Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

circulation atmosphérique (suite)

Relativement à la Terre, un air stagnant, air équatorial par exemple, est immobile. Il est pourtant mobile par rapport à un système de référence absolu constitué par des étoiles fixes. Il se déplace alors à la vitesse (linéaire) de rotation des points de l’équateur, soit 465 m/s. Le vent d’est, pour sa part, peut être conçu dans l’absolu comme étant un vent d’ouest qui s’écoule, à sa latitude de référence, moins vite que ne défile la Terre sous lui. Le vent d’ouest au contraire, selon cette conception, se déplace au-dessus des parallèles plus vite que le globe. Un exemple saisissant concrétise ces dispositions. Remplaçons le mouvement zonal de l’air par celui d’un avion. Aux latitudes 57-60°, la vitesse de rotation de la Terre vers l’est est la même que celle des avions subsoniques. Si donc un avion vole vers l’ouest à ces latitudes, il se déplace par rapport à la Terre mais reste fixe à l’égard du Soleil. Ainsi les passagers volant entre la Grande-Bretagne et le Labrador gardent de bout en bout le même éclairage (soleil de midi... soleil couchant, etc.) [fig. 1].

Dans cette analyse, nous venons d’impliquer les mouvements de la Terre le long des parallèles et ceux de l’air au-dessus de ces mêmes parallèles (mouvements de rotation assimilables à des déplacements linéaires). Or, les notions de mouvements absolus et de mouvements relatifs sont également applicables aux figures atmosphériques tourbillonnaires (giration d’un flux autour d’un axe vertical) et à la rotation terrestre elle-même, créatrice d’un tourbillon en chaque lieu du globe. Ces notions vont nous permettre de déduire, dans la phase dynamique de l’enchaînement où nous sommes engagés, les faits majeurs de la circulation atmosphérique. Nous nous placerons pour cela dans l’atmosphère libre (haute troposphère), là où n’intervient pas la force de frottement qui se manifeste au contact du substratum géographique. Partant des mouvements méridiens postulés par les inégalités thermiques du globe, voyons comment ces mouvements s’organisent par référence aux notions qui viennent d’être dégagées et qui s’intègrent elles-mêmes dans un certain nombre de principes mécaniques.


Application du principe d’inertie avec conservation approximative des vitesses linéaires absolues acquises

La vitesse (linéaire) de rotation de la Terre est maximale à l’équateur (465 m/s) et décroît jusqu’aux pôles, où elle est nulle. Les particules d’air stagnant à la surface du globe subissent le même mouvement absolu que leurs latitudes d’implantation. Admettons alors que ces particules glissent à travers les parallèles. Le principe de conservation de la vitesse absolue de leur lieu d’origine aboutira à leur donner une vitesse relative par rapport à la Terre, en leur latitude de recueil. Le glissement à travers les parallèles d’un air équatorial stagnant aboutit à reporter cet air au-dessus de portions de la Terre où la vitesse linéaire absolue est moins forte que la sienne, qui est de 465 m/s. Ainsi il se trouve, sur sa latitude d’arrivée, posséder une avance sur le globe et représenter un vent d’ouest (fig. 2, trajectoire relative [a], référence étant faite, comme dans tout ce qui suivra, à l’hémisphère Nord). À l’inverse, une particule d’air sans mouvement par rapport au pôle, et ainsi par référence à un repère extra-terrestre, glissant vers des latitudes plus méridionales, conservera son immobilité absolue dans le temps où la Terre défilera sous elle avec une certaine vitesse. D’où retard de cette particule à l’égard du sub-stratum et création par référence à ce dernier d’un flux d’est (fig. 2, trajectoire relative [b]). Pour un observateur terrestre, la trajectoire tend toujours vers une disposition zonale, par suite d’un appui vers la droite.

Un raisonnement identique appliqué à l’hémisphère Sud aboutirait à la mise en évidence d’un processus symétrique par rapport à l’équateur, avec appui des flux vers la gauche (fig. 2). Les courbures valables pour des flux méridiens le demeurent d’ailleurs pour des flux zonaux. Ainsi on arrive, du fait de la sphéricité de la Terre et de sa rotation vers l’est autour de l’axe des pôles, à la mise en évidence d’une déviation apparente (référence étant faite à l’observatoire terrestre) qui n’est autre que la « force (fictive) de Coriolis ». L’application d’un autre principe de mécanique, celui de la conservation du « moment de rotation » (constance du produit de la vitesse linéaire absolue de l’air au-dessus des parallèles par le rayon de rotation de cet air autour de l’axe des pôles, de sorte que la vitesse linéaire d’un anneau d’air initialement équatorial s’accélère quand cet anneau glisse sur un parallèle plus court, donc au rayon plus faible), aboutirait sinon à des résultats quantitatifs identiques, du moins à une conclusion semblable quant au sens général des phénomènes.

