Concini (Concino) (suite)
À force de souplesse, Concini se fraie vite un chemin à la Cour. Il se rend indispensable au roi : il organise des fêtes ou bien apaise, grâce à sa femme, les humeurs de la reine ; il met la paix entre les maîtresses du roi ; il est même chargé de quelques missions diplomatiques à Florence. En 1608, il est écuyer de la reine, et le couple loge au Louvre ; Henri IV accepte d’être le parrain de leur fille. Dès 1610, Concini est déjà possesseur d’une grande fortune : n’a-t-il pas parlé d’acheter le grand domaine de La Ferté-Vidame ? La légende d’un Concini haï d’Henri IV et faisant assassiner le roi pour assouvir ses ambitions est absurde.
Marie de Médicis devenue régente, une véritable pluie d’honneurs tombe sur l’époux de la favorite. En juillet 1610, Concini est conseiller d’État ; en septembre, il est nommé successivement gouverneur de Bourg-en-Bresse, marquis d’Ancre, gouverneur de Péronne et Montdidier, premier gentilhomme de la Chambre. En 1611, il est créé lieutenant du roi en Picardie, puis gouverneur d’Amiens.
Toutes ces libéralités, cependant, font une énorme brèche dans les finances royales, soit 642 000 livres, de quoi tourner de meilleures têtes que celle du favori. Toutefois, Concini ne cherche pas à avoir part aux affaires politiques avant 1613, quand, à la stupeur générale, la régente le fait maréchal de France.
Le maréchal d’Ancre intervient alors dans les affaires ; contre Condé rebelle, il obtient le commandement de l’armée royale en Picardie et, en 1615, prend Clermont-en-Beauvaisis. Il est sacrifié temporairement lors du traité de Loudun (mai 1616), quand on lui retire le gouvernement d’Amiens, mais, deux mois plus tard, Marie de Médicis lui confie celui de Normandie et de la citadelle de Caen. Le prince de Condé est arrêté en septembre 1616 ; ses partisans en rendent responsable l’Italien, qui, terriblement jalousé et calomnié, n’y est pour rien : à Paris, où le peuple pille son hôtel, son impopularité est totale. Vainement, la régente et sa femme le pressent de s’éloigner. Il s’obstine ; soutenu par Richelieu, qu’il a fait entrer au Conseil, il prend part à la lutte contre Condé et fortifie la Normandie.
La haine du jeune roi va perdre Concini. Louis XIII et ses familiers, dont Charles de Luynes et Jean de Caumont, marquis de Montpouillan, ourdissent contre lui un complot. L’assassinat du maréchal est décidé au début de l’année 1617 ; le 24 avril, le capitaine des gardes, Nicolas de l’Hospital, marquis de Vitry, le fait abattre au moment où il entre au Louvre. Son corps, enterré à Saint-Germain-l’Auxerrois, est, le lendemain, exhumé par la populace, traîné par les rues, pendu, puis brûlé. Sans vergogne, Vitry et Luynes se partagent ses biens. Leonora est arrêtée quelques jours plus tard ; son procès commence en mai. Prévenue de lèse-majesté et de sorcellerie, elle est condamnée à avoir la tête tranchée et ensuite à être brûlée (juill. 1617).
Concini fut loin d’être le personnage machiavélique décrit par ses ennemis. Il semble avoir été le prétexte commode de la révolte des Grands contre le pouvoir monarchique, et Richelieu, dans ses Mémoires, lui reconnaît une véritable lucidité politique.
P. R.
➙ Louis XIII.
F. Hayem, le Maréchal d’Ancre et Leonora Galigaï (Plon, 1910). / A. Franklin, la Cour de France et l’assassinat du maréchal d’Ancre (Émile-Paul, 1913). / G. Mongrédien, Leonora Galigaï : un procès de sorcellerie sous Louis XIII (Hachette, 1968).