Industriel, économiste et homme politique britannique (Dunford Farm, Heyshott, Sussex, 1804 - Londres 1865).
Champion militant du libre-échange, Cobden incarne la bourgeoisie radicale de l’Angleterre victorienne. C’est un enfant de la révolution industrielle : il croit au progrès et plus encore au « laisser-faire, laisser-passer », qui est pour lui une vérité éternelle à l’instar de la loi de la pesanteur. Esprit rationnel et logique, il contribue en se dressant avec violence contre l’aristocratie à former la conscience de classe de la bourgeoisie industrielle et commerçante. Fondamentalement optimiste, il est convaincu que le libre-échange, synonyme de bien-être et de paix, va faire le bonheur du plus grand nombre, et par conséquent que les classes ouvrières bénéficieront tout autant que la classe moyenne de la prospérité engendrée par l’économie de marché. Non seulement il le croit, mais il en persuade tous ceux qui l’approchent, ce qui amène l’un de ses amis à voir en lui « le plus grand bienfaiteur de l’humanité depuis l’inventeur de l’imprimerie ».
Né dans une famille de paysans pauvres du sud de l’Angleterre, Cobden est un self-made man. Il commence à travailler de bonne heure et devient voyageur de commerce. Il complète sa culture au moyen de lectures nombreuses. À vingt-quatre ans, il décide de créer sa propre entreprise et s’établit à Manchester comme patron d’une fabrique d’indiennes. Le jeune manufacturier prospère. Ses ambitions et sa curiosité s’étendent. Bientôt il passe des affaires à la politique. Mettant à profit ses lectures et ses voyages en Europe, il publie deux opuscules — England, Ireland and America (1835) et Russia (1836) —, qui marquent son entrée dans la vie publique.
Dès le début, il défend les deux causes maîtresses qui vont dominer sa pensée et son action : celle du libre-échange ; celle de la paix internationale, qui doit être assurée par une politique étrangère de conciliation et de non-intervention. Une occasion privilégiée s’offre de mieux propager les « vérités bienfaisantes » de la philosophie d’Adam Smith : c’est l’agitation pour l’abolition des corn-laws, dont il prend bientôt la tête. En 1838 il participe à la création à Manchester d’une association que l’année suivante il élargit à tout le pays : l’Anti-Corn-Law League (ACLL). Son bras droit est un quaker, John Bright (1811-1889), fils d’un industriel de Rochdale ; Bright sera l’orateur de la ligue, Cobden en étant l’organisateur. Élu en 1843 aux Communes, Bright y poursuivra la lutte en faveur du libre-échange.
Organisée de main de maître, la ligue orchestre une immense campagne pour gagner l’opinion et influencer le Parlement et le gouvernement. Au cours de la seule année 1840, elle organise 800 conférences, tire à 300 000 exemplaires son bulletin, distribue un million de brochures et de tracts et réunit un million et demi de signatures sur une pétition au Parlement. Extraordinaire groupe de pression, elle vise à s’assurer le soutien des ouvriers autant que de la classe moyenne en promettant le pain à bon marché. Elle concurrence ainsi directement la poussée révolutionnaire chartiste, dont elle détourne bon nombre de travailleurs. Fort d’une audience de plus en plus étendue dans le pays, Cobden en arrive à convaincre le Premier ministre lui-même, sir Robert Peel, qui se rallie au libre-échange et fait voter en 1846 l’abolition des lois sur les blés. C’est une victoire décisive de l’Angleterre bourgeoise sur l’Angleterre aristocratique : Cobden en a été l’artisan principal.
Pendant le reste de sa vie, il continue de militer pour le libre-échange. C’est lui qui est chargé de négocier, du côté anglais, le traité de commerce franco-britannique, signé en 1860, qui abaisse les barrières douanières entre les deux pays et introduit la clause de la nation la plus favorisée. Convaincu que le libre-échange c’est la paix, Cobden veut assurer le développement du commerce international tout en favorisant le principe de l’arbitrage et en prônant pour l’Angleterre une politique de non-intervention dans les affaires des autres pays. Opposé à l’expansion coloniale, il soutient en politique intérieure, dans la dernière phase de sa vie, toutes les causes radicales : liberté religieuse des sectes, réforme du Parlement. Jusqu’à sa mort, sa popularité est immense non seulement auprès de la bourgeoisie industrielle et commerçante, mais aussi dans le monde ouvrier, auprès de qui il fait figure d’homme de progrès et de philanthrope. John Bright, véritable conscience du parti radical, prolongera durant vingt ans l’action de Cobden.
F. B.
➙ Grande-Bretagne / Radicalisme / Socialisme.
J. Morley, The Life of Richard Cobden (Londres, 1881 ; 2 vol.). / J. A. Hobson, Richard Cobden, the International Man (Londres, 1918 ; rééd., 1968). / I. I. Bowen, Cobden (Londres, 1935). / D. Read, Cobden and Bright (Londres, 1967).