La mise en évidence de la force de Coriolis sera d’une grande importance pour comprendre l’allure des vents par rapport aux pressions en atmosphère libre, c’est-à-dire abstraction faite de la force de frottement (v. vent). Il faut cependant constater que le raisonnement qui précède n’éclaire qu’imparfaitement sur l’allure que prennent vraiment en altitude les flux issus des pôles ou des basses latitudes puisque, si les advections chaudes deviennent effectivement des vents d’ouest, il en est de même, en général, des coulées polaires. Celles-ci, à l’inverse de ce qui se passe en superficie (près du sol), se trouvent donc alors en désaccord avec l’application des principes que nous venons d’évoquer. Il convient alors de voir si le principe de conservation du tourbillon absolu ne répond pas de façon plus complète à la réalité.


Application du principe de conservation du tourbillon absolu

De ce principe, il résulte que la rotation d’un flux autour d’un axe vertical demeurera sans changement par référence à un observatoire fixe extra-terrestre, quel que soit le déplacement opéré par le tourbillon à la surface du globe. On convient de la réalité de la chose pour un temps relativement court, en atmosphère libre, et à la condition qu’aucun effet secondaire de convergence ou de divergence ne vienne modifier l’événement. Cette réalité peut se traduire par la formule ζ + f = K (ζ étant le tourbillon atmosphérique relatif, appréciable depuis le globe, et f le tourbillon de la Terre, ou tourbillon d’entraînement ; nul à l’équateur, celui-ci est maximal aux pôles). Le tourbillon relatif prend de la courbure cyclonique s’il augmente et de la courbure anticyclonique à l’inverse. C’est cela qui doit nous préoccuper puisque notre objectif est d’apprécier l’allure finale des flux par rapport à la Terre. Dans ce dessein, à la notion de conservation des vitesses linéaires absolues, nous devons substituer celle de conservation des vitesses angulaires (fig. 3). La vitesse angulaire de la Terre au pôle, où f = Ω, nous aide à comprendre celle que, selon le principe retenu, conservera une colonne d’air qui, stagnant d’abord aux très hautes latitudes, glissera ensuite, sans effet secondaire, jusqu’au 45e parallèle par exemple. Le tableau résume la situation. Le tourbillon absolu de la colonne est, au pôle, égal à celui de la Terre (Ω), son tourbillon relatif étant nul. Mais, au 45e parallèle, f n’a plus la valeur maximale, et le tourbillon relatif n’est plus nul. L’augmentation de ce dernier aboutit à sa prise de valeur cyclonique. C’est dire que les coulées polaires d’altitude doivent dévier vers la gauche (fig. 4). Cela est conforme à l’observation. Raisonnons maintenant à partir des régions subéquatoriales en nous appuyant sur le cas d’un cyclone tropical qui, sans subir d’effets de convergence ou de divergence, remonte, comme il arrive souvent, vers de plus hautes latitudes. Cette remontée implique l’augmentation de f et, pour maintenir la constance du tourbillon absolu, la diminution de ζ (d’où perte du tourbillon relatif en valeur cyclonique... ou gain en valeur anticyclonique). Le fait est que les cyclones tropicaux, sauf intervention extérieure, tendent toujours à se combler en glissant vers les pôles. Ce qui revient, pour nous, à la prise de courbure anticyclonique d’un flux évoluant en direction des hautes latitudes, c’est-à-dire à retrouver le résultat de l’application du principe de conservation des vitesses linéaires. En tout état de cause, la conservation du tourbillon absolu concorde sans restriction avec l’allure effectivement prise par les flux d’altitude à partir d’un départ méridien. Un grand écoulement d’ouest en résulte, le jet-stream subtropical (fig. 4), et aussi l’organisation générale de la circulation en atmosphère libre avec basses pressions du côté polaire et hautes pressions du côté tropical (fig. 3 dans anticyclone). On pouvait d’ailleurs très simplement arriver à ces dispositions par la seule observation des « masses » de température. On sait que l’air froid s’accumule dans les basses couches de l’atmosphère, où il provoque de hautes pressions, corrélatives de pressions plus faibles en altitude. Cela se produit justement aux hautes et moyennes latitudes. L’air chaud, au contraire, garde loin au-dessus du niveau de la mer une certaine densité qui maintient des pressions relativement fortes. En ce sens, les latitudes sub- et intertropicales sont, en atmosphère libre, le siège de pressions plutôt élevées. Il s’ensuit que, dans la haute troposphère, l’écoulement s’opère de façon zonale entre les domaines majeurs de pressions, cet écoulement (hémisphère Nord) laissant les anticyclones sur la droite et les basses pressions sur la gauche.