Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

consommation (suite)

La société de consommation engendre effectivement le mythe du consommateur souverain entretenu par le discours publicitaire, vecteur de l’idéologie dominante : chacun pourrait indéfiniment choisir entre une gamme sans cesse élargie de produits mis à sa disposition. Cette idéologie propose aux individus situés à des stades différents du processus de production une identification, apparemment réductrice des différences, à une image euphorisante et « démocratique » du consommateur. Tous les moyens mis en œuvre perpétuent une illusion de liberté dans le choix du consommateur et une croyance dans un épanouissement individuel à travers la consommation.

L’expression appelle du reste plusieurs questions : qui consomme ? que consomme-t-on ? à quelle nécessité répond cette consommation ? Derrière l’illusion de la consommation de masse, les inégalités du pouvoir d’achat sanctionnent l’inégal accès aux biens offerts sur le marché, objets de série d’une part, prototypes de l’autre, les premiers pouvant s’acheter à crédit et être consommés avant même que leur paiement ne soit terminé, les seconds s’achetant toujours au comptant (cf. Jean Baudrillard, « le Système socio-idéologique des objets et de la consommation » dans le Système des objets, 1968).

Dans la Genèse idéologique des besoins, Baudrillard analyse la consommation comme une logique de la différence. Plus que la chose consommée dans son utilité pratique, c’est sa marque et son signe que le consommateur s’approprie. Le phénomène de la consommation moderne engendre d’ailleurs à la limite ses propres aberrations. D’une part on consomme des biens non consommables après les avoir commercialisés et sans qu’ils soient pour autant jamais possédés : l’espace, la nature, la culture, l’urbain (cf. Henri Lefebvre, le Droit à la ville, 1968). D’autre part, on produit des objets dont la seule finalité est d’être consommés et dont les « gadgets » constituent le meilleur exemple.

En dernière analyse, les formes prises par le phénomène de consommation correspondent à une nécessité, car la consommation constitue le moteur du système économique des sociétés occidentales. Alors que le mythe du consommateur souverain propose la satisfaction des besoins de celui-ci à mesure qu’ils se développent, la réalité du système économique les fait naître et les oriente. Et c’est ainsi que la logique d’un système économique engendrerait sa propre idéologie.

H. T.

G. R.

➙ Activité économique / Comptabilité nationale / Transferts sociaux.

 M. Lengellé, la Consommation (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 4e éd., 1971). / M. C. Burk, Consumption Economics, a Multidisciplinary Approach (New York, 1968). / J. Baudrillard, la Société de consommation (S. G. P. P., 1970). / M. Fustier, Étude de motivation psychologique de la consommation (Dunod, 1971). / G. Cas, Défense du consommateur (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1975).

Constable (John)

Peintre anglais (East Bergholt, Suffolk, 1776 - Londres 1837).


Créateur du paysage romantique anglais avec Turner* et Bonington*, il fut reconnu comme un précurseur, tant en Angleterre qu’en France. L’essentiel de son œuvre est conservé au Victoria and Albert Museum de Londres.

Constable est étudiant, en 1799, à la Royal Academy de Londres, où il expose régulièrement à partir de 1802. Il ne progressera que lentement. Ses premiers dessins, datés de 1796, ainsi que ses paysages de la vallée de la Stour ou sa série d’aquarelles de la vallée de Borrow s’inspirent sans originalité de la tradition des grands maîtres hollandais par l’intermédiaire du style de Gainsborough* ou de Richard Wilson (1714-1782). C’est l’étude directe de la nature qui va développer son talent. Constable dit lui-même n’être qu’un « peintre naturaliste » et veut demeurer « plein d’humilité devant la nature ». Aussi, vers 1810, est-il l’un des premiers paysagistes à peindre en plein air. Ses vues des environs de Salisbury ou de Brighton, son Printemps à East Bergholt (Victoria and Albert Museum), son Champ de blé (v. 1816, Tate Gallery, Londres) présentent déjà plusieurs juxtapositions de tons purs selon les leçons des aquarellistes Thomas Girtin (1775-1802) et John Sell Cotman (1782-1842). Pourtant, le peintre conserve un style plus froid, plus traditionnel dans ses grandes toiles du Moulin sur le torrent (1814, musée d’Ipswich) ou du Moulin de Flatford (1817, Tate Gallery).

De 1816 à 1825 environ, Constable produit une série de chefs-d’œuvre : la Baie de Weymouth (1816, Victoria and Albert Museum), l’Inauguration du pont de Waterloo (terminée en 1832), dont la profondeur d’atmosphère est inspirée par Turner, le Cheval blanc (New York, collection Frick), tableau qui lui vaut d’être élu associé de la Royal Academy en 1819, la Cathédrale de Salisbury (v. 1820, Victoria and Albert Museum), thème maintes fois repris dans un éventail de luminosités, d’effets atmosphériques divers.

Au Salon de 1824, à Paris, sa Charrette à foin (1821, National Gallery, Londres) obtient la médaille d’or. Il apparaît à ce moment comme le promoteur du procédé de la division des touches pour traduire les variations de la lumière. Selon la tradition, Delacroix* aurait retouché ses Massacres de Scio (Louvre) en s’inspirant de l’œuvre de Constable.

Le romantisme s’impose vers 1825, tant en France qu’en Angleterre. Constable s’exprime alors selon un sentiment lyrique sincère et contenu dans ses petites études sur nature comme la Côte de Brighton le soir (Victoria and Albert Museum). Par contre, ses plus vastes compositions, comme le Champ de blé (1826, National Gallery), tombent dans un romantisme quelque peu forcé, sa facture prend un fini exagéré. Un goût un peu artificiel du ténébrosisme caractérise l’aquarelle des Ruines de Stonehenge (Victoria and Albert Museum), et le célèbre Cénotaphe de Reynolds (1836, National Gallery) s’inspire d’un symbolisme par trop conventionnel.

L’artiste, tardivement consacré dans son propre pays, est élu en 1829 à la Royal Academy. Il publie en 1830 l’essentiel de ses théories artistiques dans la préface de Various Subjects of Landscape Characteristic of English Scenery, grand recueil de gravures d’après ses paysages. De 1833 à 1836, il prononce un cycle de conférences sur l’art du paysage.

Constable constitue un véritable trait d’union entre le paysagisme de tradition anglo-hollandaise et l’esthétique romantique. Son œuvre, d’une portée moins grande que celles de Turner et de Bonington, préfigure pourtant, par ses recherches, l’école de Barbizon* en France.

P. H. P.

 S. J. Key, John Constable : his Life and Work (Londres, 1948). / J. Mayne, Constable Sketches (Londres, 1953). / G. Reynolds, Catalogue of the Constable Collection (Londres, 1960). / J. Baskett, Constable Oil Skerches (Londres, 1966).