comportement (suite)
Dans les sociétés où les groupes et les classes sociales sont nettement différenciés, les comportements des individus, les valeurs auxquelles ceux-ci adhèrent, les œuvres de culture qu’ils produisent ou qu’ils consomment sont la marque de la réalité quotidienne du groupe ou de la classe dont ils sont membres, et les comportements sont d’autant plus différenciés que les rapports interclasses ou intergroupes s’inscrivent dans une situation conflictuelle. La culture nationale, à laquelle chacun est censé participer, n’est alors, le plus souvent, que le reflet, au niveau des classes dominées, de la culture de la classe dominante.
À l’inverse, la culture populaire et aussi la culture de la pauvreté, dont certains auteurs néo-culturalistes ont voulu affirmer l’autonomie (cf. par exemple The Children of Sanchez [1961] d’Oscar Lewis, remarquable enquête limitée par des présupposés théoriques restrictifs), n’ont de réalité qu’en tant qu’expression des rapports défensifs qu’entretiennent les groupes concernés avec la société globale ou comme manifestation de l’aliénation de ces groupes.
Par contraste avec de telles situations, la société occidentale semble tendre vers une homogénéisation des comportements culturels. Toutefois, si l’on assiste dans un premier temps à un affaiblissement des formes connues des antagonismes sociaux, l’observation révèle de nouveaux clivages et de nouveaux remodelages des groupes sociaux. Ainsi, la consommation dite « de masse » n’est le fait, en réalité, pour beaucoup de ses produits, que d’une minorité. Au slogan des « loisirs pour tous », il faut substituer une différenciation des formes de loisirs ainsi que l’inégal accès auquel les différentes catégories sociales peuvent prétendre.
Les conflits de comportements s’observent avec une particulière netteté dans les sociétés touchées par le sous-développement chez des individus ou des groupes soumis à des situations contradictoires. Ainsi, des comportements qui ne sont plus adaptés à de nouveaux rapports sociaux se perpétuent compte tenu des valeurs auxquelles adhèrent les individus et qui se rattachent à la société traditionnelle. Ces comportements provoquent des situations conflictuelles, souvent indépassables au niveau de la génération concernée, dans la mesure où ceux qui les subissent sont incapables de choisir entre des impératifs non conciliables. Il en va ainsi, par exemple, de l’aide familiale que pratiquent les nouveaux citadins des villes d’Afrique de l’Ouest. Cette aide, toujours susceptible d’être accrue par de nouvelles demandes, répond à l’obligation de solidarité étendue imposée par la société villageoise. Cette solidarité est incompatible avec l’insertion dans le milieu urbain et avec les dépenses qui en résultent. Les comportements acquis dans un milieu moderne entrent ainsi en conflit avec ceux qui ont été hérités de la société traditionnelle.
J.-M. G.
➙ Culture.