Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

classe et relation (suite)

 E. W. Beth, les Fondements logiques des mathématiques (Gauthier-Villars, et Nauwelaerts, 1950 ; 2e éd., 1955). / J. B. Rosser, Logic for Mathematicians (New York, 1953). / R. Carnap, Einführung in die symbolische Logik (Vienne, 1954). / P. R. Halmos, Lectures on Boolean Algebras (Princeton, 1963).

classe sociale

Groupe social relativement clos que définissent, en des proportions variables selon les situations historiques, des éléments économiques, socio-culturels et politiques dont l’importance respective est diversement évaluée par les idéologies.



Polysémie du terme

Bien que l’on s’accorde généralement pour affirmer qu’un « système de classes » est une espèce du genre « système de stratification », de nombreuses divergences surgissent entre les spécialistes quant à la signification et à la caractérisation sociologique de la classe et du système de classes, en raison d’équivoques issues d’un usage sans discrimination du mot classe comme synonyme de strate, de caste, d’ordre ou de rang. Il faut aussi tenir compte des retentissements émotionnels provoqués par la charge idéologique de doctrines prétendant expliquer l’ordre social afin de le modifier, et du fait que sur la notion s’est greffée une mythologie de l’identité de la classe en tout temps et en tout lieu malgré la diversité de ses manifestations. Le regain d’intérêt du problème dans des sociétés néo-capitalistes, socialistes, sous-développées, qui confrontent leur propre système de stratification au schéma de référence fourni par le xixe s. européen, suggère l’utilité d’une analyse critique des théories qui soutiennent la plupart des jugements portés sur les classes sociales.

Dans un sens purement formel et logique, le terme de classe désigne une catégorie d’objets ou d’individus présentant des caractéristiques communes. En se référant à cette interprétation nominaliste et en la conjuguant avec l’idée de hiérarchie, on ne saurait que dresser des échelles de conditions sociales variables selon le critère considéré (revenu, appartenance socio-professionnelle, fonction religieuse, etc.) et découper de manière purement analytique des groupes dépourvus de réalité objective, non organisés, sans intérêts communs ni unité d’action, une similitude de situation ne suffisant pas à provoquer des réactions communes. Le constat lui-même des inégalités sociales réelles laisse seulement présager la possibilité de hiérarchies de types divers à l’intérieur d’une société globale. Néanmoins, le fait que les inégalités tendent à se surimposer et à se transmettre dans un groupe social par une hérédité de position, qu’elles s’accentuent entre chaque groupe dont s’homogénéise progressivement le style de vie et de croyance des membres, qu’elles ne soient pas universellement acceptées et qu’elles suscitent des contestations de l’ordre établi, tout cela constitue un ensemble de conditions nécessaires à l’apparition de classes sociales.


Recherche d’un parrainage

Le terme lui-même de classe, dont Marx attribuait par erreur la paternité à l’historien Guizot, apparaît à une époque troublée par les répercussions de la Révolution française et la montée de nouveaux groupes consécutive à la croissance industrielle. Une ambiguïté subsistera entre l’image pratique et l’usage scientifique du terme. Avec les économistes anglais Adam Smith et surtout Ricardo, le mot classe — qui désigne dans le troisième livre de l’Ethique de Spinoza, comme pour Littré plus tard, la condition ou le rang résultant de l’inégalité sociale — commence à s’imposer dans son acception économique. Il s’applique à des groupes entre lesquels se répartissent les sources de richesse et entre lesquels se distribue le revenu national. À la fin du xviiie s., le révolutionnaire Babeuf, avec des intentions polémiques, souligne le caractère d’antagonisme des rapports de classes. Alexis de Tocqueville confère à l’expression classe sociale, parfois identifiée au terme de parti, un sens plus politique, lorsqu’il conçoit l’histoire de la France comme l’affrontement de l’aristocratie, des classes moyennes et des classes populaires autour d’intérêts divergents. La lutte politique (celle du mouvement de 1848 comme celle du syndicalisme) s’établit principalement à partir de situations opposées par rapport à la propriété, remarque-t-il. Pour Saint-Simon, qui envisage aussi le problème des classes sociales dans le contexte de son époque, le secteur de pointe, l’industrie, exprime véritablement la société globale. De l’opposition, concomitante à l’industrialisation et au progrès des sciences, entre la classe industrielle et le pouvoir des féodaux et du clergé, un ordre social nouveau doit naître. Située entre deux pôles, la classe intermédiaire bourgeoise, composée des propriétaires oisifs et des militaires d’origine roturière, se range selon ses intérêts du moment : elle se place d’abord aux côtés de la classe industrielle, contre les classes dominantes, avant 1789 ; puis, avec le bonapartisme, elle reconstitue une nouvelle féodalité et se range alors aux côtés des anciens nobles pour dominer la classe industrielle. Dans une dynamique à plus longue durée, c’est à propos du travail que s’affrontent les forces rivales, réparties en « oisifs et producteurs », « frelons et abeilles ». Ce schéma bipartite, s’il convient mieux à l’analyse de l’avenir, peut aussi, selon Saint-Simon, expliquer les tensions du présent.


Apports théoriques de Marx

En tant que totalités concrètes et sujets historiques, les classes ne peuvent être saisies par analyse microsociologique, mais seulement à certains niveaux relevant de la macrosociologie : rapports de production, superstructures juridiques, politiques et idéologiques. En effet, une classe se définit, selon Marx*, en fonction d’un mode de production et à l’intérieur d’un système de rapports de production, plus précisément par le rôle que ses membres jouent dans la production et la part des résultats qu’ils en reçoivent. Dans le système capitaliste existe une distinction des classes en raison de l’appropriation privée des moyens de production. L’opposition entre la classe ouvrière, composée des producteurs de plus-value, qui ne peuvent vendre que leur force de travail, et la classe bourgeoise, identifiée à ceux qui, propriétaires de moyens de production, exploitent à leur profit la plus-value, résulte à la fois : 1o de la séparation entre capital et travail (séparation que Marx juge nécessaire d’abolir) ; 2o de la dynamique même du système tendant à l’accumulation des capitaux d’un côté, à la prolétarisation et à la paupérisation continue de l’autre ; 3o de l’exaspération des antagonismes par cumul des insatisfactions nées du déséquilibre entre les richesses produites et le pouvoir d’achat remis au travailleur.