Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

construction navale (suite)

Dans la marine de guerre, d’autres facteurs sont intervenus pour la transformation des navires, comme l’évolution des armes et des méthodes de combat naval. Les anciens vaisseaux de haut-bord en bois et à voiles ont fait place aux navires en fer et à éperon, puis aux cuirassés et croiseurs à tourelles blindées, en acier et à hélice, au franc-bord réduit et à l’armement puissant. D’autre part, les premiers torpilleurs sont construits en 1875 par l’Anglais John Isaac Thornicroft (1843-1928), suivi en France par Jacques Augustin Normand (1839-1906), qui se spécialise dans leur construction. Enfin, le premier véritable sous-marin est le Gymnote (1888), dû à Gustave Zédé (1825-1891).

Dans la marine marchande, encore peu développée au début du siècle, les « cargos » en fer, puis en acier et à hélice remplacent les navires de charge en bois et à voiles, dont les « clippers » américains avaient marqué l’apogée. Les grands paquebots de ligne sont nés, et leur développement va s’accélérer au début du nouveau siècle.


Transformation des chantiers et arsenaux

Les établissements primitifs s’étaient installés généralement sur les fleuves, ce qui permettait le transport du bois par flottage, et souvent à l’intérieur des terres, hors de portée de canon des vaisseaux, comme à Rouen, à Nantes, à Rochefort, à Bordeaux. L’outillage important exigé par la construction en fer ainsi que l’étendue nécessaire pour monter des navires plus longs entraînent la disparition de nombreuses affaires artisanales. De nouveaux chantiers, plus industrialisés et disposant de plus vastes espaces, sont créés près des grands ports de mer, comme au Havre, à Saint-Nazaire, à La Ciotat, à La Seyne, où les grands navires peuvent être plus facilement construits.

L’emplacement des sources de matières premières intervient aussi dans le déplacement des établissements. Par exemple, en Grande-Bretagne, les industries navales, établies primitivement dans les estuaires du Sud, là où le bois pouvait être facilement trouvé ou amené, s’installent sur les fleuves navigables du Nord (Tyne, Wear, Clyde, etc.), près des mines de charbon et de fer. Dans les arsenaux et les chantiers, des activités traditionnelles comme la charpente en bois, la voilerie et la corderie régressent, pendant que de nouvelles apparaissent : charpente en fer, chaudronnerie, mécanique, etc. En France, les premières machines de navires sont importées de Grande-Bretagne, mais la construction des appareils moteurs se développe rapidement, soit dans des ateliers établis dans les chantiers, soit dans des entreprises indépendantes : Établissement d’Indret (1828), Ateliers Mazeline au Havre (1840), Établissements Schneider au Creusot, qui livrent en 1840 leur première machine marine.


La construction navale au xxe siècle

Le début du xxe s. voit l’augmentation considérable des dimensions et de la vitesse des navires. La course aux armements militaires et commerciaux se développe.

• Devant la menace des torpilles, la marine de guerre s’oriente vers le combat à distance. Les vaisseaux de ligne construits sont de véritables forteresses flottantes, allant du Dreadnought (1906), de 18 000 t de déplacement, au Hood (1918), de 42 000 t et filant 32 nœuds. La vitesse des unités légères s’accroît également, et les torpilleurs atteindront 45 nœuds. La construction de sous-marins se développe rapidement, notamment en France sous l’impulsion de l’ingénieur Maxime Laubeuf (1864-1939), qui crée en 1899 le premier sous-marin véritablement autonome, le Narval, pourvu de deux appareils moteurs, l’un pour la navigation en surface et l’autre pour la navigation en plongée.

Après la Première Guerre mondiale, les Alliés signent le traité de Washington (1922), qui limite à 35 000 t le déplacement des cuirassés et à 10 000 t celui des autres navires. La course aux armements reprendra cependant à l’expiration de ce traité (1936), et certains navires atteindront des dimensions considérables, comme le cuirassé japonais le Yamato, de 72 000 t de déplacement.

• Dans la marine marchande, la concurrence effrénée des armements amène, surtout sur l’Atlantique Nord, le développement spectaculaire des paquebots par l’augmentation des vitesses (lutte pour le ruban bleu), puis par l’agrandissement de la taille et de la capacité des navires. Des unités quasi légendaires jalonnent cette évolution, depuis le paquebot allemand Deutschland (1900), de 16 000 tonneaux et filant 23 nœuds, jusqu’à la Normandie, mise en service en 1935, jaugeant 83 000 tonneaux et filant 31,2 nœuds, surpassant tous les navires de commerce construits avant elle. De caractéristiques très voisines, le paquebot britannique Queen Mary atteint une vitesse de 31,7 nœuds, mais avec une puissance plus élevée. Pendant cette même période, dimensions et vitesse des navires de charge augmentent lentement, mais des unités spécialisées apparaissent, notamment bananiers et pétroliers, le port en lourd de ces derniers ne dépassant guère 20 000 t.

Les appareils moteurs se perfectionnent avec la chauffe au mazout sur les chaudières à vapeur et l’introduction du moteur à combustion interne. Sur les grands paquebots, qui possèdent fréquemment quatre hélices, la puissance élevée nécessaire est généralement fournie par des turbines à vapeur, mais la Normandie (180 000 ch) est propulsée par quatre moteurs électriques alimentés par des turbo-alternateurs.

Pour la construction des coques, les assemblages rivés sont encore la règle. Les premières réalisations de soudure autogène sont françaises et datent de 1918, et, dès 1920, la Grande-Bretagne construit le Fullagar, premier navire de haute mer entièrement soudé. C’est également le cas, en 1931, du « cuirassé de poche » allemand de 10 000 t, le Deutschland.

Longtemps empirique, l’étude des navires est devenue plus scientifique. En particulier, des essais sur modèles réduits dans des « bassins d’essai » (bassin de Torquay, fondé en 1872 par William Froude [1810-1879], bassin de Paris, créé en 1910) permettent de déterminer les formes de carène de moindre résistance à l’avancement pour la vitesse prévue ainsi que la puissance propulsive nécessaire.