Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

concerts (association de) (suite)

L’étranger

L’Europe centrale, qui fut toujours un foyer musical important, connaît dans la seconde moitié du xviiie s. une vie particulièrement intense.

Mannheim avec Stamitz, Berlin avec les Concerts spirituels (1783) et la Singakademie (1792), Leipzig avec les Gewandhauskonzerte (1781), qui ont été dirigés jusqu’à nos jours par les plus grands chefs internationaux, et le chœur Saint-Thomas (1312), Munich, où se transporte l’orchestre de Mannheim en 1778, Salzbourg et Vienne en sont les centres les plus importants. Le chant choral est particulièrement à l’honneur dans ces deux dernières villes : la Nikolaïbrüderschaft, fondée en 1288, subsiste à Vienne en 1782, et, de nos jours, on peut encore entendre les Petits Chanteurs de la Hofburg, dont l’institution remonte à 1498 ; la fondation de la Tonkünstler Societät (1771), puis quarante ans plus tard celle de la Société des amis de la musique (1812), dont l’activité est à l’origine du Conservatoire, les Wiener Philharmoniker et la Singakademie (1858) confèrent à Vienne un rôle de premier plan dans l’histoire de la musique européenne.

Les autres pays ne restent pas inactifs. L’Italie possède d’innombrables « académies » et « conservatoires », où l’on pratique le chant choral aussi bien que la musique instrumentale (Rome, Naples, Bologne, Venise). Il existe en 1591 une Société Sainte-Cécile à Arnhem (Pays-Bas), des collegia musica à Amsterdam, un Concert bourgeois à Anvers dès 1750 ainsi que la Société Felix Meritis, dont l’activité va s’étendre sur cent dix années (1777-1888). De nombreux groupements se forment à Londres : les Subscriptions Concert (1787) ; la Madrigal Society (1741), les Concerts of Ancient Music (1776-1848) et la Händel Commemoration, qui donne ses concerts annuels à partir de 1784.

Le nombre des associations de concerts s’accroît considérablement au xixe et au xxe s. ; la Belgique entre en lice avec les Concerts de F.-J. Fétis (1832), de H. Vieuxtemps (1872) et d’E. Ysaye ; la Hongrie possède une Société des amis de la musique en 1836, et, vers la moitié du xixe s., la plupart des pays d’Europe ainsi que l’Amérique comptent d’importantes sociétés de musique. Il n’est guère de capitale qui n’ait aujourd’hui son « orchestre philharmonique » ; ceux de Berlin, de Vienne sont à juste titre célèbres ; ceux de Londres, de New York, de Budapest, de Madrid, de Leningrad, le Concertgebouw d’Amsterdam ou l’orchestre de la Suisse romande ne le sont pas moins ; leur prestige mondial n’éclipse cependant pas totalement la qualité d’orchestres qu’entretiennent les grands centres urbains de province, orchestres qui se doublent souvent d’importantes chorales : tels sont en Allemagne les orchestres de la radio sarroise (Karl Ristenpart), de Stuttgart (Karl Münchinger), de Munich (Pro arte de Kurt Redel), de Bamberg (Joseph Keilberth) ; en Autriche, l’Octuor de Vienne, les Solistes de Vienne, la Camerata accademia de Salzbourg ; en Italie, le Trio d’archi italiano, I solisti veneti, I musici, les Virtuosi di Roma et l’ensemble Marcello ; à Prague, le Pro arte antiqua.

On peut également rattacher à cette rubrique les festivals*, dont certains (le Mai florentin, Aix-en-Provence, Bayreuth, Salzbourg et Lucerne) sont de réputation internationale.

D. S. et G. F.

 M. Brenet, les Concerts en France sous l’Ancien Régime (Fischbacher, 1900). / A. Dandelot, la Société des concerts du Conservatoire (Delagrave, 1923). / A. Vernaelde, « la Société des concerts du Conservatoire et les grandes associations symphoniques » dans Encyclopédie de la musique sous la dir. d’A. Lavignac et L. de La Laurencie, IIe partie, t. VI (Delagrave, 1931). / Le Concert, numéro spécial de la revue Polyphonie (Richard-Masse, 1949). / C. Pierre, Histoire du concert spirituel, 1725-1790 (Soc. fr. de musicologie, 1975).

concerto

Les deux étymologies qu’on prête à ce mot correspondent aux deux grands courants parallèles et complémentaires de l’histoire de cette forme musicale. Concertare, c’est l’idée de lutte, d’opposition, de rivalité, qui est à la base du concerto de soliste, d’essence virtuose. Conserere, c’est le dialogue plus libre et plus détendu, supposant l’égalité de droit de partenaires dont le nombre et la fonction ne sont pas limités à l’avance : c’est le principe du concert à la française.


