Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Claudel (Paul) (suite)

Paul Claudel est très dépaysé par cette installation à Paris. Il poursuit ses études au lycée Louis-le-Grand, où il a pour condisciples Marcel Schwob, Léon Daudet, Romain Rolland. La distribution des prix de 1883 est présidée par Ernest Renan. En 1884-85, Claudel est l’élève de Burdeau en philosophie : il gardera de cet enseignement, bien qu’il ne l’ait pas convaincu, un excellent souvenir. En 1885, il assiste aux funérailles nationales de Victor Hugo, qu’il devait comparer plus tard à « une descente de la Courtille ». En 1886, les Claudel s’installent boulevard du Port-Royal. C’est à cette date que le jeune homme lit les Illuminations et, un peu plus tard, Une saison en enfer. Le 25 décembre, pendant les vêpres à Notre-Dame, au chant de l’Adeste fideles, « mon cœur fut touché et je crus ». Toutefois, ce n’est que quatre ans plus tard, le 25 décembre 1890, qu’il rentrera sacramentellement dans l’Église.

Ces quatre années sont remplies d’immenses lectures, entre autres la Bible et Dante. En 1887, Claudel écrit sa première œuvre dramatique, l’Endormie. En 1888, il en écrit une seconde, Une mort prématurée, qu’il détruira plus tard et dont il ne subsiste que deux scènes, connues sous le titre de « Fragment d’un drame ». Mais c’est là que Claudel donne, pour la première fois, toute sa mesure et, comme il devait le dire plus tard à Jean Amrouche dans les Mémoires improvisés, qu’il se rend compte qu’il a « les moyens » [...], on peut bien appeler ça le génie, dont j’ai pris conscience à ce moment-là, et qui, plus tard, alors, a pris forme dans Tête d’or ».

De fait, c’est en 1889 que, tout en préparant le concours des Affaires étrangères, où il est reçu premier en 1890, Claudel écrit la première version de Tête d’or. La première version de la Ville est commencée en 1890 et terminée en 1891. Claudel fait partie à ce moment d’un groupe littéraire qui comprend Marcel Schwob, Léon Daudet, Maurice Pottecher, Jules Renard, Camille Mauclair et Bijvanck. C’est aussi l’époque où il fréquente les mardis de Mallarmé, rue de Rome. En 1892, il s’installe quai Bourbon, dans l’île Saint-Louis, et il écrit la première version de la Jeune Fille Violaine, qui demeurera longtemps inédite.

En mars 1893, nommé vice-consul à New York, Paul Claudel s’embarque pour les États-Unis. Il débarque le 2 avril. Commence pour lui un long exil qui ne s’achèvera, avec des interruptions plus ou moins longues, qu’en juin 1935, lorsque prendra fin sa carrière diplomatique. En décembre 1893, Claudel est nommé à Boston. C’est là et à New York qu’il écrit l’Échange, la deuxième version de Tête d’or et qu’il traduit l’Agamemnon d’Eschyle. Il commence même à reprendre la Ville. En novembre 1894, il est nommé à Shanghai (Chang-hai). Pour rejoindre son poste, il passe par la France, où il séjourne de février à mai 1895. Pendant l’été, il accomplit la longue traversée vers la Chine et commence à écrire les poèmes qui composeront Connaissance de l’Est. À Shanghai (Chang-hai), il écrit les Vers d’exil, sa seule œuvre importante en alexandrins.

Le voici en Chine pour fort longtemps. En 1896, il est nommé à Fu-zhou (Fou-tcheou), d’où il devait encore revenir à Shanghai, puis faire un séjour à Hankou (Han-k’eou) et même un voyage au Japon. Il finira cependant par se fixer à Fuzhou (Fou-tcheou), certainement la résidence chinoise qu’il a le plus aimée et le mieux connue. En 1896, il écrit le Repos du septième jour et, en 1898, termine la deuxième version de la Ville. En 1898-99, il compose la deuxième version de la Jeune Fille Violaine.

Le 22 octobre 1899, il part en congé pour la France. En décembre, passant par Suez, il fait un pèlerinage chez les Bénédictins. En septembre-octobre 1900, il accomplit une retraite à Solesmes et à Ligugé, mais se décide finalement à repartir pour la Chine. « Il a été refusé » dans la tentative qu’il a faite pour se donner entièrement à Dieu.

C’est pendant ce séjour en France que Claudel a écrit la première partie de la première des Cinq Grandes Odes, « les Muses », et aussi « le Développement de l’Église », qui formera la troisième partie de l’Art poétique. À la fin de 1900 ou au début de 1901, il est reparti pour la Chine à bord de l’Ernest-Simons.

C’est sur ce bateau qu’il devait faire la connaissance d’Ysé, comme il est écrit au premier acte de Partage de midi. Ainsi commencèrent les années brûlantes de Fuzhou (Fou-tcheou), où le poète a repris son poste de consul. Il traduit le poète anglais Coventry Patmore ; il écrit encore quelques poèmes de Connaissance de l’Est ; en 1903 et en 1904, il compose les deux premiers traités de l’Art poétique, « Connaissance du temps » et « Traité de la co-naissance au monde et de soi-même » ; en 1904, il achève « les Muses » ; Ysé le quitte au mois d’août ; en septembre, Claudel commence à tenir son Journal, qui n’est guère fait d’abord que de citations de l’Écriture et des Pères ; le 9 octobre meurt le confesseur de Claudel, l’abbé Villaume.

En avril 1905, Claudel est rentré en France, où il se déplace énormément, saisi par une fièvre d’agitation. C’est à Villeneuve-sur-Fère, en automne, qu’il écrit Partage de midi. Le 28 décembre, il se fiance à Lyon avec Reine Sainte-Marie-Perrin, fille de l’architecte de Fourvière. Le mariage aura lieu le 15 mars 1906, et, trois jours après, Claudel repart pour la Chine avec sa femme. Il résidera désormais dans le Nord, à Pékin et surtout à Tianjin (T’ien-tsin). C’est à Pékin qu’il écrit la deuxième ode, « l’Esprit et l’eau ». Le 20 janvier 1907, naît à Tianjin (T’ien-tsin) Marie Claudel, et c’est là que Claudel écrit les trois dernières odes : « Magnificat », « la Muse qui est la grâce » et « la Maison fermée ». En mars 1908, naît, toujours à Tianjin (T’ien-tsin), Pierre Claudel. Le poète écrit dans une manière nouvelle les poèmes qui formeront Corona benignitatis anni Dei ; il ébauche le premier projet de l’Otage et retourne en France avec sa famille par le Transsibérien en août-septembre 1909. En octobre, il est nommé à Prague, où il s’installe en décembre.