Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Chine (suite)

La maison traditionnelle, dont le type de base est fixé aux environs de notre ère, comprend une succession de cours sur lesquelles s’ouvrent des bâtiments aux fonctions précises : salles de réception, appartements privés, chambres de domestiques, cuisines... L’entrée, face au sud, est protégée par un mur écran qui interdit l’accès de la maison aux esprits malfaisants. Les terres cuites funéraires de l’époque Han fournissent de nombreux exemples de maisons rurales, dont les bâtiments ont en général un ou deux étages. Cette tendance à construire élevé s’est perpétuée dans le centre et le sud de la Chine, tandis que dans le nord les maisons, de plain-pied, adoptent un parti horizontal. Dans les demeures riches, un jardin d’agrément, qui abrite des pavillons et des pièces d’eau, s’ouvre souvent à l’arrière de la maison.


Jardins

Comme la peinture de paysage, le jardin se définit par le terme shanshui (chan-chouei), montagne et eau. Ces deux éléments sont à la base de tous les jardins, bien que la végétation, le climat et le site permettent des variations infinies. Cherchant à recréer la nature à une échelle réduite, le jardin reconstitue, spirituellement, une excursion dans un paysage. La vision d’une montagne tout entière est transposée dans des rocailles ou des pierres aux formes étranges, particulièrement appréciées par les collectionneurs de l’époque Song. Souvent associées à un pin ou à un bambou, ces pierres se découvrent au hasard de la promenade dans les ouvertures décoratives que l’on a ménagées sur des murs blanchis à la chaux. Les rapprochements entre plantations et bâtiments suscitent des jeux de couleurs. Tout cela fait du jardin une retraite conçue pour le délassement entre amis, où règnent avant tout la liberté, la fantaisie et l’imprévu.


Sépultures

La maçonnerie et la pierre étaient réservées aux travaux publics, aux terrasses, à certaines pagodes* et aux sépultures. À partir du iiie s. av. J.-C., la construction d’une chambre funéraire, liée à l’emploi de la brique, remplace le principe de la fosse verticale en usage dès l’époque Shang. Cette chambre souterraine, le plus souvent voûtée, est surmontée d’un tumulus auquel on accède par le « chemin des âmes » (shendao [chen-tao]). Cette allée, tracée sur l’axe médian et orienté de la tombe, est bordée d’une double rangée de statues, de stèles et de piliers. Dans les sanctuaires impériaux, des portiques d’honneur à trois ou cinq ouvertures sont élevés à l’entrée du champ funéraire. Les tombeaux monumentaux des empereurs Ming, à Nankin et à Pékin*, marquent le point d’aboutissement de ce mode de sépulture. L’allée s’allonge, les statues et les détails ornementaux se multiplient, les dispositifs architecturaux se compliquent, mais le schéma de base reste le même.


Sculpture bouddhique

Venu de l’Inde, le bouddhisme du mahāyāna (ou du Grand Véhicule) se répand en Chine au milieu du iie s. apr. J.-C. Au Gansu (Kan-sou), à l’extrême ouest de la Chine, là où aboutissent les routes d’Asie centrale, les premiers centres religieux sont fondés dès le ive s. à Dunhuang (Touen-houang*), puis au début du ve s. à Maijishan (Mai-tsi-chan) et Binglingsi (Ping-ling-sseu). Dans ce dernier site, les travaux entrepris en 1963 ont permis de dater de 420 les plus anciennes sculptures rupestres. En terre modelée et séchée, cette forme de statuaire suit, avec des différences locales encore mal connues, l’évolution générale de la sculpture sur pierre. Pour ces deux techniques, la période la plus florissante se situe entre le ve et le viiie s., tandis que, dès la fin des Tang, s’amorce une lente décadence.

Les principaux vestiges comprennent : 1o les sculptures en argile et en pierre provenant des grottes bouddhiques (ouest et nord de la Chine surtout) ; 2o des stèles votives ; 3o des statues en bronze doré, et plus tardivement en pierre, qui étaient vénérées dans les temples et sur les autels domestiques.

À partir de 460, les Wei du Nord font creuser dans le grès tendre les premiers sanctuaires de Yungang (Yun-kang) au Shānxi (Chan-si). Les liens avec l’Ouest sont encore profonds et apparaissent sur les grands bouddhas des grottes XIX et XX. Le premier, debout, avec son écharpe aux plis arrondis, rappelle les bouddhas colossaux de Bāmiyān (Afghānistān) ; l’autre évoque plutôt l’école indienne de Mathurā. Cependant, une stylisation purement chinoise s’élabore progressivement à partir des modèles indiens. Le vêtement devient plus lourd et s’évase sur les côtés en un plissé rigoureusement symétrique qui se termine en pointes. La robustesse des visages au front large laisse place peu à peu à l’élégance et à la délicatesse de l’émotion.

La tendance à la spiritualité que reflète cet art anguleux s’affirme dans les grottes de Longmen (Henan [Ho-nan]), creusées à partir de 494. Le corps allongé des bouddhas disparaît sous l’amoncellement des plis tubulaires du manteau. Sur le visage devenu mince et étroit, la bouche est petite et retroussée aux coins en un sourire mystique, caractéristique des Wei du Nord. À cette époque, l’art bouddhique s’est complètement fondu dans la tradition stylistique héritée des Han. Un rythme linéaire intense se traduit avec bonheur dans la sculpture en bronze doré, où le métal souligne les plis aigus des draperies et les ciselures de l’auréole (stèle datée 518, musée Guimet, Paris).

À la fin des Wei du Nord sont creusées les grottes de Gongxian (Kong-hien), au Henan. Les sculptures, taillées avec simplicité et vigueur dans la pierre, révèlent un art plus libre et plus chaleureux que celui de Longmen.

À partir de 535, une réaction contre le style tendu des Wei du Nord cherche à traduire le modelé pour donner au Bouddha un aspect plus humain. Cette tendance s’épanouit dans les sculptures rupestres de Tianlongshan (T’ien-long-chan) au Shānxi, commencées peu après l’établissement des Qi (Ts’i) du Nord dans la région, vers 550. Les visages s’arrondissent, et un léger mouvement rompt avec la rigidité absolue de l’attitude. Peut-être sous l’influence de la plastique de l’Inde Gupta, les vêtements gagnent en souplesse pour laisser deviner les contours du corps. Les statues, tout en restant frontales, commencent à se détacher du fond sur lequel elles étaient plaquées.