi du 31 mars 1933). Depuis 1945, l’apparition de l’arme nucléaire fit prendre conscience du fait que les trois armées ne participeraient plus à l’avenir qu’à une seule et même bataille. Pour les placer dès le temps de paix dans le cadre de leur mission, on en vint à réunir en 1961 en un seul ministère des Armées les anciens départements de la guerre, de la marine et de l’air. Les trois directions du contrôle furent alors groupées en une seule Direction du contrôle et de la comptabilité générale des armées. Mais l’étape la plus décisive de la réforme fit l’objet du décret du 16 juillet 1964, qui organisait l’action du contrôle sur une base désormais complètement unifiée, tandis que les trois corps de contrôleurs étaient fusionnés en un seul par la loi du 5 juillet et le décret du 9 décembre 1966.

Ces nouveaux textes garantissent l’indépendance des contrôleurs par une subordination exclusive et directe au ministre ; leur hiérarchie ne comprend que trois grades (contrôleur-adjoint, contrôleur, contrôleur général) sans aucune correspondance avec ceux des divers corps d’officiers ; le déroulement de leur carrière ne relève que du ministre.

Le recrutement des contrôleurs, organisé par la direction du corps, a lieu par voie de concours ; outre les officiers en activité âgés de 34 à 43 ans, peuvent être admis dans la proportion de un sur cinq les officiers de réserve appartenant à l’un des corps civils recrutés par l’École nationale d’administration ou titulaires de deux licences, dont celle de sciences économiques.

L’activité classique du contrôle s’exerce sous les deux formes traditionnelles du contrôle a priori et du contrôle a posteriori. Auprès des entreprises industrielles placées sous la tutelle du ministre (industrie aérospatiale, poudres, etc.) ou titulaires de marchés d’armement importants (électronique, mécanique, etc.), des contrôleurs sont désignés comme commissaires du gouvernement. Ils exercent également les fonctions d’inspecteur du travail dans les établissements militaires.

Le vaste champ d’action qui leur est ouvert fait acquérir aux contrôleurs des armées une expérience qui, s’ajoutant à leur niveau de culture, les qualifie pour effectuer des études qui les associent à la préparation des grandes décisions et à l’élaboration des programmes engageant l’avenir des armées. Par ailleurs, la réforme de 1966 a élargi les horizons des membres du corps de contrôle, non seulement en donnant plus d’importance aux activités spéculatives qui les mettent en rapport avec les instances où se discutent à l’échelon national les grands problèmes d’économie, d’administration ou d’organisation, mais également en étendant leur relation avec les grands corps civils de l’État, particulièrement avec la Cour des comptes.

Dans la pratique, les contrôleurs des armées, à quelque échelon que portent leurs investigations, disposent de la plus grande liberté d’action. Ils peuvent arriver à l’improviste, ne sont pas tenus de faire connaître l’objet de leur mission et peuvent consulter tout document et interroger toute personne qu’ils désirent entendre. Ils emploient souvent la procédure écrite afin de souligner le caractère contradictoire de leurs enquêtes. Toutefois, cette liberté trouve sa limite dans l’impossibilité pour eux d’exercer une action directe sur la direction, le commandement ou l’exécution du service, ce qui déplacerait les responsabilités. D’autre part, les personnes qui ont eu à fournir des renseignements à un contrôleur ont la certitude que ceux-ci ne seront utilisés qu’à l’information personnelle, exclusive et confidentielle du ministre (c’est ainsi que les rapports de contrôle n’appartiennent jamais à leurs auteurs mais au ministre seul). Quant au contrôle préventif, il n’est exercé qu’à l’administration centrale du ministère des Armées et dans les ports de guerre où existe un contrôleur résident. Il n’est pas général mais au contraire sélectif et s’exerce dans des domaines limités, définis par le ministre, en raison de leur importance ou des problèmes qu’ils posent. Les dossiers sont présentés au contrôle au dernier stade de leur élaboration par les autorités ayant pouvoir de décision.