Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

communisme (suite)

La restauration de la IIe Internationale

Des deux congrès parallèles et rivaux qui se réunissent à Paris en 1889, l’un est à tendance marxiste (salle Pétrelle), l’autre à tendance possibiliste (rue de Lancry). La IIe Internationale tire son origine du premier. Y participent guesdistes, blanquistes et des délégués de vingt-trois pays.

Mais, en fait, c’est au congrès de Bruxelles en 1891 que naît la IIe Internationale*, très différente de la Ire, dominée par le marxisme du point de vue doctrinal et déchirée par la lutte des tendances.

C’est la question du parlementarisme et de l’opportunisme qui départage officiellement l’Internationale en une droite, un centre et une gauche. La condamnation d’Eduard Bernstein est suivie par celle de Millerand (1900). La résolution de Karl Kautsky, baptisée de « résolution caoutchouc » par la gauche allemande, le fait apparaître comme un conciliateur : « Dans un État démocratique moderne, la conquête du pouvoir politique par le prolétariat ne peut être le résultat d’un coup de main, mais bien le long et pénible travail d’organisation prolétarienne sur le terrain économique et politique, de la régénération physique et morale de la classe ouvrière et de la conquête graduelle des municipalités et des assemblées législatives. »

En 1904, au congrès d’Amsterdam, les droitiers, qui pratiquent ouvertement la collaboration de classe et la participation ministérielle aux gouvernements bourgeois, sont condamnés plus explicitement. Il n’empêche que la pratique dominante des grands partis sociaux-démocrates, à l’exception du parti russe, sera, comme le soulignait Lénine, parlementaire et légaliste.

À l’encontre des pratiques parlementaires, les tendances de gauche dans le mouvement ouvrier avec Lénine à leur tête plaident la nécessité d’organisations clandestines, d’actions illégales.

Le problème de la guerre sera l’épicentre du séisme qui va secouer toute la IIe Internationale.

Malgré les réticences du parti social-démocrate allemand, le parti socialiste français, notamment avec Edouard Vaillant et Jaurès, est parvenu à faire adopter son point de vue de « guerre à la guerre » par le Bureau socialiste international : point de vue internationaliste, sans doute, qui réclamait la conjonction de toutes les forces ouvrières pour faire échec à la guerre impérialiste menaçante, mais point de vue essentiellement pacifiste, dénué de toutes propositions précises quant à l’action possible au cas où la guerre éclaterait.

La gauche révolutionnaire (Lénine-Rosa Luxemburg) fait accepter le manifeste de Bâle (1912), qui dénonce d’avance le caractère impérialiste de la guerre et préconise la guerre civile et la fraternisation des peuples dès son déclenchement. Ce manifeste est pourtant abandonné dès la déclaration de guerre, et la majorité des socialistes s’engage dans l’Union sacrée.

C’est la IIe Internationale qui, selon Lénine, « fait faillite », et non pas le communisme, qui, grâce à la révolution d’Octobre, va transformer la vie du pays et des hommes russes.


Le communisme à l’étape de la IIIe Internationale

D’abord idéal, utopie, rêve, le communisme est devenu, avec le marxisme, théorie et guide pour l’action ; la IIe Internationale lui a donné la force de l’organisation ; il s’est fait parti, institution de la révolte. Enfin le voici société et même État, si bien que son histoire même en est à son tour transformée. Les défaites, les lendemains sanglants des assauts du mouvement ouvrier, les aventures de 1848, de la Commune cessent d’un seul coup d’apparaître comme des déroutes, des folies inutiles et désespérées pour devenir les étapes d’une longue marche d’épreuves vers la victoire.

Malgré les hésitations, les reculs, l’incrédulité des dirigeants de la IIe Internationale, Lénine a donné vie au communisme. Le communisme vivant du premier État socialiste s’est emparé de tout le passé du mouvement ouvrier, et l’Union soviétique s’est réservé le droit d’exercer pour tous la mémoire collective.

Le mouvement ouvrier se redéfinit par rapport à l’Union soviétique. La dispersion de la IIe Internationale fait place à un immense effort de concentration, d’unification ; le mouvement prend l’aspect d’un bloc monolithique, uni, aride, qui fait oublier les cours divers et renouvelés de l’histoire.

La IIIe Internationale* se constitue sous la direction du parti bolchevique. Issue du courant hostile à la guerre, qui regroupait une fraction de la IIe Internationale et qui s’était réuni en Suisse, d’abord à Zimmerwald du 5 au 8 septembre 1915, puis à Kienthal en avril 1916, elle s’organise non pas pour imposer la paix, mais pour transformer dans toute l’Europe la « guerre impérialiste » en révolution, puis, après l’échec immédiat de cette tentative, pour édifier dans tous les pays d’Europe des partis organisés sur le modèle bolchevique, destinés à instaurer partout des pouvoirs « soviétiques ».

Après une invitation adressée à trente-neuf partis ouvriers sympathisants du pouvoir soviétique (24 janv. 1919), la IIIe Internationale est fondée le 4 mars et prend le nom d’Internationale communiste. C’est, de fait, la première Internationale purement et seulement communiste.


Les débuts de l’Internationale communiste : l’illusion de la révolution imminente

La naissance du pouvoir des soviets déclenche un grand espoir dans les partis ouvriers, provoque un immense désarroi dans les gouvernements occidentaux. C’est, coup sur coup, la déclaration de la République soviétique de Hongrie en mars 1919, celle de la République soviétique de Bavière en avril, un grand mouvement anti-impérialiste en Chine le 4 mai. Malgré l’échec sanglant des spartakistes allemands, les dirigeants de l’Internationale communiste sont convaincus que la révolution est en marche sur le monde et qu’il faut le plus rapidement possible la doter des organisations nationales et de l’armature internationale qui seront ses instruments. D’où son double objectif : d’une part, éliminer les réformistes « social-traîtres » et rompre avec ceux qui freinent et trahissent la lutte ; d’autre part, constituer des partis de type nouveau, conformes au parti bolchevique, qui a démontré ses capacités révolutionnaires et dont les exigences sont développées avec force dans les « 21 conditions » d’adhésion à l’Internationale communiste.

Mais, si la révolution se consolide en Union soviétique, elle recule partout ailleurs : en Hongrie, au bout de cent trente-trois jours, c’est une dictature militaire qui se met en place avec Horthy.