Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commutation téléphonique (suite)

L’unité centrale de commande, appelée centre de traitement des informations, dirige plusieurs centres de commutation comprenant essentiellement des réseaux de connexion eux-mêmes éclatés géographiquement en groupes de concentration regroupant les abonnés de la zone correspondante. La concentration des fonctions de décision est donc très forte. Elle permet de traiter un nombre considérable d’appels, tout en réduisant la capacité des câbles de jonction, puisque les trafics locaux ne « remonteront » pas jusqu’au centre nodal.

C’est ainsi qu’un groupe de concentration de 400 abonnés ne sera relié à l’échelon suivant que par 60 liaisons pour les communications non locales et pour les liaisons de commande. Cette organisation permet également de soulager le calculateur central du fait de la relative autonomie laissée aux centres de commutation et aux groupes de concentration. Parallèlement aux systèmes précédents se développe un troisième système, dit « à commutation temporelle » (projet français Platon), fondé sur le principe suivant : une liaison métallique déterminée peut être utilisée pour transmettre plusieurs communications, un procédé de modulation par impulsions codées (MIC) réservant à une communication déterminée non plus la totalité du temps de cette communication, mais quelques « créneaux temporels » répartis régulièrement entre deux impulsions successives. On peut alors placer dans les temps « morts » de cette communication les impulsions caractéristiques d’autres communications échantillonnées avec la même fréquence. Les niveaux variables des impulsions caractéristiques font ensuite l’objet d’un codage. Il s’ensuit une diminution importante du nombre de circuits de connexion, donc du volume des équipements. D’autre part, le procédé MIC a le gros avantage de n’exiger que des éléments électroniques peu coûteux. Comme le système Aristote, le système Platon permettra, par une centralisation importante des organes de décision, l’exploitation d’un périmètre étendu d’abonnés.

Cependant, les systèmes électroniques ne sont pas encore systématiquement opérationnels, bien que l’étude en soit, pour certains d’entre eux, fortement avancée.

G. D.

 A. Blanchard, Cours de téléphonie automatique. Système Rotary 7 B 1, chaîne locale (Eyrolles, 1958 ; nouv. éd., 1964) ; Cours de téléphonie automatique. Système L 43 (Eyrolles, 1959) ; Éléments de commutation générale. Applications aux systèmes de téléphonie automatique (Eyrolles, 1962 ; nouv. éd., 1969). / A. Blanchard et A. Cabantous, Cours de téléphonie automatique. Système Rotary 7-A, t. I : Généralités. La communication locale (Eyrolles, 1961). / R. Legaré, les Autocommutateurs Crossbar du réseau téléphonique français (Imprimerie nationale, 1962). / M. Lacout et M. Jacquet, Cours de téléphonie automatique, t. II : Système R 6 (Eyrolles, 1964 ; 2 vol.). / E. Fréchou, Ministère des P. et T. Exploitation interurbaine automatique dans les différents systèmes de commutation (Imprimerie nationale, 1965). / R. Legaré et A. Delbouys, les Systèmes Crossbar en téléphonie automatique, t. I : le Pentaconta ; t. II : le CP 400 (Eyrolles, 1968 ; 2 vol.).

Commynes (Philippe de)

Chroniqueur français (Renescure, près d’Hazebrouck ? 1447 - Argenton 1511).



Le conseiller des princes

Seigneur flamand issu d’une riche famille de bourgeois anoblis, Philippe de Commynes (ou de Comines ou de Commines) fut le conseiller intime des plus grands princes de son temps. Présenté à dix-sept ans à Charles, comte de Charolais — le futur Téméraire —, il assiste comme chambellan à la fameuse entrevue de Péronne (1468). Mais, à cette date, il découvre en Louis XI le maître qui convient à son esprit : aussi, quatre ans plus tard, il s’enfuit de Bourgogne, s’attirant ainsi la haine irrémédiable du Téméraire, et offre ses services au roi de France qui le comble de faveurs. À la mort de ce dernier (1483), il est nommé membre du conseil de régence durant la minorité de Charles VIII. Arrêté en 1486 pour avoir conspiré avec le duc d’Orléans, il est emprisonné à Loches, puis à Paris : gracié et réhabilité, il se voue à la rédaction de ses Mémoires, sans négliger pour autant la politique ; c’est ainsi qu’en 1493 il est l’un des négociateurs du traité de Senlis ; l’année suivante, il est en mission à Venise pour préparer l’expédition d’Italie. Après l’avènement de Louis XII (1498), sa carrière subit une éclipse : du moins, en 1507, de nouveau écouté, il part pour l’Italie avec le roi. La mort devait le surprendre en son château d’Argenton le 18 octobre 1511.


Un historien philosophe

« Philippe de Commynes est, en date, le premier écrivain vraiment moderne », dit Sainte-Beuve (Causeries du lundi, 7 janvier 1850). Il se sépare de Froissart par le caractère toujours actuel de ses analyses. Le chroniqueur, chez lui, cède le pas devant l’historien. Il renseigne et enseigne. La première édition des Mémoires, ne comportant que les six premiers livres (composés en 1489-1491 et en 1493, et consacrés au règne de Louis XI), paraît, posthume, en 1524, et la seconde, augmentée de deux livres (rédigés de 1495 à 1498 et relatant le règne de Charles VIII), en 1528. Cette œuvre, née à la fin du xve s., frappe par des accents et une réflexion qui la détachent du Moyen Âge. Commynes, historien au sens moderne du terme ? Tout au moins, sa conception de l’histoire est proche de celle de l’historien idéal. Recherche des causes et de leur enchaînement, impartialité, richesse de l’information, Commynes est parfaitement à l’aise dans l’évocation de son temps. Plus encore, l’apprenti se révèle un maître : avec pour point de départ une expérience enrichie par les activités diplomatiques, expérience qui, par l’abondance des témoignages directs et des souvenirs personnels, donne une impression de vécu à ses écrits, il est à l’origine d’une longue lignée de moralistes. L’événement ne l’intéresse pas pour lui-même, mais pour la vérité humaine qu’il apporte. De là, ses considérations sur la misère des grands et des rois ouvrent la voie à des leçons de sagesse politique : « Ne lui eût-il pas mieux valu, dit-il de Louis XI, à lui et à tous les autres princes, et hommes de moyen état qui ont vécu sous ces grands et vivront sous ceux qui règnent, élire le moyen chemin [...] ? » Le moyen chemin, c’est connaître la modestie, se méfier de l’ambition, respecter Dieu, car « Dieu donne le prince selon qu’il veut punir ou châtier les sujets : et aux princes les sujets, ou leurs courages disposés envers lui, selon qu’il les veut élever ou abaisser », et encore : « Il faut tenir pour sûr que la grande prospérité des princes ou leurs grandes adversités procèdent de sa divine ordonnance. » De la réflexion morale, constamment sous-jacente dans ses Mémoires, se dégage une véritable philosophie de l’histoire : tout ce qui est stable est dû à un équilibre de forces susceptibles de s’opposer aux excès des puissances (« Et ce n’est pas cette nation seule à qui Dieu a donné quelque aiguillon. Car au royaume de France a donné pour opposite les Anglais ; aux Anglais a donné les Écossais ; au royaume d’Espagne, Portugal [...] »). Ce « bréviaire des princes », suivant le mot de Charles Quint, servira à tous les hommes d’État.