Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chrome (suite)

Il existe un important ensemble de dérivés du chrome de nombre d’oxydation VI, parmi lesquels des oxyhalogénures, comme le chlorure de chromyle CrO2Cl2, des chromates, tel Na2CrO4,et des polychromates, tel le bichromate de potassium K2Cr2O7. L’oxyde CrO3 est l’anhydride chromique, qui donne avec l’eau un polyacide dont la première acidité est forte.

On a des bichromates en milieu acide et des chromates en milieu alcalin. Les bichromates sont nettement oxydants, et la réaction élémentaire d’oxydation s’écrit

avec E0 = 1,33 V. Sous l’action de l’eau oxygénée, les solutions aqueuses de chromates donnent naissance à l’acide peroxychromique H2CrO5.

On connaît encore le chrome carbonyle Cr(CO)6. On a préparé divers composés sandwichs, tel [Cr(C6H6)2]Cl. Ce composé, le chlorure de bisbenzène chrome I, peut être réduit à l’état de chrome dibenzène Cr(C6H6)2. On peut également préparer le chrome biscyclopentadiényle, de formule (C5H5)2Cr.

H. B.


Élaboration

Les minerais oxydés les plus courants sont la chromite, ou fer chromé Cr2O3FeO, et le chromocre Cr2O3, dont les principaux gisements sont exploités en Turquie, dans l’Oural, aux États-Unis et en Rhodésie. Deux groupes de procédés d’élaboration se distinguent suivant la teneur en carbone recherchée dans le ferrochrome ou dans le chrome pur.

Le procédé du four électrique à arc avec électrodes de graphite permet d’élaborer, à partir de chromite par réduction à l’aide du carbone à haute température, un ferrochrome titrant 60 à 75 p. 100 de chrome et 2 à 5 p. 100 de carbone. Pour l’addition à certains aciers, il est nécessaire d’abaisser la teneur en carbone à 0,05 p. 100 (ferrochrome suraffiné) par traitement de décarburation au four électrique à l’aide d’un laitier oxydant contenant de la chromite.

Le procédé de métallothermie, soit aluminothermie, soit silicothermie, permet l’obtention de ferrochrome exempt de carbone (0,02 p. 100 au maximum), ou de chrome pur ; le minerai, mélangé de poudre d’aluminium réductrice, est placé dans un petit four avec creuset de magnésie, et la réaction exothermique est amorcée par un mélange d’inflammation avec un fil de magnésium.


Utilisations

Le chrome sous forme métallique s’emploie pour constituer des revêtements de pièces en raison de ses principales caractéristiques : résistance à la corrosion de l’atmosphère et de certains agents chimiques, tenue à l’oxydation (formation d’un film d’oxyde protecteur), haute dureté, résistance à l’usure. Le chromage électrolytique de protection des pièces en acier s’opère vers 50 °C en bains acides, à base d’acide chromique additionné de sulfate de chrome. Le dépôt à effet décoratif, effectué soit directement sur l’acier, soit avec interposition de cuivre et de nickel, a une épaisseur de l’ordre de 1 micron. Pour des applications de résistance à l’usure et à l’abrasion, le dépôt électrolytique de « chrome dur » a une épaisseur de 0,01 à 0,20 mm ; cette dureté particulière est obtenue grâce aux conditions d’électrolyse, qui permettent au chrome déposé une forte absorption d’hydrogène, jusqu’à 250 fois son volume. D’autre part, on peut déposer du chrome poreux, dont la structure présente de nombreuses fissures favorables comme supports de lubrification. On revêt ainsi des poinçons et des matrices d’outillage, des chemises de cylindres de moteurs d’automobiles, des arbres de moteurs. Le chromage en forte épaisseur, de l’ordre de 0,50 mm, soit électrolytiquement, soit par dépôt par fusion au chalumeau, permet le rechargement de pièces détériorées par usure.

Des revêtements de chrome jusqu’à 1 mm d’épaisseur, par procédé thermochimique de chromisation, sont pratiqués également sur des pièces devant résister à la fois à l’usure et à l’oxydation à chaud, telles que pièces de fours, ailettes de turbines d’aviation, guides de machines thermiques, etc. La chromisation sur pièces ferreuses est réalisée à chaud, entre 900 et 1 200 °C suivant le procédé, par décomposition d’un halogénure de chrome (fluorure, chlorure ou iodure) sous forme gazeuse et par diffusion du chrome libéré dans les couches superficielles de la pièce.

Un autre domaine important est l’utilisation du chrome comme addition dans les alliages surtout ferreux en raison de ses propriétés intéressantes : amélioration de la tenue à la corrosion et à l’oxydation à chaud des aciers et des fontes, augmentation de la dureté par formation de carbures de chrome durs, amélioration de la résistance à l’usure de certains aciers et facilité de la pratique des traitements thermiques par modification des points de transformation. Le chrome est surtout utilisé dans les alliages suivants :
— aciers à faible teneur en chrome, de 1 à 3 p. 100 avec 0,5 à 1,5 p. 100 de carbone pour la coutellerie ou les outils tels que limes ou enclumes ;
— aciers à haute teneur en chrome, tels que les aciers à roulements à 10 p. 100 de chrome et 1 p. 100 de carbone, les aciers d’outillage à faible déformation par traitement thermique, à 13 p. 100 de chrome et 2 p. 100 de carbone, ainsi que les aciers à soupapes au chrome-cobalt ou au chrome-silicium-tungstène ;
— aciers inoxydables à très faible teneur en carbone, soit au chrome seul à 13 p. 100 pour l’industrie alimentaire, la coutellerie, les instruments chirurgicaux, soit du type 18-8 à 18 p. 100 de chrome et 8 p. 100 de nickel ; ces aciers, dont la teneur en chrome varie de 13 à 20 p. 100, avec une teneur en nickel de 7 à 15 p. 100 et des additions de molybdène et de stabilisants de la structure tels que le titane et le niobium, constituent la classe la plus importante des aciers inoxydables ;
— aciers et alliages réfractaires dans lesquels la teneur en chrome peut atteindre 30 p. 100, avec du nickel, de l’aluminium, du silicium, du manganèse, du tungstène et du molybdène ; ces alliages sont utilisés pour des pièces de fours, des résistances électriques, des éléments de chaudières et toutes les pièces devant résister à l’action de l’air, de gaz sulfureux et de gaz carbures à des températures de l’ordre de 1 000 °C ;
— fontes réfractaires à 30 p. 100 de chrome, constituant des éléments de grilles de fours, et fontes résistant à l’usure, dont la teneur en chrome est comprise entre 0,7 et 2 p. 100, utilisées pour cylindres de laminoirs, engrenages, socs de charrues.

R. Le R.

➙ Acier / Alliage / Fonte.