Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

compagnonnage (suite)

Le compagnonnage ne comprenait, en principe, que des membres « actifs ». Lorsque l’ouvrier rentrait de son tour de France ou se mariait, ou s’établissait, il « remerciait » sa société dans une nouvelle cérémonie et prenait rang parmi les « retirés » ou « anciens » ; sans perdre le contact, il ne participait plus que par exception à la vie commune. Ce rite est aujourd’hui abandonné, et les compagnons de tout âge participent à la vie commune.

Les foyers de la vie des compagnons étaient la « chambre », ou « cayenne », tenue par la « mère », dont le nom seul désignait aussi le foyer lui-même : on allait « chez la mère ». Initiées, elles aussi, suivant des rites particuliers, les mères étaient les autorités les plus stables des compagnonnages ; elles avaient droit à des égards sévèrement défendus. Les chefs des « chambres » étaient élus suivant des modalités variées, normalement pour un an. Chaque chambre jouissait d’une autonomie à peu près totale, suivant des coutumes fort souples, à l’intérieur de trois rites : le rite de maître Jacques et celui de Soubise dans le Devoir, et le rite de Salomon dans le Devoir de liberté.

Les compagnons qui faisaient leur tour de France passaient un temps plus ou moins long dans les cayennes ; ils y trouvaient toujours, outre le « premier compagnon » (jadis parfois capitaine), le « rouleur », ou « rôleur », qui avait charge de faire embaucher l’« arrivant ». Une stricte discipline et une foule de rites, même pour des gestes quotidiens, étaient imposés à tous les résidents. Jamais il n’était fait appel à la justice pour des querelles entre « frères ». Un langage ésotérique contribuait à assurer leur cohésion. Les compagnonnages étaient et sont toujours des ordres.

On n’y entrait et on n’y entre encore que sous des conditions et morales et techniques. Les compagnons furent toujours très stricts sur la probité. Ils ont toujours fait une règle essentielle de l’entraide. La fraternité est aussi bien assurée, sinon mieux, entre compagnons qu’entre les membres d’une même famille, et c’est là un des secrets de l’indéracinable continuité du compagnonnage. Du point de vue professionnel, la valeur technique des compagnons, partout reconnue, fait d’eux des ouvriers exceptionnels, capables de réalisations manuelles les plus rares.

Le compagnonnage a imprimé à la vie professionnelle des caractères particuliers. Autrefois, dans les régions où les compagnons étaient en accord avec les maîtres, l’embauchage consistait en des rites d’un formalisme précis ; il en était de même pour le « lever d’acquit », la sortie d’atelier. Un maître ne pouvait prendre à la fois que des ouvriers d’un même rite. De même qu’ils avaient monopolisé l’embauchage, les compagnons avaient presque partout imposé leurs conditions à la marche des ateliers. Il fut tout à fait courant que des ouvriers interdisent, « damnent », un atelier, une « boutique », une ville même : on cite plusieurs villes privées, au xviie et au xviiie s., du nombre normal des ouvriers de telle ou telle profession. Avant-garde du monde ouvrier, les compagnons devaient fatalement se trouver en contradiction avec les syndicats, animés d’un esprit très différent du leur.

Longtemps, par souci du secret, ils ne disposèrent pas de règlements. Presque tous illettrés jusqu’à des temps proches de nous, ils n’ont peut-être commencé à rédiger de statuts qu’au xviiie s. Mais la « loi », couverte par le secret, rigoureusement imposé, protégeait contre les indiscrétions les textes et les registres.

À travers d’incessantes vicissitudes, surmontées à la fois par le sentiment profond de leur fraternité, de leur supériorité technique, de l’orgueil d’appartenir à une élite, les compagnonnages, délibérément limités en nombre, se maintiennent toujours.

E. C.

➙ Ouvrière (question) / Syndicalisme.

 A. Perdiguier, Mémoires d’un compagnon (Duchamp, Genève, 1854 ; 2 vol. ; nouv. éd., Union gén. d’éd., 1964). / E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l’industrie en France (Guillaumin, 1876 ; nouv. éd., A. Rousseau, 1900-1901 ; 2 vol.). / Office du travail, les Associations professionnelles ouvrières (Berger-Levrault, 1899-1901 ; 2 vol.). / G. Martin, les Associations ouvrières au xviiie siècle (A. Rousseau, 1900). / E. Martin-Saint-Léon, le Compagnonnage (A. Colin, 1901). / R. Dautry, Compagnonnage (Plon, 1951). / A. Boyer, le Tour de France d’un compagnon du Devoir (Libr. des compagnons, 1957). / L. Benoist, le Compagnonnage et les métiers (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966 ; 2e éd., 1971). / E. Coornaert, les Compagnonnages en France du Moyen Âge à nos jours (Éd. ouvrières, 1966 ; nouv. éd., 1970).

compas

Instrument permettant de connaître à tout moment sur un navire ou un aéronef une direction fixe de référence, le plus souvent le nord magnétique (directement le nord astronomique dans les compas gyroscopiques).


Grâce à cet instrument, le navire ou l’aéronef se trouve orienté. Il est alors possible de lui faire suivre une route dont on a mesuré à l’avance (par exemple sur une carte) l’angle qu’elle fait avec la direction de référence et que l’on désigne sous le nom de cap.


Compas magnétique

On doit tenir compte de l’angle horizontal que fait avec le nord magnétique la direction d’une aiguille aimantée mobile sans frottement autour d’un axe vertical. Cet angle, variable avec le lieu où l’on se trouve, variable progressivement, mais de façon lente, avec le temps et variable de façon périodique avec l’heure de la journée, porte le nom de déclinaison magnétique. Tous les éléments nécessaires à sa connaissance sont portés généralement sur les cartes de navigation et dans les principaux recueils de données astronomiques, tels que l’Annuaire du Bureau des longitudes.

Les compas magnétiques utilisés dans la marine comportent un équipage d’aiguilles aimantées collées à une feuille de carton. L’ensemble constitue la rose, qui est montée sur un pivot dans une cuvette en cuivre, laquelle porte deux traits verticaux diamétralement opposés. Placés dans le plan de symétrie axial d’un navire, ces traits constituent la ligne de foi, dont l’écart avec le nord est le cap du navire. Tirant son nom de la rose des vents, sur laquelle était autrefois portée la direction des vents dominants, la rose est divisée en quadrants par les points cardinaux, et chaque quadrant est divisé en huit parties. La rose est donc divisée en 32 aires de vents, ou quarts (appelés autrefois rhumbs), qu’utilisent les marins pour enregistrer les directions des vents, qui sont exprimées en degrés, ainsi que les caps successifs.