Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Contre-Réforme (suite)

Mais l’ordre nouveau qui va acquérir une importance exceptionnelle est celui des Jésuites*. Son fondateur, saint Ignace* de Loyola, est un noble basque, officier espagnol. Une blessure reçue en 1521 est l’occasion de sa conversion. Après une retraite chez les Dominicains de Manresa, un pèlerinage en Terre sainte et des études théologiques à Paris, il fonde avec quelques disciples la Compagnie de Jésus, que Paul III approuve en 1540. L’ordre ainsi organisé avec une discipline quasi militaire va fournir à la papauté ses meilleurs soldats.

Du côté du clergé séculier, on trouve aussi quelques précurseurs, tel cet étonnant Gian Matteo Giberti (1495-1543), évêque de Vérone, qu’on a appelé le modèle de la réforme tridentine et qui donne, dans ses Constitutiones et Monitiones, un exemple de ce que devait être la pastorale épiscopale.

À Rome même, le climat change avec l’avènement du pape Paul III (1534-1549), qui est pourtant un homme de la Renaissance, mais qui a compris l’urgence des réformes. Il appelle au Sacré Collège des prélats réformateurs et convoque enfin à Trente*, en 1545, le concile tant attendu. Avant cette convocation, il a réorganisé l’Inquisition (1542) dans le but de lutter contre l’hérésie. Toute l’Italie, sauf Venise, accepte sa juridiction, qui a vite fait d’étouffer les quelques foyers hérétiques de la péninsule. Dès 1543, la congrégation de l’Index surveille l’impression de tous les livres en Italie.

Le concile de Trente, qui se tient de 1545 à 1563, donne enfin à l’Église son armature doctrinale et disciplinaire. Toutefois, il ne réalise pas son but premier, qui est la restauration de l’unité, et l’Occident chrétien reste divisé. La grande habileté de Rome est d’accepter, sous Pie IV (bulle Benedictus Deus et Pater), immédiatement et en son entier, les décisions prises à Trente, même parfois contre la volonté des papes, Ainsi la papauté, en consacrant ce qu’elle n’a pas toujours voulu, trouve son autorité renforcée à la vieille source conciliaire ; forte du consensus universel, elle pourra imposer les décrets de réforme. Par la prise en charge de leur application, la papauté impose sa monarchie spirituelle dans la définition neuve d’une « catholicité moderne ».


L’entreprise de rénovation après Trente

Pie IV (1559-1565), le pape de la fin du concile, dans le peu de temps qui lui reste à vivre, s’efforce de faire appliquer les décisions prises à Trente. Mais l’essentiel de son action reste l’appui qu’il accorde à son neveu, saint Charles Borromée (1538-1584), archevêque de Milan, qui dans l’espace de dix-neuf ans (1566-1584) réforme complètement son diocèse suivant les normes tridentines et dont l’action et les écrits serviront d’exemple à tous les prélats réformateurs de la chrétienté. Charles contrôle lui-même son diocèse par de fréquentes visites pastorales, par des synodes diocésains et des conciles provinciaux. Il travaille à la réforme des monastères en rétablissant une clôture stricte. Il restaure la vertu et la discipline ecclésiastiques au moyen de séminaires (six à Milan) et de collèges. Pour l’aider dans sa tâche, il recourt à des religieux, jésuites, barnabites et théatins. En outre, son influence déborde son diocèse de Milan ; le Saint-Siège le nomme visiteur et il peut ainsi réformer des régions entières d’Italie. D’autres prélats l’imiteront, dont le cardinal Hosius en Pologne, et au Portugal l’archevêque de Braga, Barthélemy des Martyrs.

C’est avec le successeur de Pie IV, le dominicain saint Pie* V (1566-1572), un ancien inquisiteur, célèbre par la simplicité de ses mœurs, que la papauté devient l’organe moteur de la réforme catholique. Pie V édicté en 1566 un catéchisme romain qui sera la base de l’activité catéchétique du clergé paroissial et qu’on traduira en plusieurs langues européennes. Pour les autres livres liturgiques, tels le missel et le bréviaire, le pape s’efforce d’imposer une pratique uniforme dans la chrétienté.

Pie V veille particulièrement à la résidence des évêques ; il s’attaque à la vénalité de nombreux offices, à la commende, si désastreuse pour la discipline ecclésiastique ; en outre, il fait des choix épiscopaux irréprochables. Il s’emploie aussi à rétablir la police des mœurs dans la Ville éternelle, où l’immoralité publique, de règle durant toute la Renaissance, est si durement réprimée qu’un ambassadeur vénitien pourra dire que Pie V a transformé Rome en un cloître.

Son successeur, Grégoire XIII (1572-1585), continue l’œuvre de réforme avec plus de modération. Juriste célèbre, il s’emploie à réviser le recueil de droit canon et à en donner une version officielle. Savant, il encourage les sciences et réforme le calendrier julien. Mais Grégoire XIII se préoccupe particulièrement de la formation intellectuelle du clergé. Il décide que le Saint-Siège se chargera lui-même de la fondation des séminaires. Il fait du Collège romain (l’université grégorienne) le collège de toutes les nations, où enseignent d’excellents professeurs, tels François Tolet (Francisco de Toledo) et Robert Bellarmin. Il restaure le Collège germanique, qu’il charge de former de jeunes nobles aux grandes charges ecclésiastiques afin de renouveler progressivement le haut clergé allemand. Il fonde aussi des séminaires pontificaux en Allemagne pour pallier l’indifférence des évêques : Vienne (1574), Graz (1578), Fulda (1584), Dillingen (1585). Il en fonde aussi en Transylvanie, en Bohême, en Lituanie, en Dalmatie, etc. Toute cette œuvre s’appuie sur l’action des Jésuites, qui deviennent les grands enseignants du temps et comptent déjà 5 000 membres groupés en 110 maisons et en 21 provinces. En outre, afin de ne nommer à l’épiscopat que des sujets irréprochables, le pape institue la Sacrée Congrégation des évêques.

Sixte V (1585-1590) est un vieillard énergique qui poursuit l’œuvre de rénovation interne de l’Église. Il réforme entièrement l’administration de l’Église pour lui donner plus de souplesse et d’efficacité. Il crée des organismes centralisés en instituant, en 1588, quinze congrégations romaines qui se partagent les affaires civiles et ecclésiastiques : comme, par exemple, la congrégation des Rites pour la liturgie ; celle des Études pour les séminaires ; celle des Réguliers pour les questions concernant les ordres religieux... Il réforme le Sacré Collège en fixant le nombre de ses membres à 70 et les règles précises concernant l’âge et les qualités requises pour accéder à la pourpre. Infatigable, le pape remet de l’ordre dans les États pontificaux en réprimant les excès des féodaux. Pour combattre l’anarchie, il n’hésite pas à faire tomber des têtes. Sixte V est moins heureux dans une autre initiative : la création de l’imprimerie du Vatican pour faire éditer, suivant les décisions du concile de Trente, le texte officiel et liturgique de l’Écriture, la Vulgate. Le texte, établi trop hâtivement, ne satisfera personne, et une nouvelle édition plus appropriée paraîtra sous Clément VIII (1592-1605), le dernier grand pape réformateur du siècle.