Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

communication (suite)

Le problème, à vrai dire, n’avait pas échappé à Lewin. Simplement, il avait fait porter son effort sur la distinction épistémologique entre le plan de la psychologie sociale des groupes restreints et le plan sociologique des groupes réels étendus, réservant à ces derniers un traitement conceptuel spécifique fondé sur la théorie des canaux de communication. Bavelas, au contraire, ainsi que Leavitt (1949) appliquent aux groupes restreints les types de représentation jusqu’alors mis à l’épreuve sur les groupes réels, renouant ainsi avec la tradition issue de Spencer. Techniquement, le dispositif expérimental le plus fréquemment utilisé consiste en une table sur laquelle sont montés des plateaux disposés radialement. Les sujets, situés dans chacun des secteurs ainsi délimités, ne peuvent se voir. Mais des orifices percés dans les panneaux peuvent être ou non ouverts à l’échange de leurs messages selon une topographie variant avec le plan de l’expérience. Rien ne distinguera donc, dans le principe, un tel montage d’un réseau de télécommunications, et ce domaine unifié est ainsi préparé à recueillir le bénéfice du traitement mathématique développé par D. König (Théorie der endlichen und unendlichen Graphen, 1936) dans la forme rigoureuse de la théorie des graphes. Un premier essai en sera tenté en 1953 par F. Harary et R. Z. Norman dans leur Théorie des graphes en tant que modèle mathématique dans la science sociale. Sa publication sous l’égide de Dorwin Cartwright, éditeur posthume de Lewin et son successeur à la tête du Centre de recherches pour la dynamique de groupe, témoigne de sa filiation.

De fait, partons de la définition la plus élémentaire : « Soit une collection finie de points P1, P2, ... Pn et l’ensemble de toutes les lignes joignant des couples de tels points. Un graphe de n points est constitué par ces n points associés à un sous-ensemble de cet ensemble de lignes. » On définira sur cette base l’isomorphisme, l’automorphisme, le cheminement d’un point à un autre... Toutes notions dans l’emploi desquelles les auteurs soulignent à bon droit le rôle de précurseur de Lewin, auxquelles cependant leur propre recours systématique à la théorie des graphes serait de nature à apporter un développement original.

Or, la question est justement de savoir si l’essentiel de l’apport de Lewin s’y trouve préservé. L’espace hodologique avait pour intérêt d’introduire dans l’analyse psychosociale une dimension de relativité. Celle-ci est mise hors circuit dès que l’attention se déplace de la structure dynamique des groupes aux réseaux matériels de la communication. On est donc fondé à se demander si la réforme de Harary et Norman ne se réduit pas à exclure de l’analyse des communications dans les groupes restreints le point de vue proprement psychologique et perspectif, c’est-à-dire à la ramener en deçà de la séparation introduite par Lewin entre la dynamique des communications de groupe et la réalité intrinsèque de leurs conditions matérielles.

De fait, C. Flament a réussi à établir expérimentalement que la nature des activités fixées à un groupe est d’un poids décisif dans l’influence qu’a le réseau de communication sur la vie des groupes. Aussi, s’opposant à A. Bavelas, propose-t-il de distinguer soigneusement entre le réseau (matériel) de communication et la structure des communications effectivement échangées. Ce retour à une position plus « psychologique » n’implique pas, dans sa pensée, le désaveu de l’épistémologie implicite de Harary et Norman. Encore reste-t-il que les beaux résultats obtenus par lui, notamment dans la discussion du rapport entre modèle et réseau, dans la distinction entre les caractéristiques « logico-objectives » d’une « tâche » et les aspects « perspectifs » d’un groupe de discussion, semblent porter la promesse d’une attention renouvelée aux exigences proprement psychologiques d’une étude intégrée des communications.

P. K.

➙ Gestalttheorie / Graphes (théorie des) / Groupe (dynamique de) / Information (théorie de l’) / Lewin (K.) / Psychanalyse / Psychologie.

 R. F. Bales, Interaction Process Analysis (Cambridge, Mass., 1950). / K. Lewin, Field Theory in Social Science (New York, 1951). / F. Harary et R. Z. Norman, Graph Theory as a Mathematical Model in Social Science (Ann Arbor, Michigan, 1953). / C. Bergé, Théorie des graphes et ses applications (Dunod, 1959 ; 2e éd., 1966). / C. Flament, « les Processus de communication » dans Traité de psychologie expérimentale, sous la dir. de P. Fraisse et J. Piaget, t. IX (P. U. F., 1965 ; nouv. éd., 1968) ; Réseaux de communication et structures de groupe (Dunod, 1965). / P. Kaufmann, Kurt Lewin, une théorie du champ dans les sciences de l’homme (Vrin, 1968).

communications de masse

Ensemble des instruments et des moyens qui permettent la production et la diffusion selon une technique industrielle d’éléments de jugement et de connaissances. Les sociologues emploient souvent dans un sens analogue l’expression de mass media, qui met davantage d’accent sur l’aspect instrumental de cette transmission. D’autre part, il serait sans doute plus exact de parler de diffusion, puisque ce mot désigne précisément un type de communication qui, à partir d’un centre émetteur, rayonne de manière à atteindre de nombreuses personnes.


En tout cas, dans la pratique, on range parmi les communications de masse celles qui ont pour supports techniques la radio, la télévision, le cinéma, la grande presse, les divers moyens publicitaires à grande diffusion (affiches...), les disques à fort tirage, les bandes dessinées et même parfois les livres au format de poche.

On voit que cette énumération, fondée sur la considération du nombre de personnes atteintes par le message, mêle des types de communication très divers par leur nature, les uns étant audio-visuels, les autres auditifs ou uniquement visuels, et très divers aussi par leur situation technologique ou sociologique, les uns étant fondés sur l’écriture et donnant seulement une plus grande portée à des moyens très classiques, tandis que les autres s’apparentent au monde de l’électronique et constituent dans leur ensemble un système de diffusion très différent de celui qui pourrait exister dans les sociétés antérieures à toutes les inventions qui suivirent celle de Marconi. C’est pourquoi, assez souvent, les études publiées par des sociologues au sujet des communications de masse concernent presque exclusivement la radio et la télévision ; même lorsqu’ils y ajoutent le cinéma et la presse illustrée à gros tirage, c’est surtout de la télévision qu’il s’agit de plus en plus, car elle tend à devenir, par la puissance de son action, le type même de ces nouveaux modes de diffusion dans ce qu’ils ont de spécifique et de caractéristique des sociétés modernes.