Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

christianisme (suite)

La grâce et le libre arbitre selon Calvin

« Que l’homme est maintenant dépouillé de franc arbitre et misérablement assujetti à tout mal. »

« C’est une chose résolue que l’homme n’a point libéral arbitre à bien faire, sinon qu’il soit aidé de la grâce de Dieu et de grâce spéciale qui est donnée aux élus tant seulement, par régénération ; car je laisse là les frénétiques qui babillent qu’elle est indifféremment exposée à tous. »

« Qu’est-ce que nous présumons tant de la puissance de notre nature ? Elle est navrée, elle est abattue, elle est dissipée, elle est détruite, elle a métier de vraie confession et non point de fausse défense. Il est nécessaire que toutes les armes soient brisées, rompues et brûlées, que tu demeures désarmé n’ayant en toi nulle aide [...]. D’autant que tu es plus débile en toi, Dieu te reçoit tant mieux. »

« Ce que je dis, la volonté être dépouillée de liberté est nécessairement tirée au mal, c’est merveille si quelqu’un trouve cette manière de parler étrange, laquelle n’a nulle absurdité et a été usitée des anciens docteurs [...]. Qui est-ce qui arguera le péché n’être pas volontaire en l’homme, pour ce qu’il est sujet à nécessité de péché ? La nature de l’homme est si perverse qu’il ne peut être ému, poussé ou mené sinon au mal. »

« Tout ce qui est de bien au cœur humain est œuvre de pure grâce. »

Extraits de l’Institution chrétienne, livre II, chapitres II et III.


À la recherche de l’unité perdue

Le but premier du concile de Trente, pourtant, celui pour lequel surtout il avait été convoqué, la réunion avec les réformés, n’avait pas été atteint. De nos jours encore, le christianisme compte trois grandes Églises : l’orthodoxe, la réformée et la catholique.

Actuellement, un nouvel esprit, œcuménique, semble souffler sur ces Églises malheureusement séparées et œuvrer pour la réunification des chrétiens. Au deuxième concile du Vatican, pour la première fois, on a vu le pape et le patriarche de Constantinople annuler les excommunications réciproques de 1054 et aussi des délégués des diverses Églises protestantes et orientales y assister comme observateurs.

C’est qu’au-delà des oppositions dogmatiques et des anathèmes, au fur et à mesure que la coexistence dure, et de par sa durée même, se crée une accoutumance. D’un autre côté, ce qui est antérieur, c’est-à-dire l’idée de chrétienté, demeure dans le psychisme collectif, et l’Europe fut à partir de la seconde moitié du xviie s. une unité de recours, une unité d’attente. On peut dire que l’Europe a rendu à terme nécessaire la reconnaissance par les frères séparés d’une appartenance à un fonds religieux commun.

Déjà, après 1630, des hommes comme Grotius (1583-1645), Spinoza*, Bossuet* et Leibniz* essaient de refaire l’union, tentatives avortées et prématurées sans doute, mais jalons précieux pour l’avenir. Dans le mental collectif perdurent aussi certaines formes intactes de l’idée de chrétienté. D’abord une conscience collective qui, par opposition à l’infidèle, ressent le besoin de la croisade comme exigence de salut commun.

Au xvie et au xviie s., avec Lépante en 1571 et la victoire impériale de Kahlenberg de 1683 sur les Turcs, s’affirme pour les chrétiens un destin commun. Des papes comme saint Pie V (1566-1572) et Innocent XI (1676-1689) s’acharnent à entraîner la Russie orthodoxe dans une Sainte Ligue. On peut donc dire que l’Ottoman a contribué à entretenir chez les chrétiens la conscience d’appartenir au fond à une même foi.

L’autre forme, c’est la participation à des modalités ecclésiales identiques. Sans parler de l’étroite parenté sociale des Églises séparées, il y a entre elles des traits communs : une forte structuration cléricale, un recrutement sacerdotal et pastoral à forte prédominance urbaine, une territorialisation accentuée et une culture de plus en plus ouverte au siècle.

Comment aussi ne pas voir, pour ne citer que ces deux exemples, que la doctrine janséniste, par certains côtés, sert de pont entre calvinistes et catholiques, et que les écrits spirituels d’un Fénelon étaient lus par les quakers d’Angleterre comme par ceux des forêts américaines.

Toutes ces tendances aboutirent à la fin du xixe s. à la naissance du mouvement œcuménique, parti d’abord d’Angleterre et qui se continua dans les entretiens de Malines entre lord Halifax et le cardinal Mercier. Un mouvement intérieur au protestantisme rejeta dans le passé les positions des protestants libéraux et remit en pleine lumière la croyance à la divinité du Christ et à la Trinité, ce qui facilita le rapprochement.

De tous côtés, les chrétiens orientaux et protestants ainsi que, depuis le deuxième concile du Vatican (1962-1965) et Jean XXIII (1958-1963), les catholiques recherchent de plus en plus à retrouver l’unité de foi et à rétablir l’ancien œcuménisme chrétien. Il n’empêche que le christianisme, dans son ensemble et particulièrement dans les pays occidentaux, est fortement mis en question, tant du fait d’une déchristianisation qui atteint les fibres mêmes de la société moderne que parce que la civilisation judéo-chrétienne semble désarmée ou mal armée devant l’injustice qui domine le monde contemporain et devant les réponses que la science et la technique semblent donner aux désirs de l’homme. Cependant, la religion du Christ est, avec le marxisme, la force majeure de notre temps.

Implantation actuelle du christianisme

Dénombrer avec précision les chrétiens est une tâche impossible, d’abord parce que les recensements sont assez vagues, d’autre part parce qu’il est difficile de définir un véritable chrétien : entre le baptisé indifférent et en fait agnostique et celui qui s’efforce de modeler sa vie sur le Christ et son message, il y a d’innombrables nuances.

On peut simplement dire que les hommes qui se réclament du Christ sont environ un milliard, le groupe des catholiques romains représentant, en gros, la moitié des effectifs ; les protestants divers sont environ 250 millions et les orthodoxes et orientaux non romains 150 millions.

P. R.