Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

constituante (Assemblée nationale) (suite)

Parties pour Versailles, les femmes de Paris, suivies de la garde nationale, en ramènent « le boulanger, la boulangère et le petit mitron » ; crise économique et crise politique se mêlent pour expliquer ces journées (5-6 oct.) où l’on croit annihiler la contre-révolution en s’assurant le pain quotidien. Mais avec le roi et l’Assemblée prisonniers de Paris, c’est aussi la fin d’un rêve, celui des monarchiens, qui croyaient possible dans l’immédiat un compromis entre élite bourgeoise et noblesse, une France des notables.


Octobre 1789 - juin 1791
« Du roi de France au roi des Français »

La violence prend des formes moins spectaculaires, mais elle demeure et conserve comme prétexte la vie chère, parfois le complot aristocratique.


Quelques dates

• 7 janvier 1790 : à Versailles, la foule exige la baisse du prix du pain.

• 24 janvier : en Corrèze, des châteaux sont attaqués.

• 7 février : émeute à Lyon.

• 22 février : émeute à Châteauroux.

• 31 mars : le marché de Sillé-le-Guillaume (Mayenne) est pillé.

• 3 mai : émeute d’ouvriers à Toulon.

• 12 mai : la population de La Fère pille un convoi de blé.

• 28 février 1791 : la foule chasse des Tuileries « les Chevaliers du poignard ».

• 19 mai : émeute à Douai.


La fête de la Fédération

La dominante est à la conciliation et, tandis que Mirabeau et La Fayette jouent un rôle trouble et que le club des Jacobins retentit des premiers discours, on reconstruit la France. Cette rénovation a sa fête, le 14 juillet 1790. Ce jour-là, les Parisiens se massent au Champ-de-Mars, derrière les gardes nationaux. Fédérées de province en province, les milices bourgeoises ont envoyé des délégations à Paris. Elles se mêlent à celles des régiments. Après la messe en plein air, célébrée par Talleyrand, La Fayette jure « d’être à jamais fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi, de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et subsistances dans l’intérieur du royaume et la perception des contributions publiques sous quelques formes qu’elles existent, de demeurer uni à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ». « Les gardes nationaux prononcèrent d’une voix unanime les mots « je le jure » [...], tous les spectateurs, par un mouvement involontaire, levèrent leur main droite et prononcèrent les mêmes mots. On ne saurait rendre par des paroles le sentiment sublime qu’un pareil serment produisit. Sa Majesté prononça le serment « Moi, roi des Français, je jure à la nation d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État à maintenir la Constitution et à faire exécuter les lois » ; les applaudissements lui furent prodigués [...] et l’on vit couler bien des larmes qui n’étaient que des larmes de joie » (lettre du bailli de Virieu).

Qui ne comprend le sens de cette journée, disait Marc Bloch, en l’opposant à la cérémonie du sacre, ne comprendra jamais l’histoire de notre pays. Le monarque de droit divin, oint du seigneur, souverain absolu accepte de n’être plus qu’un exécuteur de la loi voulue par la nation ; la formule du serment de La Fayette est révélatrice : « la Nation, la Loi, le Roi ». Premier représentant du peuple, le roi est reconnu par lui ; du ciel, le pouvoir redescend sur la terre.


La réorganisation de la France

Le texte fondamental du régime est la Déclaration des droits* de l’homme et du citoyen (26 août 1789).

L’Assemblée nationale constituante accomplit ensuite une œuvre importante de réorganisation. Elle touche à tous les domaines. Elle anéantit une administration multiple et incohérente, et elle en crée une qui est uniforme et décentralisée. Élues, les administrations locales sont presque indépendantes. C’était le vœu des Français, mais cela risque de poser un problème grave en cas de crise nationale.

Les circonscriptions judiciaires sont calquées sur celles de l’Administration. Au niveau de la commune, il y a un bureau de police, à celui du canton des juges de paix, au district un tribunal, au département un tribunal criminel et enfin un tribunal de cassation. L’arbitraire disparaît : l’inculpé, qui ne sera plus soumis à la torture, aura des garanties ; il sait que son dossier lui sera communiqué, que sa défense sera possible et que le débat sera public devant des juges élus.

Les biens* nationaux et l’émission d’assignats permettent d’espérer que les difficultés financières s’estomperont. En fait, les assignats se déprécieront vite et produiront un renchérissement de la vie. La nouvelle organisation fiscale supprime les impôts indirects détestés comme la gabelle, les aides et les traites ; aux nombreux impôts directs, elle substitue les contributions que chaque citoyen paye en fonction de ses ressources, la contribution foncière et la contribution personnelle et mobilière, ainsi que la patente. Mais, pour la perception, on fait en grande partie confiance à des citoyens qui montreront peu d’empressement à l’observation de ce devoir.

C’est que, parfois, la marge est grande entre les principes proclamés et leur application dans la Constitution. Dans l’ordre politique, si le peuple est souverain, il exerce sa souveraineté par l’intermédiaire de ses représentants, et le régime est censitaire. Seuls les citoyens ayant vingt-cinq ans et payant une contribution directe égale à trois journées de travail sont citoyens actifs et votent pour nommer des électeurs. Ces derniers doivent payer une contribution égale à dix journées de travail et élisent à leur tour les députés, qui doivent verser une contribution égale à un marc d’argent et posséder une propriété foncière.

La méfiance à l’égard du roi portera les constituants à renforcer les pouvoirs de la future Assemblée, qui aura le droit d’initiative et le vote des lois, mais aussi la libre disposition des finances, la fixation du chiffre des effectifs de l’armée, le contrôle du pouvoir exécutif par le droit d’interroger les ministres et de leur demander des comptes. Si le roi possède un veto, ce refus est suspensif après deux législatives (4 ans).