La naissance du concerto est étroitement liée à celle du style concertant, aux alentours de l’an 1600, lorsque l’apparition de la basse continue généralisa l’usage de la monodie accompagnée, succédant au style polyphonique en honneur depuis le Moyen Âge. Mais cette polyphonie elle-même avait atteint au sommet de sa splendeur dans l’œuvre des musiciens de Saint-Marc de Venise, Willaert, puis Andrea et Giovanni Gabrieli, qui créèrent le style polychoral, pratiquant les oppositions dialoguées de groupes vocaux ou instrumentaux (on disait « chœurs » pour désigner indifféremment les uns et les autres) selon une audacieuse stéréophonie. Au début du xviie s., des solistes, vocaux puis instrumentaux intervinrent à leur tour dans le dialogue : le style concertant était né. Le terme de concerto s’appliqua donc d’abord à des pièces religieuses mêlant voix et instruments (Concerti ecclesiastici de Ludovico Viadana, Petits Concerts spirituels de Schütz, etc.). Le concerto purement instrumental se développa en Italie durant la seconde moitié du xviie s. et prit tout d’abord la forme d’un dialogue entre un petit groupe d’instruments solistes (le concertino) et la masse de l’orchestre, ou ripieno, dite encore « concerto grosso », terme qui finit par définir le genre lui-même. On en distinguait de deux sortes, selon leur destination : le concerto da chiesa, destiné à l’église, de style sévère et grave, composé de quatre mouvements dans l’ordre lent - vif (fugué) - lent - vif, et le concerto da camera, à usage profane, de caractère plus léger, et dont la forme, beaucoup plus libre, comprenant de nombreuses danses, rappelait fort la suite allemande ou l’ordre des musiciens français, qui ne pénétra jamais en Italie. Stradella à Naples puis Torelli à Bologne furent les pionniers du concerto grosso, qui atteignit à un sommet de perfection classique avec le Romain d’adoption Corelli. Un de ses disciples, Georg Muffat, publia les premiers ouvrages du genre en Allemagne, cependant que la France, avec Marc Antoine Charpentier et François Couperin, accordait la préférence au concert, à la coupe formelle plus libre, à la formule instrumentale plus restreinte et plus souple (souvent laissée au choix des exécutants), au caractère plus intime. Cependant, dans les premières années du xviiie s., s’accomplissait en Italie une révolution décisive. Torelli, dans son dernier recueil (1709), puis Albinoni et, très vite, Vivaldi (Estro armonico, 1712) créèrent le concerto de soliste, dans lequel un seul instrument mélodique (le violon, puis divers instruments à vent ou à cordes) dialoguait avec l’orchestre. En même temps s’affirmait un nouvel équilibre formel, proche de celui de la sinfonia d’opéra, et qui devait demeurer celui du concerto durant deux siècles : la coupe en trois mouvements vif - lent - vif, le premier mouvement adoptant la forme d’un rondo (refrains à l’orchestre, couplets au soliste). Dans ses 454 concertos pour les formations les plus variées, Vivaldi affirma la vocation « virtuose » de cette forme musicale, vocation qu’elle devait développer de plus en plus. En Allemagne, Jean-Sébastien Bach s’inspira du cadre formel vivaldien, mais en l’amplifiant et surtout en en enrichissant l’écriture et l’expression. Ses six Concerts pour divers instruments, dits « brandebourgeois », apogée du concerto grosso (qui se trouve dépassé dans le cinquième, avec son importante partie de clavecin), se réclament non moins, et jusque dans leur titre, de la libre formule dialoguée à la française. Par ailleurs, Bach fut le créateur du concerto pour clavier et orchestre (de un à quatre clavecins), curieusement négligé par les Italiens, et qui, aux mains de ses fils, demeurera pendant longtemps une sorte de spécialité familiale. Dans sa Suite en « si » mineur pour flûte et cordes, il appliqua le principe concertant à la forme de la suite de danses. Son prolifique compatriote Telemann composa de ces suites concertantes par centaines. Händel, quant à lui, créa le concerto pour orgue et orchestre. Le concerto pour violon à l’italienne fit une entrée tardive, mais glorieuse, en France avec Jacques Aubert (1735) et surtout Jean-Marie Leclair. La formule du concert à la française, affirmant de plus en plus sa vocation intime, donna les chefs-d’œuvre du genre dans les Pièces de clavecin en concerts de Rameau (1741).