Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Akkad (suite)

Son empire (Mésopotamie et Susiane) est encore trop étendu pour les moyens du temps si bien que la fin de l’existence du conquérant se passe à réprimer d’incessantes révoltes. La même insécurité, en particulier du côté des monts Zagros et de Sumer (le nom que l’on donne maintenant au sud de la basse Mésopotamie, où domine la langue sumérienne), marque le règne de ses fils, Rimoush et Man-ishtou-shou. Narâm-Sin (v. 2260-2225), qui semble avoir eu une aussi forte personnalité que son aïeul, connaît d’abord les mêmes difficultés, mais, bientôt, il réédite les campagnes victorieuses de Sargon à Magan, en Elam, en Syrie septentrionale et en Anatolie, et va planter ses stèles plus loin que ses prédécesseurs, dans le Kurdistān (près de Diyarbakır) et chez les Loulloubi (près de Sulaymāniya, sur la haute Diyālā). La monarchie et la civilisation d’Akkad atteignent alors leur apogée.


L’empire akkadien

Jusqu’à Sargon, la basse Mésopotamie, divisée, depuis l’urbanisation du IVe millénaire, en une trentaine de cités-États, n’avait pas connu de véritable royauté — comparable, par exemple, à celle des pharaons contemporains. De temps en temps, un vicaire particulièrement belliqueux soumettait quelques-uns de ses voisins et prenait le titre de roi (de Mésopotamie), mais il n’acquérait là qu’un prestige momentané, rarement transmis à son héritier direct. La brutale conquête de Lougal-zaggesi n’avait pas eu le temps de faire reculer l’esprit d’indépendance des villes. Au contraire, la dynastie d’Akkad va, tant bien que mal, dominer pendant plus d’un siècle l’ensemble du bas pays et bien d’autres terres avec lui.

Cette nouveauté d’une véritable monarchie en Mésopotamie ne s’explique que par l’appui rencontré par des chefs de guerre heureux chez tout un peuple de Sémites (celui du pays d’Akkad), qui avait gardé la robustesse des hommes de la steppe, et probablement aussi chez les hommes de même langage, plus anciennement installés sur la basse Diyālā, à Mari et à Assour. L’inscription assez obscure de l’obélisque de Man-ishtou-shou et des tablettes plus claires montrent des distributions de terres à de véritables colonies d’Akkadiens installées autour des villes et dont la fidélité reste douteuse. Il semble même que les rois d’Akkad aient constitué de grands domaines pour leurs principaux officiers. Ce procédé renforce la haine que les citadins éprouvent, au moins en basse Mésopotamie, à l’égard de ces fils de pasteurs, en qui on ne veut voir que des Barbares. Cette résistance à la dynastie impériale et à ses représentants est particulièrement forte dans le sud du bas pays, qui n’a, jusque-là, reçu qu’un nombre limité de Sémites et où la majorité des habitants parlent encore le sumérien. À cet égard, il est significatif que ce soit à partir de Sargon que le « Pays » (civilisé par excellence), ou basse Mésopotamie, se divise en Akkad et en Sumer.

Pour vaincre cet esprit de révolte, Sargon et ses héritiers ne se contentent pas d’installer des fonctionnaires akkadiens en Sumer ; ayant laissé à la tête des cités des vicaires, souvent des descendants des familles princières locales, ils se parent de titres extraordinaires, destinés à les placer bien au-dessus des vicaires ou des rois à la mode présargonique ; Narâm-Sin, en particulier, se dit « roi des Quatre-Régions » (de la Mésopotamie), « dieu d’Akkad » et se fait représenter avec la tiare à cornes (emblème de puissance jusqu’alors réservé aux divinités).

Les origines de Sargon d’Akkad
(d’après une tablette de la bibliothèque d’Assourbanipal)

« Sargon, le roi puissant, le roi d’Akkad je suis ; ma mère était une prêtresse, mon père, je ne l’ai pas connu, le frère de mon père habitait la montagne ; ma cité est Azoupiranou, sise sur le bord de l’Euphrate ; ma mère, la prêtresse, m’a conçu et m’a enfanté dans le secret ; elle m’a placé dans une corbeille de roseaux, avec du bitume elle en a jointoyé les interstices ; elle m’a confié au fleuve qui ne m’a pas submergé ; le fleuve m’a soulevé, il m’a amené à Aqqi, l’irrigateur ; Aqqi, l’irrigateur, avec joie a jubilé, il m’a fait remonter ; Aqqi, l’irrigateur, pour son fils m’a adopté, il m’a élevé, Aqqi, l’irrigateur, comme son jardinier m’a établi. » (Traduction d’après les Cahiers d’orientation biblique.)


La civilisation akkadienne

Comme nous l’avons constaté pour les campagnes de Sargon, les rois de sa dynastie ont le souci profond du développement de l’économie de leur domaine ; mais on n’est pas obligé, pour cela, d’imaginer ce bouleversement total de l’organisation économique en basse Mésopotamie que certains historiens ont cru voir pour cette époque. Nous ne disposons guère, pour la période présargonique, que d’archives de temples et, pour l’époque akkadienne, que de tablettes provenant de grands domaines et de firmes commerciales ; certains ont conclu, de ce hasard des trouvailles, que le bas pays était brusquement passé, à l’époque d’Akkad, d’une économie dirigée par le Temple, propriétaire et employeur universel (ce qui n’a, sans doute, jamais existé), à une économie dominée par le Palais et la propriété privée, stade qui n’est vraiment attesté qu’à partir du IIe millénaire av. J.-C.

En tout cas, la période akkadienne connaît un progrès économique presque général. La mise en valeur des terres basses au moyen d’un réseau de canaux d’irrigation, qui ne se rencontrait jusque-là qu’en Sumer, est alors entreprise dans le pays d’Akkad. Un cylindre-sceau de cette époque nous montre le premier exemple connu de chadouf (appareil à bascule permettant d’élever l’eau jusqu’à 4 m). Contrairement à ce que l’on croyait il y a une vingtaine d’années, la métallurgie du bronze d’étain devient plus courante, sans doute sous l’effet des échanges techniques entre le Luristān, pays de mines et de métallurgie primaire, et la Mésopotamie, où une classe dirigeante riche demande en abondance des armes et des objets d’art. Le commerce avec le peuple de la vallée de l’Indus atteint alors son apogée ; des œuvres composites (sceaux de type mésopotamien représentant le zébu ou quelque signe de l’écriture de l’Inde) témoignent de la rencontre des deux cultures, qui s’est opérée principalement à Dilmoun.