Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cholokhov (Mikhaïl Aleksandrovitch) (suite)

Membre actif du parti communiste depuis 1932, député au Soviet suprême depuis 1938, prix Staline en 1941, prix Lénine en 1960, choyé par Khrouchtchev, Cholokhov proclame hautement sa parfaite loyauté politique, notamment dans le discours qu’il prononce à Stockholm en 1965, lorsqu’il reçoit le prix Nobel. Ses prises de position ultra-conservatrices au moment du procès de Siniavski et de Daniel lui attirent la réprobation de l’intelligentsia libérale. Cependant, son œuvre, d’abord suspecte à la critique « prolétarienne » et présentée aujourd’hui comme une parfaite illustration du réalisme socialiste, déborde par son épaisseur humaine et par sa résonance tragique les cadres de la stricte orthodoxie dont se réclame son auteur.

M. A.

 I. G. Lejnev, l’Itinéraire de Cholokhov (en russe, Moscou, 1958). L. G. Yakimenko, les Œuvres de Cholokhov (en russe, Moscou, 1964). / D***, le Cours du « Don paisible » (Éd. du Seuil, 1975).

Chomsky (Avram Noam)

Linguiste américain (Philadelphie 1928).



Formation

À l’université de Pennsylvanie, Noam Chomsky entreprend tout d’abord des études de linguistique, de mathématiques et de philosophie. En se spécialisant plus particulièrement en linguistique, il continue une certaine tradition familiale (son père fut un grammairien connu pour ses travaux sur l’hébreu). Ses toutes premières analyses, situées dans la perspective méthodologique de l’école néo-bloomfieldienne, portent sur l’hébreu moderne : Morphophonemics of Modern Hebrew (1951). C’est sous la direction de Zellig S. Harris qu’il s’engage, vers 1950, dans l’étude des problèmes soulevés par l’introduction des procédures transformationnelles en syntaxe. Tout en restant inscrit à l’université de Pennsylvanie, où il passe son Ph. D. Dissertation en 1955, Transformational Analysis, c’est surtout à l’université Harvard, en qualité de Junior Fellow de 1951 à 1955, qu’il poursuit ses principales recherches. Une grande partie de ses travaux pendant cette période (Systems of Syntactic Analysis, 1953 ; The Logical Structure of Linguistic Theory, 1955) vise à déterminer les fondements mathématiques et logiques des opérations qui sous-tendent les différents modèles d’analyse syntaxique élaborés par les structuralistes américains. Les premiers résultats de ces études mathématiques approfondies sur des grammaires suffisamment explicites pour être formulées en un système de règles précises font l’objet de sa communication au symposium tenu sur la théorie de l’information en 1956 : « Three Models for the Description of Language ». En s’appuyant plus particulièrement sur la théorie des automates, N. Chomsky démontre en premier lieu l’inadéquation du modèle à nombre fini d’états pour décrire les langues naturelles au niveau syntaxique, où les phrases sont engendrées linéairement, de gauche à droite, selon les processus de Markov. Examinant ensuite les propriétés formelles du modèle de constituants, élaboré principalement par Z. S. Harris et Rulon S. Wells, il met en évidence certaines de ses limites (description des constituants discontinus, cas d’ambiguïté syntaxique non analysable) et surtout sa complexité dès qu’il ne s’agit plus seulement de donner une représentation structurelle de phrases relativement simples. Le modèle transformationnel qu’il propose permet de résoudre quelques-unes des difficultés soulevées par le modèle de constituants et offre, outre une plus grande simplicité, une puissance descriptive et explicative supérieure. C’est à partir de ces travaux, qui ouvraient des perspectives nouvelles sur le domaine de la linguistique mathématique, que N. Chomsky élabore et précise sa propre conception de la grammaire transformationnelle. Une première version appliquée à l’anglais en est présentée en 1957 dans Syntactic Structures, publication qui est à l’origine d’une remise en question importante des fondements théoriques de la linguistique structurale et qui donnera naissance à un mouvement nouveau, celui de la linguistique générative.


Structures syntaxiques

Syntactic Structures s’ouvre sur une double question longtemps délaissée par les linguistes structuralistes : qu’est-ce qu’une grammaire et quels sont ses rapports avec la théorie linguistique générale qui lui est sous-jacente ? Toute langue étant définie comme « un ensemble (fini ou infini) de phrases, chacune d’entre elles étant de longueur finie et composée d’un ensemble fini d’éléments », l’analyse syntaxique appliquée à une langue particulière doit déterminer la manière dont sont organisées les phrases de la langue, c’est-à-dire qu’elle a pour objet la construction d’une grammaire. N. Chomsky reconnaît le bien-fondé d’une analyse syntaxique purement formelle et indépendante des questions sémantiques, telle qu’elle a été entreprise avec beaucoup de rigueur par les linguistes de l’école distributionnaliste. Néanmoins, il s’écarte de ceux-ci lorsqu’il introduit le concept de grammaticalité et le principe de créativité dans le langage. Ces deux notions, dont la première seule est largement développée dans Syntactic Structures, sont posées comme préalables à toute analyse. Elles représentent une hypothèse générale sur la structure des langues naturelles, s’appuyant sur un ensemble d’observations empiriques, qui peuvent être résumées ainsi : tout locuteur natif possède une certaine intuition de la structure de sa langue, ce qui lui permet, au moins dans un grand nombre de cas, de distinguer les phrases grammaticales (ou correctement formées) des phrases agrammaticales. N. Chomsky remarque également qu’« à partir d’une expérience finie et accidentelle de la langue » (qui peut être comparée au rôle que joue un corpus lors de l’élaboration d’une grammaire) le locuteur est parfaitement capable de comprendre et d’émettre une infinité de phrases nouvelles (grammaticales) non entendues auparavant. C’est à la suite de ces réflexions théoriques que N. Chomsky définit les objectifs qui doivent être donnés à une grammaire. Celle-ci aura pour tâche de rendre compte explicitement de toutes les phrases grammaticales (et seulement de celles-ci) de la langue considérée, c’est-à-dire qu’elle doit être capable d’engendrer toutes les phrases qui sont reconnues comme grammaticales, de manière intuitive, par les sujets parlants. L’aspect le plus important de cette conception de la grammaire semble résider dans ce qui est inclus dans les termes : « rendre compte explicitement ». Contrairement à la plupart de ses contemporains, Chomsky n’envisage pas que la grammaire soit destinée seulement à donner la description de la structure syntaxique d’une langue ; il faut, en outre, qu’elle en fournisse un modèle qui soit explicatif des faits — en permettant, par exemple, de résoudre correctement tous les cas d’ambiguïté syntaxique — et qui rende compte du pouvoir « créatif » inhérent à la structure des langues naturelles.