consommation (suite)
La société de consommation engendre effectivement le mythe du consommateur souverain entretenu par le discours publicitaire, vecteur de l’idéologie dominante : chacun pourrait indéfiniment choisir entre une gamme sans cesse élargie de produits mis à sa disposition. Cette idéologie propose aux individus situés à des stades différents du processus de production une identification, apparemment réductrice des différences, à une image euphorisante et « démocratique » du consommateur. Tous les moyens mis en œuvre perpétuent une illusion de liberté dans le choix du consommateur et une croyance dans un épanouissement individuel à travers la consommation.
L’expression appelle du reste plusieurs questions : qui consomme ? que consomme-t-on ? à quelle nécessité répond cette consommation ? Derrière l’illusion de la consommation de masse, les inégalités du pouvoir d’achat sanctionnent l’inégal accès aux biens offerts sur le marché, objets de série d’une part, prototypes de l’autre, les premiers pouvant s’acheter à crédit et être consommés avant même que leur paiement ne soit terminé, les seconds s’achetant toujours au comptant (cf. Jean Baudrillard, « le Système socio-idéologique des objets et de la consommation » dans le Système des objets, 1968).
Dans la Genèse idéologique des besoins, Baudrillard analyse la consommation comme une logique de la différence. Plus que la chose consommée dans son utilité pratique, c’est sa marque et son signe que le consommateur s’approprie. Le phénomène de la consommation moderne engendre d’ailleurs à la limite ses propres aberrations. D’une part on consomme des biens non consommables après les avoir commercialisés et sans qu’ils soient pour autant jamais possédés : l’espace, la nature, la culture, l’urbain (cf. Henri Lefebvre, le Droit à la ville, 1968). D’autre part, on produit des objets dont la seule finalité est d’être consommés et dont les « gadgets » constituent le meilleur exemple.
En dernière analyse, les formes prises par le phénomène de consommation correspondent à une nécessité, car la consommation constitue le moteur du système économique des sociétés occidentales. Alors que le mythe du consommateur souverain propose la satisfaction des besoins de celui-ci à mesure qu’ils se développent, la réalité du système économique les fait naître et les oriente. Et c’est ainsi que la logique d’un système économique engendrerait sa propre idéologie.
H. T.
G. R.
➙ Activité économique / Comptabilité nationale / Transferts sociaux.
M. Lengellé, la Consommation (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 4e éd., 1971). / M. C. Burk, Consumption Economics, a Multidisciplinary Approach (New York, 1968). / J. Baudrillard, la Société de consommation (S. G. P. P., 1970). / M. Fustier, Étude de motivation psychologique de la consommation (Dunod, 1971). / G. Cas, Défense du consommateur (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1975).